Valerio Varesi
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La pension de la via Saffi
- Par hervegautier
- Le 18/01/2025
- Dans Valerio Varesi
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N°1958– Janvier 2025 ;
La pension de la via Saffi – Valerio Valesi – Éditions Frassinelli.
Ce roman est paru en Italie sous le titre « L’affittacamere ».
Nous sommes à Parmes, à quelques jours de Noël, dans le froid et la brume.
Ghitta Tagliavini, la vielle propriétaire d’une pension dans le centre historique de la ville a été retrouvée assassinée d’une manière très particulière dans son appartement. Le commissaire Soneri entame sans grand enthousiasme cette enquête simplement parce que, il y a quelques années il connaissait bien Ghitta et que c’est dans cette pension qu’il a connu sa femme, Ada, prématurément décédée en accouchant d’un enfant mort-né. Ainsi est-il amené, après toutes ces années d’absence, à reconsidérer toutes ses certitudes et tous ses souvenirs à propos de Ghitta qui ne logeait plus comme auparavant des étudiants mais avait transformé sa pension en hôtel de rendez-vous pour riches couples illégitimes, était devenue un femme manipulatrice, sans scrupules, enrichie illégalement, entre chantage et corruption, avortements clandestins et pots-de-vin. Plus il progresse dans ses investigations plus ça représente une enquête sur lui-même que sa compagne, la pétulant Angela, peine à lui faire oublier. De plus au cours de ses investigations le commissaire retrouve une vieille photo d‘Ada au côté d’un autre homme inconnu ce qui l’amène à s’interroger sur les relations qu’elle entretenait avec Ghitta. De plus il découvre un petit carnet garni de surnoms cachant sans doute des clients de son établissement et qui pourraient bien cacher un assassin potentiel qui aurait agi par peur ou par vengeance. Son enquête se déroule donc dans ce quartier peuplé de migrants inquiétants, avec la silhouette d’un homme élégant mais aussi fuyant autant dans son attitude que dans ses réponses, le concours d’un ecclésiastique dévoué mais qui ne trahira évidemment pas le secret de la confession, la collaboration méfiante d’un SDF, une voisine énigmatique, une résidente de la pension qui a réponse à tout, des révélations inattendues sur Ghitta décidément bien mystérieuse. Bref, il y a autant de brouillard dans le cerveau du commissaire que dans la ville !
Soneri devra admettre que le temps a passé, que cette ville qu’il a connue plus jeune présente maintenant une forme de décomposition, qu’il devra affronter des fantômes, admettre des réalités qui lui avaient échappées.
L’épilogue se clôt sur une remarque mi-philosophique mi-réaliste du commissaire qui, de par ses fonctions, connaît bien les humains. Cette affaire un peu ténébreuse se termine leur désir, par-delà la mort de rédimer une vie amorale, de se venger peut-être de ses semblables et de laisser une trace de leur passage sur terre après leur mort.
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Le fleuve des brumes
- Par hervegautier
- Le 01/10/2024
- Dans Valerio Varesi
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N°1935– Septembre 2024.
Le fleuve des brumes – Valerio Varesi – Agullo éditions.
Traduit de l’italien par Sarah Amrani.
Le Pô est en crue et la péniche à la dérive d’Antoneo Tonna a été retrouvée vide, fichée dans une digue. A l’hôpital, on vient de retrouver un cadavre d’un homme qui apparemment s’est suicidé en se défenestrant, son nom Décimo Tonna. Seuls quelques kilomètres séparent ces deux étranges affaires, peut-être un double meurtre qui concerne les deux frères tant les interrogations du commissaire Soneri sont nombreuses. Le début de ses investigations ressemble au paysage qui l’entoure, nébuleux et mystérieux et, si on veut le voir ainsi, Le Pô est aussi un personnage de ce roman avec ses crues, ses brouillards, ses températures d’hiver, ses secrets, ses paysages et les gens qui s’y accrochent. Le fleuve participe même à cette affaire malgré lui. Le policier ne peut guère compter sur la complicité des gens du cru. Ils parlent pourtant, même s’ils sont plutôt taiseux et farouches et font allusion à la seconde guerre mondiale, terminée pourtant depuis cinquante ans, mais qui a laissé de vieilles rancœurs dans la région autour des combats entre fascistes et communistes. Le conflit, avec le souvenir de exactions et des atrocités commises, la culpabilité d’y avoir participé et la volonté de vengeance sont peut-être une source d’explications. Il y a ce billet sibyllin, l’exploration des cimetières et des sépultures, les errements et les doutes d’une enquête laborieuse qui s’embourbe tous les jours un peu plus à cause de cette omerta. Le commissaire Soneri ne tarde pas à fouiller dans le passé des deux frères, deux fascistes dans une zone où les combats ont fait rage entre les deux camps et que l’oubli n’a pas suffi à estomper. Il peine aussi à démêler les secrets de famille, à comprendre ce mystérieux incendie, ces allusions à un combattant exécuté pendant la guerre, quant à cette histoire de village immergé...
J’ai bien aimé ce commissaire à la fois flegmatique et réaliste qui mène ses investigations avec son équipe mais n’oublie pas de solliciter le curé de l’endroit que rencontrait souvent le vieil Antoneo, désireux sans doute compte tenu de son âge, de se mettre en règle avec Dieu avant de lui remettre son âme, mais l’ecclésiastique ne transige évidemment pas avec le secret de la confession. Il n’a finalement pas besoin de lui pour interpréter les différentes révélations faites au cours de cette enquête et qui ressemblent à des symboles, même si apparemment elles n’ont aucun lien entre elles.
Ce que découvre le commissaire, entre deux assauts d’Angela, une avocate qui est aussi sa coquine maîtresse et qui ne le lâche guère, n‘a rien à voir avec la transport de céréales pourtant répertorié sur le livre de bord mais il comprend aussi que la mort concomitante des deux frères Tonna n’est pas un hasard.
Le suspens est entretenu jusqu’à la fin, le texte est bien écrit (traduit?) et agréable à lire qui casse l’image d’ordinaire ensoleillée de l’Italie.