Valerio Varesi
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A mani vuote
- Par ervian
- Le 24/07/2025
- Dans Valerio Varesi
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N°1992 – Juillet 2025.
A mani vuote (Les mains vides) – Valerio Varesi – Frassinelli.
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Dans Parme écrasée par la canicule le commissaire Soneri est bizarrement sollicité pour le vol d’un accordéon au préjudice d’un pauvre musicien de rue, Gondo, qui ne connaît que l’air de « Bella Ciao ». A quelques mètres de son emplacement traditionnel on a retrouvé le cadavre d’un homme dans son appartement. Il s’agit de Francesco Galluzzo, issu d’une riche famille de commerçants. Les pièces sont en désordre mais le coffre-fort n’a pas été touché, ce qui exclut le mobile du vol qu’on aurait pu légitimement retenir. Il n’a donc pas été tué pour son argent, mais il a été préalablement battu à mort, peut-être parce qu’il est aussi homosexuel, ce qui peut être un mobile. Ses investigations conduisent cependant Soneri à un usurier bien connu, Gerlanda, qui était créancier de la victime mais également vers une piste qui sent la drogue. Au fur et à mesure de ses recherches, le commissaire s’aperçoit que ce meurtre peut n’être qu’un détail qui cache une réalité bien plus grave qui pourrait affecter la ville elle-même, gangrenée par un nouveau type de criminalité où les sociétés financières et immobilières tirent les ficelles, le tout dans la plus grande hypocrisie.
Je ne suis pas vraiment spécialiste des romans de Varesi que j’apprécie cependant mais d’ordinaire cette ville de Parme est plutôt noyée dans le brouillard et le froid. Ici c’est un peu comme si la canicule endormait les habitants. En plus de tous les rebondissements de cette affaire où tous ne disent pas ce qu’ils savent et, de plus, Soneri devra faire face à Capuozzo, le questeur, très sourcilleux sur les résultats de son subordonné et peu enclin à prendre en compte ses états d’âme. Non seulement cette opposition nuira à son enquête mais surtout mettra en évidence le véritable visage de cette ville pervertie par la corruption, pas vraiment la Parme qu’il connaissait. Face à l’apathie ou, pour ceux qui savent et qui refusent de parler, notre commissaire se réfugie dans la nostalgie qui naît du souvenir de son passé personnel et peut-être aussi dans le sommeil qu’il oppose au découragement qu’il connaît lors de ses investigations. Pourtant il se ressaisira et continuera de poursuivre inlassablement la vérité qui permettra aux magistrats de rendre une justice équitable.
Dans ce roman, qui est le septième de Varesi, la ville de Parme se dévoile sous un jour différent. Le commissaire paraît vaciller malgré sa forte personnalité qui, pour une fois peut-être, relègue quelque peu au second plan ses traditionnels compagnons habituels, à l’exception peut-être d’Angela, la femme qu’il aime. J’ai retrouvé avec plaisir ce personnage, à la fois timide, cultivé, bon vivant, attaché à ses origines paysannes, ce qui est pour lui une aide dans la conduite de ses enquêtes..
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La stratégie du lezard
- Par ervian
- Le 14/05/2025
- Dans Valerio Varesi
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N°1982– Mai 2025.
La stratégie du lézard- Valerio Varesi - Agullo.
Traduit de l'italien par Florence Rigollet.
Parme est engluée dans la neige, le brouillard et de froid humide des bords du Pô, ce qui va bien au commissaire Soneri, bougon, pessimiste, nostalgique. Heureusement, sa délicieuse compagne Angela, la cuisine et le bon vin sont là pour le sortir de son apathie, mais aussi parce qu'il est aussi policier et qu'à ce titre il doit veiller sur la population. On lui signale, venant de la digue, des musiques nocturnes bizarres, la mort d'un vieil homme souffrant de démence dans l'escalier de secours d'un hospice privé, une bagarre autour d'un cercueil, l'agression d'un curé et par dessus tout cela la disparition du maire officiellement parti faire du ski. Soneri est dubitatif mais ce qu'il sait c'est que cette ville est corrompue jusqu'à la moelle, avec le trafic d'influence et de drogue, la spéculation sur les marchés publics, le blanchiment d'argent sale, les dessous de table, les atermoiements de la justice et la paralysie provoquée de la police, le tout camouflé sous des dehors parfaitement légaux, avec de généreux actes d'altruisme, des montages juridiques compliqués, des prête-noms... C'est sans compter les magouilles politiques de tout bord avec des élus sont en délicatesse avec la justice, des notables qui manipulent les comptes et les gens, la mafia qui investit les entreprises, le pouvoir et le pervertit. Une véritable stratégie employée par les mafieux et les politiciens pour cacher leurs activités criminelles, un peu comme le lézard qui sacrifie sa queue pour ne pas être pris. Au départ, ce qui n'était qu'un fait anodin débouche sur un enchaînement de circonstances qui amène le commissaire à enquêter, un peu avec l'aide du hasard.
