L'ÉLÉGANCE DU HÉRISSON - Muriel BARBERY - GALLIMARD.
- Par hervegautier
- Le 03/04/2009
- Dans Muriel BARBERY
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N°286– Décembre 2007
L'ÉLÉGANCE DU HÉRISSON – Muriel BARBERY - GALLIMARD.
Le bandeau de l'éditeur avait quelque chose d'encourageant, pensez-donc « Prix des Libraires 2007 ». Depuis le syndrome du Goncourt, l'obtention d'un prix, quel qu'il soit, surtout s'il s'affiche sur un morceau de papier rouge vif en travers de la couverture, est toujours, à tout le moins pour moi, assez engageant. Sur la 4em de couverture, j'apprends que le précédent roman de l'auteure, que j'avoue n'avoir pas lu, a été traduit en douze langues! Je suis toujours resté sur la certitude que la traduction d'un ouvrage dans une langue étrangère était forcément un gage de qualité. Ajoutez à cela, une publication chez Gallimard... Je ne pouvais donc qu'être transformé en lecteur attentif!
Le lieu, un immeuble cossu, 7 rue de Grenelle à Paris où se succèdent des générations de résidents-propriétaires. Les personnages, Renée, 54 ans, veuve et concierge de son état dans ledit immeuble et qui voit chaque jour passer devant sa loge la faune des propriétaires riches qui, bien entendu l'ignorent avec suffisance. Paloma, 12 ans, deuxième fille d'une famille de résidents influents, névrosés et snobs, à l'intelligence précoce et quelque peu en révolte avec son milieu social et sa famille et qui, malgré son jeune âge, a déjà l'intuition de ce que la vie lui réserve de désespérant et pense à son prochain anniversaire qu'elle célébrera en mettant le feu à l'immeuble qu'elle habite avec ses parents, et en se suicidant! Elle pense pouvoir y échapper temporairement en rédigeant une sorte de journal intime. Le décor et les principaux protagonistes avaient déjà quelque chose d'attachant, j'aime assez ceux qui se révoltent contre leur milieu et cultivent leur différence. C'est vrai qu'ici, le lecteur est servi. Cette concierge, sous des dehors conformes à son état, est en réalité une lettrée[un peu trop!] volontairement secrète, passionnée de littérature russe et de cinéma japonais, une « autodidacte prolétaire ». C'est elle qui a l'élégance du hérisson, pleine de piquants au dehors, mais sensible et subtile à l'intérieur. Elle vit avec un chat prénommé Léon, en hommage à Léon Tolstoï, et des souvenirs. Paloma distille des aphorismes et des remarques désobligeantes contre le milieu qui l'a vue naître. En arrière-plan, il y a la faune de l'immeuble, indifférente, compassée, imbue d'elle-même et pleine de condescendance pour cette concierge qu'elle traite comme les êtres conscients de leur prétendue supériorité savent le faire avec les subalternes... par le mépris! Il y a cependant des exceptions. Cela menaçait d'être intéressant!
Il y a une vrai complémentarité entre Renée et Paloma, deux solitudes, qui ne se rencontrent qu'à la fin. Le récit lui-même est une sorte de balancement entre deux extrêmes, deux conceptions opposées de la vie. Entre elles il y a cependant une sorte de compréhension pleine de non-dits, d'empathie secrète et muette.
Le style est alerte, emprunt d'humour, d'érudition[un peu trop peut-être?J'ai souvent eu la désagréable et agaçante impression que nombre de chapitres n'étaient là que pour mettre en valeur celle de l'auteure], élégant, jubilatoire même et bien dans l'esprit de cet ouvrage qui est une véritable critique des apparences et du pouvoir sous toutes ses formes. Mais j'avoue que j'ai eu du mal à terminer ce roman qui commençait si bien. L'auteur confie qu'elle s'est fait plaisir en l'écrivant, ce que je veux bien croire et cela me paraît être la moindre des choses, mais moi, en tant que simple lecteur, je ne l'ai que peu partagé, poursuivant ma lecture, davantage par curiosité que par véritable intérêt.
J'ai ressenti, toute au long de cette fiction, une sorte de superficialité, malgré les choses évoquées, une sorte de placage d'idées étrangères aux personnages et, bizarrement, à la fin, cela a laissé place à quelque chose de plus authentiquement humain, de moins intellectuellement apprêté, comme si les choses reprenaient leur vraie place dans un banal quotidien. « Rien n'est jamais acquis à l'homme, ni sa force, ni sa faiblesse ni son cœur ... » nous rappelle le poète.
© Hervé GAUTIER - Décembre 2007.
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