la feuille volante

si par une nuit d'hiver un voyageur

N°1863– Avril 2024.

 

Si par une nuit d’hiver un voyageur – Italo Calvino- Seuil.

Traduit de l’italien par Danièle Sallenave et François Wahl.

 

Étonnant ce roman dont le personnage est le lecteur, c’est à dire vous et moi et par le biais de subtiles mises en abyme et d’une non moins habile erreur de composition de son livre, l’auteur nous place, dans une librairie en présence d’une belle lectrice. Ce détail est important parce qu’il confronte deux univers aussi différents que celui, traditionnel, de l’écrivain et de son lecteur. Dès lors c’est une autre histoire, certes loufoque et déjantée mais qui nous permet de voyager dans de petits mondes aussi différents que multiples, d’entrer dans l’univers très particulier d’Italo Calvino et d’y faire d’improbables rencontres au point de vouloir impérativement en savoir davantage et donc de ne pouvoir revenir en arrière. Cela peut susciter diverses réactions de notre part, rejet de cette originalité inattendue peut-être, saoulerie de l’imaginaire ou stupeur d’être au bord d’un gouffre, en équilibre entre la fiction et la vraie vie et tout cela par le miracle pourtant simple de l’écriture ? Écrire c’est créer un espace peuplé de gens particulier, ici des libraires, des traducteurs, des professeurs, c’est raconter une histoire qui n’existe pas encore parce que les mots qui la composent sont encore dans les limbes du cerveau de celui qui la tisse. Il arrive qu’il en soit lui-même étonné. Alors que peut faire le lecteur face à cet alchimie qui ne sera sûrement jamais complètement dévoilée sinon lire et ce d’autant que, cette fois, il s’agit de lui-même !

Avec Calvino, entrer dans un livre c’est davantage que d’y porter intérêt le temps d’une lecture. C’est tenter de mettre de l’ordre dans les multiples pièces d’un puzzle, de déjouer les arcanes du hasard, de goûter le vertige suscité par des mises en situation inattendues et labyrinthiques, de tenter de poursuivre une ombre tout en se demandant si elle est le fruit de l’imagination ou si elle est une réalité fuyante, de se laisser embarquer dans un voyage dont on se demande où il va finir et même s’il va avoir une fin tant l’épilogue en est abrupte et les secrets multiples et aussi si d’autres lecteurs nous accompagneront dans ce périple incertain...

Le lecteur (et la lectrice) cherche donc, tout au long de ces dix récits, à lire un improbable roman qui apparemment se dérobe à sa lecture dans une pirouette oulipienne en s’ouvrant sur un autre tout aussi mystérieux né de cet exercice de style génial. Livre, qui n’est pas vraiment un roman mais qui tient son lecteur en haleine jusqu’à la fin au point de le laisser à ce point perplexe... s’il n’est pas largué avant ;

 

 

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