Comme toujours sous la plume de Varesi, la ville de Parme est un authentique personnage de ce roman passionnant, bien écrit (bien traduit?) plein d'un suspense de bon aloi et agréable à lire, même si l'image qu'il en donne n'est pas vraiment à son avantage.
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Or, encenset poussière
- Par ervian
- Le 27/03/2025
- Dans Valerio Varesi
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N°1973– Mars 2025.
Or, encens et poussière - Valerio Varesi - Aguillo.
Traduit de l'italien par Florence Rigollet.
Parme, son atmosphère hivernale lourde, brumeuse et crépusculaire. Un carambolage spectaculaire s'est produit sur l'autoroute à proximité d'un camp de tziganes avec bétaillère renversée et animaux errants au milieu des véhicules encastrés. Compte tenu de sa connaissance des lieux, le commissaire Soneri est envoyé sur place. Le policier découvre le cadavre à demi calciné d'une femme, apparemment jeté là avant l'accident qui est celui d'une fort jolie émigrée roumaine, liée au camp de tzigane et qui multipliait les amants riches de la société bourgeoise parmesane. Il y va de ses réflexions sociales sur la différence entre les riches et les pauvres, sur la respectabilité de la bourgeoisie, de ses tares, de son hypocrisie aussi puisque la clientèle de l’Église attachée à certains commerçants fait perdurer l'hypocrisie de la stabilité d'un couple alors que ce dernier est miné par l'adultère .
Le commissaire entame donc une enquête autour de ce cadavre de cette femme qui apparemment le fascine; L'autopsie ayant révélé qu'elle était enceinte, il pourrait bien s'agir d'un homicide. et ce même s'il doit bousculer un trafic d'or qui existe entre les Roms et la bourgeoisie de la ville.
J'ai retrouvé avec plaisir le commissaire Soneri, sa mélancolie, son côté rêveur, amateur de cigares de bonne chère et de vin chez son ami le restaurateur Alceste, un brin philosophe aussi quand il devise avec Sbarazza, un marginal qui a connu des jours meilleurs mais qui est toujours de bons conseils et jette sur la vie un regard désabusé. Les femmes, le hasard prennent une grande place dans ses enquêtes même s'il est quelque peu réticent à utiliser les ressources d'internet. C'est aussi dans ce roman un épisode dont il se passerait bien et qui va perturber le romantique qu'il est. Sa séduisante compagne avocate Angela vient de lui avouer avoir rencontré un autre homme et être sur le point de le quitter. Il sent bien qu'il ne peut plus vraiment lutter dans ce domaine. Protecteur de la société en tant que policier, il n'en est pas moins fragile, vulnérable, d'autant plus qu'on le sent d'un autre temps
Il y a certes des longueurs et cette histoire de violeurs qui détourne l'attention du lecteur mais ce roman bien écrit (bien traduit) m'a bien plu.
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La pension de la via Saffi
- Par ervian
- Le 18/01/2025
- Dans Valerio Varesi
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N°1958– Janvier 2025 ;
La pension de la via Saffi – Valerio Valesi – Éditions Frassinelli.
Ce roman est paru en Italie sous le titre « L’affittacamere ».
Nous sommes à Parmes, à quelques jours de Noël, dans le froid et la brume.
