|
N°417 – Avril 2010
LES MANGEURS DE POMMES DE TERRE - Jean-François Pocentek – Plein chant.
Malheureusement, j'ai commencé à lire l'œuvre de Pocenteck à l'envers, mais je finirai bien par m'y retrouver. Ce récit en annonce d'autres qui feront sans doute partie de ma bibliothèque personnelle ou imaginaire.
Le titre évoque d'emblée un tableau de Vincent Van Gogh. D'ailleurs, le décor, c'est un peu cela, le Nord de la France et ses corons, une famille de mineurs et un petit garçon qui nous livre ses souvenirs, des dimanches interminables au rituel immuable, le costume un peu raide, la cravate à élastique, le repas dans la salle à manger, la visite du grand-père, ses encouragements pour l'école parce que ainsi l'enfant échappera à la mine [« à chaque rencontre avec mon grand-père, il m'a embrassé le front et donné une pièce »], l'hiver, la chambre sans chauffage, le café au lait avec des tartines épaisses, la toilette sur l'évier... L'école publique, les culottes courtes, les jeux guerriers de la cour de récréation qui permettaient tous les possibles et s'inspiraient des bandes dessinées, le tableau noir, l'encre violette, les cours de morale, les plumes Sergent-Major avec ses pleins et ses déliés, les amitiés et les brouilles entre camarades...
C'était aussi la mort, parce qu'un enterrement est toujours une occasion de rassembler une famille dispersée dont les membres ne se connaissent plus, on promet de se revoir, mais pas pour une occasion funèbre et on oublie vite... C'est l'horloge qu'on arrête et les miroirs qu'on voile, le cortège des visites, la casquette à la main, l'accompagnement du cercueil, la visite annuelle de la Toussaint au cimetière avec ses incontournables pots de chrysanthème et son souvenir ravivé une fois l'an. Mais aujourd'hui l'enfant a grandi, habite ailleurs dans un pays de pâture, la mine s'est arrêtée et le chevalement rouille. Il ne reste que les souvenirs, ceux du triumvirat, maire, curé et instituteur, mais le premier est maintenant plus attentif à sa carrière politique qu'au bien-être de ses concitoyens, les vocations sacerdotales se font plus rares, seul le maître d'école perdure encore... Le décor est complété par l'inévitable bistrot où tous les hommes se retrouvent, et même parfois quelques femmes...
Il y a aussi la figure des gens qui peuplaient ce microcosme, ils sont comme des fantômes avec leur cortège de remords et de nostalgie parce que, contrairement au contes de l'enfance, le monde n'est pas beau, les turpitudes existent, les hommes et les femmes sont loin d'être semblables au portait idyllique des fables.
L'évocation se poursuit en Bretagne là ou le narrateur se réfugie parce que le souvenir est trop fort, pour y faire d'autres rencontres ou des retrouvailles amicales renouvelées. C'est toujours aussi poétique et nostalgique, et cela me plait bien comme l'allégorie de fin qui conjugue une belle image de femme et un air de violoncelle.
Je reste attentif au parcours créatif de cet auteur. Il m'intéresse.
© Hervé GAUTIER – Avril 2010
http://hervegautier.e-monsite.com
.
|