la feuille volante

Marie-Christine Renaudeau

  • Quand les portes et les volets sont clos

    La Feuille Volante - N° 2015– Septembre 2025.

     

    Quand les portes et les volets sont clos - Marie-Christine Renaudeau – Hello Éditions.

     

    Le titre donne la dimension intimiste et la 4° de couverture le contexte de ce récit autobiographique où l’auteure narre par le menu les phases successives de sa relation à la fois enthousiaste au début, puis de plus en plus conflictuelle avec cet homme devenu son mari. Cette « femme du boulanger », pourtant reconnue comme une battante a dû supporter pendant des années les vexations, humiliations, mensonges, trahisons, viols conjugaux, adultères, souffrances avant qu’il n’en vienne aux coups, dans le seul espoir d’avoir un enfant avec lui et de le voir redevenir comme avant. Au fil des pages on loue sa patience, on déplore la domination de son conjoint qui entretient sa culpabilisation constante, son refus de voir l’évidence, mais aussi sa résignation, son silence, son déni, d’autant que celui qui aurait dû la protéger la considère comme la responsable de tout ce qui, à ses yeux, va de travers. En réalité cet homme est alternativement attentionné, gentil, violent, manipulateur, cruel, destructeur. Pourtant la persévérance de l’auteure et surtout le soutien de ses parents, de ses amis, de sa fille, lui ont permis de mener à terme une procédure longue, éprouvante, d’obtenir le divorce et de faire reconnaître son combat par la cour d’Assises et par la collectivité sous la forme d’un Prix. Car c’est bien d’un combat dont il s’agit et ce livre est un témoignage destiné à aider toutes les autres femmes victimes comme elle d’une telle emprise traumatisante. C‘est une victoire sur soi-même, sur le silence et la résignation, un acte de vie, puisque l’auteur au terme de ces années de galère a ouvert une boulangerie à Bordeaux, commerce actuellement vendu, mais son combat continue en faveur des femmes meurtries et elle s’implique personnellement dans ce qui est de plus en plus un problème de société. Toutes choses égales par ailleurs cela évoque le procès de Gisèle Pélicot qui a permis de prendre conscience de l’importance des violences faites aux femmes. Même si les circonstances sont ici différentes, ce genre de faits étaient couverts par le non-dit et même s’ils faisaient l’objet de plaintes, elles étaient auparavant (et même encore maintenant notamment dans l’affaire Inès Mecellem) rarement reçues par la police et donc poursuivies par la justice.

     

    Le phénomène des « femmes battues » n’est pas nouveau et le couple est aussi un lieu de tensions. On l’a longtemps ignoré hypocritement et quand on en parlait c’était à mots couverts voire ironiques, les femmes étaient traditionnellement considérées comme inférieures aux hommes et physiquement moins fortes qu’eux qui estimaient avoir sur elles quelque chose comme un droit non écrit. Les crimes dits « passionnels » sont restés longtemps impunis, puis il y eut une prise de conscience due sans doute à l’évolution de la société. On s’avisa qu’au cours de l’histoire l’action de certaines d‘entre elles avait été déterminante, que des artistes les avaient célébrées, on créa des associations de sauvegarde et de soutien, des possibilités d’appels anonymes et des structures d’accueil, un ministère, on fit des statistiques, on publia des photos, on fit mine de découvrir que certaines d’entre elles avaient péri dans la plus grande indifférence, on inventa même le mot « féminicide ». Chaque jour qui passe nous met devant une évidence qui pourtant ne date pas d’hier, les communautés humaines sont de plus en plus folles, minées par la violence et perdent chaque jour un peu plus leurs repères, leurs boussoles, leurs valeurs traditionnelles, et que les membres de nos sociétés deviennent de plus en plus agressifs, perpétrant des actes irraisonnés et irraisonnables, même parmi les plus jeunes.

     

    Raconter une telle histoire faite de violences psychologiques et physiques, de silences, d’incompréhensions, d’illusions au sein du couple qui est une sorte de microcosme, n’est pas une chose aisée simplement parce que l’écriture est en elle-même une souffrance et que mettre des mots sur ce qui s’est avéré être un échec conjugal demande du temps, du courage, de la résilience et le résultat n’est pas forcément au rendez-vous de cette démarche d’autant que sa publication n’est pas non plus facile. C’est moins un exorcisme personnel qu’une invitation à réfléchir sur le mariage qui a longtemps été considéré comme un pilier de la société, sur l’amour conjugal que les plus optimistes font rimer avec « toujours », sur les relations homme-femme au sein du couple. Garder le silence en se disant que ça n’intéressera personne a longtemps été la règle. Ce livre écrit dans un style abrupt à la mesure du sujet, met en exergue cette violence qui de plus en plus affecte notre société.

     

     

     

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