LA MORT EN LUI - Pierre Moinot1
- Par hervegautier
- Le 24/10/2010
- Dans Pierre Moinot
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N°442– Août 2010
LA MORT EN LUI – Pierre Moinot1 - Éditions Gallimard.
Le récit s'ouvre sur l'évocation d'une scène de chasse aux cerfs, à l'affût, dans le froid et la nuit ou plus exactement un épisode où le chasseur qui est aussi le narrateur, Lortier, est seul dans un mirador. Tout est silence et immobilité et il fait corps avec le paysage « A cette heure où tout est possible, l'attente soulevait en moi de légers vertiges d'espoirs, mais j'étais une pierre ». Puis, il descend de sa cachette et se perd, renonce à tirer un renard et rencontre un garde qui apparemment l'attend parce qu'il a comprit qu'il s'était perdu! Cet homme qui est un solitaire parce qu'il vit dans la forêt lui parle des cerfs qui ont changé, un peu de lui qui a été victime d'un accident à l'épaule qui l'a réduit à quelqu'un qui n'est plus capable de tirer au fusil comme avant. Une sorte de courant de sympathie s'installe entre les deux hommes, mais un halo de mystère entoure le forestier. Puis survient une petite fille qu'il appelle « mademoiselle » présentée comme une « messagère » de « la grande maison » et qui est porteuse « dans un petit écrin de velours bleu » d'une unique balle, du calibre de la carabine de Lortier, « brillante et blindée d'or, comme les balles qu'on fondait autrefois pour assassiner les rois » destinée à tuer un cerf dangereux pour le voisinage. C'est donc une sorte de marché que le chasseur accepte. Il ira donc à la rencontre du cerf, le tuera mais aura le sentiment bizarre de défendre sa propre vie.
Le second récit évoque l'enfance mais aussi la nuit, le froid et la traque d'une fouine et de renards qui montre que le règne animal aussi à ses règles de mort. C'est un peu comme si la troisième nouvelle oppose la vie que porte la femme enceinte à la mort que sème l'homme sans qu'il puisse s'en empêcher et dont il se satisfait. Le quatrième récit décrit un bal mondain ou plus exactement quelque chose comme une transition, une prise de conscience d'un changement dans l'ordre des choses et contre lequel on ne peut rien. Le mari, Jérôme, fait figure de témoin un peu lointain d'une scène où Laura, sa femme, joue le rôle d'un pantin qui peu à peu se désarticule dans l'indifférence des autres danseurs plus jeunes, plus amoureux et face à cela en conçoit une solitude irrémédiable.
Au cours de cette série de nouvelles un peu surréalistes, une sorte de rêve éveillé, c'est le thème de la mort qui est analysé ici. Le chasseur la porte au bout de son arme pour le gibier et une seule balle suffit à la lui imposer facilement. Pour lui, une bête sans vie est une victoire. C'est aussi le thème de la fuite du temps et de ses ravages sur le corps, l'esprit, la faculté d'aimer, la perte définitive de choses qui ne reviendront plus mais qu'il est sage d'accepter comme une réalité. C'est un récit passionnant, plein de belles descriptions tissées dans une langue pure et un vocabulaire parfois technique mais à la fois précis et riche.
© Hervé GAUTIER – Août 2010.http://hervegautier.e-monsite.com
1Pierre Moinot (1920-2007) résistant, combattant, conseiller au cabinet d'André Malraux et créateur des premières maisons de la culture, Procureur Général près la Cour des Comptes. Il est l'auteur de nombreux romans couronnés par des prix prestigieux, mais œuvra aussi dans le domaine de l'audiovisuel. Il a été élu à l'Académie française en 1982 au fauteuil de René Clair.
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