LE MAITRE D'ESCRIME – Arturo PEREZ-REVERTE
- Par hervegautier
- Le 19/12/2009
- Dans Arturo PEREZ-REVERTE
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N°384– Décembre 2009.
LE MAITRE D'ESCRIME – Arturo PEREZ-REVERTE – Le Seuil.
« Tout le monde conspirait en cet été 1868 », les jours de la reine Isabelle II étaient comptés et les supputations républicaines aillaient bon train. C'est une Espagne traditionnelle, machiste, monarchiste, immobile qui est le cadre de ce roman pseudo-historique où Jaime Astarloa, vieux maître d'armes, vit ou plutôt survit dans l'ombre bienveillante mais distante des grands aristocrates à qui il enseigne son art. Pourtant, cette discipline à laquelle il a été fidèle toute sa vie est sur le déclin au point d'être ravalée au rang de sport, tout comme sont galvaudées les valeurs de chevalerie et d'honneur qui s'y attachent. Face à ce monde qui s'effondre, il s'efforce de rédiger un traité qui résumera toutes les nuances de son art, avec la révélation de la botte secrète et imparable, une sorte de Graal. Il considère que son enseignement est exclusivement réservé aux hommes, mais c'est une femme, jeune, belle, secrète et célibataire, Adela de Otero, qui vient solliciter ses services, et, accessoirement améliorer son niveau de vie en l'initiant à une botte dont il a le secret, « la botte des deux cents écus »!
Cela pourrait être intéressant, mais il considère qu'une femme ne peut manier l'épée parce que cet exercice est réservé aux hommes. Il refuse donc mais finit par céder, et ce d'autant plus qu'il tombe amoureux de la belle. C'est qu'il n'a jamais pu résister à une femme. Elles ont provoqué bien des renoncements et des bouleversements dans sa vie et celle-ci lui donne à penser qu'elle n'est pas tout à fait insensible à sa personne.
Don Jaime est sous le charme des yeux violets de la dame autant que de son habileté à manier l'épée et à être à ce point en avance sur son temps. Il en vient même à concevoir quelque jalousie à cause des relations intimes qu'elles avec un de ses élèves, un aristocrate bien en vue, Don Luis de Ayala, marquis des Alumbres qui a, un temps, tenu un rôle politique. Don Jaime n'a pourtant rien à espérer de Doňa Adela!
Autour de lui, dans la chaleur étouffante de Madrid et surtout sans que cela lui fasse rien, les querelles politiques se déchainent dans le café où il a ses habitudes, et dans le pays les complots succèdent aux faux espoirs de révolution... Mais lui vit désormais et depuis longtemps hors du temps. Il ne se rend compte que bien tardivement qu'il est le jouet des événements au point d'être soupçonné du meurtre de Don Luis puisque c'est sa « botte secrète » qui a été utilisée pour l'exécuter et que Adela de Otero a disparu mystérieusement! L'escrime et les femmes n'étaient-elles pas quelques-uns des points faibles du marquis?
Il va entrer, presque malgré lui, dans des intrigues où l'assassinat politique est un passage obligé avec pour but ultime le renversement de la monarchie. S'il ne s'était, à ce point retiré du monde, il aurait peut-être compris ce qui se tramait autour de lui!
Ce roman est construit comme un engagement , assaut, fausse attaque,estocade, jusqu'au combat à pointe nue et de son issue, la mort, une véritable métaphore à travers le vocabulaire peut-être un peu trop technique pour un non-initié, du duel à l'épée.
Grand admirateur d'Alexandre Dumas, l'auteur nous offre ici un roman où tous les ingrédients se retrouvent, intrigues politico-policières, histoire d'amour, contexte historique d'une société au bord de l'explosion... Don Jaime est présenté comme un idéaliste, un homme finissant, gardien de valeurs surannées et d'un art qui se dissout dans le temps, mais aussi comme un naïf, pitoyable et crédule qui ne comprend pas une époque qui n'est déjà plus la sienne. Il prend brutalement conscience de la noirceur des hommes et du tourbillon dans lequel il s'est laissé entraîner au point que sa vie est dangereusement menacée. C'est une sorte de Don Quichotte avec des moulins à vent plein la tête. En cela, je le trouve attachant.
Ce roman tisse une atmosphère qui me plaît bien, celle d'un moment charnière, de quelque chose que l'on connaît et qui se termine et d'une autre chose qu'on ignore mais qui fascine et inquiète à la fois.
Le texte plein d'humour est bien écrit ou en tout cas bien traduit, ce qui rend sa lecture agréable. Le récit des différents combats est particulièrement bien mené, le suspense y est distillé jusqu'à la fin et et tient le lecteur attentif et passionné en haleine.
Pour moi, cela a correspondu pleinement à ce que j'attends d'un livre: un moment de réel plaisir, mais aussi une invite à découvrir l'atmosphère si particulière tissée par cet auteur.
©Hervé GAUTIER – Décembre 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
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