la feuille volante

Les volets verts

N°1806 – Décembre 2023.

 

Les volets verts – Georges Simenon.

 

Emile Maugin, la soixantaine, est un acteur de théâtre et de cinéma célèbre et reconnu mais sa santé est fragile malgré sa forte corpulence, à cause des excès de boisson et d’alcove. Son médecin l’avertit d’une perspective fatale. Il se croit obligé, grâce à son succès d’être grossier et odieux avec son entourage, hommes et femmes, un peu comme s’il prenait ainsi sa revanche sur une enfance malheureuse et défavorisée au fin fond du marais vendéen. La maison aux volets verts sur la Côte d’Azur, c’est celle qu’il rêve d’acheter pour sa troisème épouse, Alice, ancienne figurante, évidemment plus jeune que lui, enceinte lors de leur mariage, mais pas de lui, et avec qui il ne parvient pas à faire un vrai couple ni une vraie famille. Cette souffrance se manifeste lors de la rencontre qu’il fait avec l’ancien amant de son épouse. Il veut la mettre à l’abri de l’avenir parce que son état de santé vacillant l’invite à faire le bilan de sa vie finissante et ce n’est guère brillant. C’est la prise de conscience d’une existence faite de fuites des lieux anciens, des gens qu’ils a connus et peut-être de lui-même, d’excès en tout genre et maintenant d’une obsession de la mort et c’est à la suite d’un accident stupide qu’elle aura raison de lui. Ses félures, sa solitude se révèlent tout au long de ce roman et notamment dans ce retour sur lui-même qu’il fait à l’occasion de la visite à son ancien compagnon de planches qui lui n’a pas connu le succès. Dans cette circonstance, il revient sur son passé, sur tous ceux qu’il a croisés, comme une sorte de « jugement dernier », avec, en arrière-plan la douleur et la culpabilité qui le gagnent.

 

C’est la fin de vie d’un acteur de renom, coincé entre son succès et une enfance désastreuse, son mépris des gens et la peur de sa propre disparition. Ce roman est paru en 1950 et le rôle d’Emile n’a évidemment pas été écrit pour Gérard Depardieu même s’il l’interprète magistralement dans le film de Jean Becker qui s’inspire librement du roman et qui est servi admirablement par son talent, celui de Fanny Ardant et de Benoît Poelvoorde. Il y a bien des similitudes entre ces deux personnages, celui de la fiction et celui de Depardieu, monstre sacré dont les outrances, les frasques et la conduite souvent révoltante traduisent sûrement une forme de fuite mais peut-être aussi la certitude intime que son talent et son succès l’autorisent à penser que tout lui est dû et que tout lui est permis. L’admiration qu’on peut avoir pour le parcours et le talent de l’acteur trouve ici ses limites. Il reste que je suis étonné par le destin de cet homme qui aurait pu être un minable délinquant et à qui la chance a fait rencontrer des personnes influentes qui ont cru en lui et ont ainsi donné un nouveau souffre à sa vie. Destiné, liberté, baraka, allez savoir ?

 

Simenon ne se résume pas seulement à Maigret. Ce livre vient s’ajouter à tous ceux où l’auteur analyse l’âme humaine avec tous ses replis et tous ses travers, ce qui fait de lui un romancier d’exception.

 

 
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