la feuille volante

O verlaine

N° 1548– mai 2021.

 

O Verlaine – Philippe Thirault – Olivier Deloye – Steinkis

 

En 1895 Henri-Albert Cornuty, jeune employé aux abattoirs de La Villette et grand amateur de la poésie de Verlaine, recherche le poète. Il s’attend sans doute à rencontrer un écrivain installé, publié, reconnu, vivant bourgeoisement en famille et peut-être inaccessible mais ce qu’il découvre le bouleverse. C’est une loque humaine qui se révèle à ses yeux, un homme déchu, alcoolique, syphilitique, un être violent, un parasite qui échange ses vers contre des verres d’absinthe et des passes dans un bordel sordide, fréquentant des compagnons de galère, les membres d’une société interlope dignes de la Cour des miracles, errant d’hôpitaux où il est soigné en estaminets où il hypothèque sa vie chaque jour un peu plus avec cette « fée verte » dans laquelle il puise son inspiration et sa déchéance, oscillant sans cesse entre l’abject et le sublime. C’est « un poète maudit », lâché par les gloires de la culture officielle mais adulé par les étudiants du Quartier Latin qui vit les derniers mois d’une existence qui aurait pu être belle mais qui, par sa faute, à tourné au cauchemar. Henri-Albert a du mal à admettre que des poèmes si beaux et si musicaux puissent sortir d’une carcasse aussi repoussante. Il le suivra jusqu’au bout.

Verlaine est aussi un paradoxe en lui-même. Lui, l’ancien amant de Rimbaud, l’ancien taulard, est protégé par le préfet de police et le directeur de l’hôpital où il est soigné parce que ces deux personnalités sont sensibles à ses vers, un comble pour un marginal qui se moque de la morale de son temps, des bonnes mœurs et de la justice.

Il noie dans l’alcool ses derniers mois de vie sans savoir que son talent passera à la postérité et que des générations de gens apprendront ses poèmes, qu’on s’inspirera de sa vie et de son œuvre en le mettant en scène dans des romans comme l’a fait avec talent Jean Teulé (que j’ai eu envie de découvrir) qui lui-même inspira la plume de Philippe Thirault et le coup de crayon de d’Olivier Deloye (« Le poète n’est pas celui qui est inspiré mais celui qui inspire » a dit Jean Cocteau.)

Chaque siècle a produit des génies et, dans le domaine de la poésie, Verlaine fut l’un d’eux qui continue à nous enchanter et à nous interroger.

Je remercie vivement des éditions Steinkis et Babelio de m’avoir permis de découvrir cet ouvrage et de m’avoir invité à évoquer la mémoire de Paul Verlaine.

 

 

 

 
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