Les roses d'Atacama
- Par hervegautier
- Le 29/11/2014
- Dans Luis Sepulveda
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N°836 – Novembre 2014.
Les roses d'Atacama – Luis Sépulveda- Métailié
C'est une sorte de carnet de voyage que nous offre l'auteur, le compte rendu de belles rencontres avec des gens dont il nous raconte l'histoire. Ce sont de gens ordinaires dont personne ne parle, 34 portraits, 34 esquisses inspirée par la sensibilité humaine. Dans ces nouvelles, il met en scène des hommes, des marginaux, qui ont choisi de se battre avec des armes dérisoires contre un pouvoir violent et barbare tel que les dictatures savent en enfanter, des petites gens qui font chaque jour leur métier avec passion, même si celui-ci leur apportera la mort. C'est aussi pour l'auteur l'occasion de se révolter contre l'exploitation meurtrière de la forêt en Amérique du sud ou la disparition programmée des baleines en Méditerranée. Sepulveda sait que ces combats sont perdus d'avance mais son action de témoin est une sorte de devoir moral pour que ces instants passés avec eux, que ces luttes, même vouées à l’échec, soient gravés dans nos mémoires, pour que ces injustices soient dénoncées comme une aberration dans l'histoire du monde, que l'oppression sous toutes ses formes soit ainsi révélée, pour que l'hypocrisie et le mensonge qui sont l'apanage des sociétés humaines bien pensantes soient dévoilés. C'est qu'il n'est pas autre chose qu'un témoin qui, à travers ses mots rend la parole à tous ces laissés pour compte que l'histoire officielle a oubliés, pour que tous ceux qui se sont un jour levés contre la barbarie ou qui ont simplement fait ce qu'ils estimaient être leur devoir, ne soient plus des fantômes. Il leur redonne leur nom, remet des mots sur leur action et c'est ainsi un peu de leur dignité qu'il leur rend. Il le fait simplement, sans faire dans le pathos, sans noircir le tableau, comme le scribe attentif et scrupuleux qu'il est.
Il évoque sa démarche en décrivant ce militant politique qui se penche sur les éphémères roses qui poussent dans le désert salé d'Atacama au nord du Chili. Elles sont toujours là, redonnent vie et couleurs à cette terre ingrate, ne fleurissent qu'une fois l'an, ponctuellement, sont aussi vieilles que le monde et des générations d'hommes qui sont passés par ici les ont vues. Elles sont le symbole de la permanence dans ce milieu hostile, de la vie qui disparaît mais toujours renaît tel un phénix, une sorte de miracle comme seule la nature sait en faire pour attester sans doute que rien n’est perdu, que l’humanité est capable de résister, comme les hommes dont il témoigne de l'humanisme, de l'altruisme, de la solidarité...
Le style est agréable, émouvant, une évocation simple mais pleine d'humanité, sans fioriture mais aussi sans concession. L'écrivain révolté voyageur et militant qu'il est trouve ici un thème particulièrement bien choisi pour que ses lecteurs prennent conscience des réalités et n'oublient rien de ce qui fait notre commune histoire et défendent ce patrimoine dont nous ne sommes que les usufruitiers.
Il réussit, selon le mot de l'éditeur « à transformer la tendresse des hommes en littérature »
©Hervé GAUTIER – Novembre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
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