PETITS MEURTRES ENTRE MOINES[Les nouvelles enquêtes du Juge Ti - Vol. 4]- Frédéric LENORMAND. - Editions FAYARD.
- Par hervegautier
- Le 29/03/2009
- Dans Frédéric LENORMAND
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N°302 – Juin 2008
PETITS MEURTRES ENTRE MOINES[Les nouvelles enquêtes du Juge Ti – Vol. 4]– Frédéric LENORMAND. - Editions FAYARD.
Tout semble aller pour le mieux pour Ti qui, à ce point de sa carrière, administre la ville prospère et paisible de Pou-Yang. Le hasard le met en situation d'arbitrer un conflit entre moines taoïstes et moniales bouddhistes qui en sont venus aux mains à propos d'une lutte d'influence ou pour quelque autre obscure raison. Lui qui est un bon adepte de Confucius et qui considère ces deux religions comme reposant sur la crédulité et la superstition des fidèles l'aurait plutôt pris à la légère, mais il y a l'ordre public dont il est responsable. Il fallait donc agir au plus vite, d'autant qu'il a su opportunément s'adjoindre, par un stratagème dont il a le secret, la collaboration, involontaire au début, mais finalement diablement efficace, de sa première épouse qui se rendra chez les moniales pendant qu'il enquêtera chez les moines.
Tout serait pour le mieux si on oubliait que partout où passe le juge Ti, les crimes et les morts suspectes se multiplient. Cela ne manque pas de se reproduire avant même qu'il ne franchisse la porte du monastère où il va mener son enquête. Dans ce microcosme, il va être confronté à des pratiques peu « orthodoxes », autant qu'à un sens de la morale quelque peu contestable prônée par les religieux, où l'hypocrisie le dispute à l'égoïsme, à la rancune, à la mystification. Il vérifiera encore une fois, de même que sa première épouse, que les nombreux travers de la condition humaine n'épargnent pas ces lieux pourtant en principe réservés à la prière et à la méditation. Ti en conçoit des remarques pertinentes sur la naïveté des fidèles autant que sur la cupidité, voire de la flagornerie des moines, et d'ailleurs des moniales, qui ne reculent pas devant de petits arrangements avec leurs voeux. Pour autant, il n'en laisse pas conter et ne manque jamais d'appliquer son doute systématique sur les apparences et les certitudes les plus solides.
Malgré ce contexte religieux où magie et fantastique se côtoient, en bon disciple de Confucius, il exerce constamment son esprit critique et pragmatique et finit par remettre les choses dans l'ordre d'où elles n'auraient jamais dû être détournées. Son épouse et lui-même découvrent les trafics séculiers et surtout lucratifs que cachent ses deux monastères pourtant ennemis jurés.
De cet épisode le Juge Ti sort encore une fois vainqueur et surtout avec lui la loi et l'ordre dont il est le garant. Il reste ce personnage à la fois brillant et facétieux qui me plaît bien. Pourtant si son épouse eut quelques interrogations sur elle-même et sur les raisons de sa présence chez les moniales bouddhistes quand elle y mena ses investigations, elle découvre en elle, malgré tout une certaine sérénité autant qu'une manière nouvelle d'envisager sa vie au foyer. A l'occasion de cet épisode où elle collabore avec son époux, elle contribue, elle aussi, à remettre les choses et les gens à leur vraie place, mais surtout elle prend conscience d'une nouvelle vocation, celle de mener comme son mari des enquêtes judiciaires. Certes, sa condition ne le lui permet pas, mais l'auteur semble nous dire que malgré l'époque, la femme est amenée à prendre une place grandissante dans cet Empire... que gouverne une impératrice.
Est-ce à dire que le juge Ti est anticlérical, à tout le moins en ce qui concerne le taoïsme et le bouddhisme? Il me plaît de penser que ce personnage décidément attachant porte sur ce clergé un regard amusé et que ce n'est pas cet épisode de sa vie qui va le faire changer d'avis.
Je ne suis pas un lecteur émérite, mais ce que j'aime chez un auteur c'est que, lorsque je referme son livre, j'ai l'impression d'avoir passé un bon moment. Cela tient au style autant qu'au sujet et l'intérêt que j'éprouve pour une oeuvre procède toujours autant de l'alchimie. Frédérique Lenormand me prête cette certitude et cette chronique qui s'enrichit à chacune de mes lectures, en garde la mémoire.
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© Hervé GAUTIER – juin 2008. |
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