Ghitta Tagliavini, la vielle propriétaire d’une pension dans le centre historique de la ville a été retrouvée assassinée d’une manière très particulière dans son appartement. Le commissaire Soneri entame sans grand enthousiasme cette enquête simplement parce que, il y a quelques années il connaissait bien Ghitta et que c’est dans cette pension qu’il a connu sa femme, Ada, prématurément décédée en accouchant d’un enfant mort-né. Ainsi est-il amené, après toutes ces années d’absence, à reconsidérer toutes ses certitudes et tous ses souvenirs à propos de Ghitta qui ne logeait plus comme auparavant des étudiants mais avait transformé sa pension en hôtel de rendez-vous pour riches couples illégitimes, était devenue un femme manipulatrice, sans scrupules, enrichie illégalement, entre chantage et corruption, avortements clandestins et pots-de-vin. Plus il progresse dans ses investigations plus ça représente une enquête sur lui-même que sa compagne, la pétulant Angela, peine à lui faire oublier. De plus au cours de ses investigations le commissaire retrouve une vieille photo d‘Ada au côté d’un autre homme inconnu ce qui l’amène à s’interroger sur les relations qu’elle entretenait avec Ghitta. De plus il découvre un petit carnet garni de surnoms cachant sans doute des clients de son établissement et qui pourraient bien cacher un assassin potentiel qui aurait agi par peur ou par vengeance. Son enquête se déroule donc dans ce quartier peuplé de migrants inquiétants, avec la silhouette d’un homme élégant mais aussi fuyant autant dans son attitude que dans ses réponses, le concours d’un ecclésiastique dévoué mais qui ne trahira évidemment pas le secret de la confession, la collaboration méfiante d’un SDF, une voisine énigmatique, une résidente de la pension qui a réponse à tout, des révélations inattendues sur Ghitta décidément bien mystérieuse. Bref, il y a autant de brouillard dans le cerveau du commissaire que dans la ville !
Soneri devra admettre que le temps a passé, que cette ville qu’il a connue plus jeune présente maintenant une forme de décomposition, qu’il devra affronter des fantômes, admettre des réalités qui lui avaient échappées.
L’épilogue se clôt sur une remarque mi-philosophique mi-réaliste du commissaire qui, de par ses fonctions, connaît bien les humains. Cette affaire un peu ténébreuse se termine leur désir, par-delà la mort de rédimer une vie amorale, de se venger peut-être de ses semblables et de laisser une trace de leur passage sur terre après leur mort.
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Le fleuve des brumes
- Par ervian
- Le 01/10/2024
- Dans Valerio Varesi
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N°1935– Septembre 2024.
Le fleuve des brumes – Valerio Varesi – Agullo éditions.
Traduit de l’italien par Sarah Amrani.
Le Pô est en crue et la péniche à la dérive d’Antoneo Tonna a été retrouvée vide, fichée dans une digue. A l’hôpital, on vient de retrouver un cadavre d’un homme qui apparemment s’est suicidé en se défenestrant, son nom Décimo Tonna. Seuls quelques kilomètres séparent ces deux étranges affaires, peut-être un double meurtre qui concerne les deux frères tant les interrogations du commissaire Soneri sont nombreuses. Le début de ses investigations ressemble au paysage qui l’entoure, nébuleux et mystérieux et, si on veut le voir ainsi, Le Pô est aussi un personnage de ce roman avec ses crues, ses brouillards, ses températures d’hiver, ses secrets, ses paysages et les gens qui s’y accrochent. Le fleuve participe même à cette affaire malgré lui. Le policier ne peut guère compter sur la complicité des gens du cru. Ils parlent pourtant, même s’ils sont plutôt taiseux et farouches et font allusion à la seconde guerre mondiale, terminée pourtant depuis cinquante ans, mais qui a laissé de vieilles rancœurs dans la région autour des combats entre fascistes et communistes. Le conflit, avec le souvenir de exactions et des atrocités commises, la culpabilité d’y avoir participé et la volonté de vengeance sont peut-être une source d’explications. Il y a ce billet sibyllin, l’exploration des cimetières et des sépultures, les errements et les doutes d’une enquête laborieuse qui s’embourbe tous les jours un peu plus à cause de cette omerta. Le commissaire Soneri ne tarde pas à fouiller dans le passé des deux frères, deux fascistes dans une zone où les combats ont fait rage entre les deux camps et que l’oubli n’a pas suffi à estomper. Il peine aussi à démêler les secrets de famille, à comprendre ce mystérieux incendie, ces allusions à un combattant exécuté pendant la guerre, quant à cette histoire de village immergé...
J’ai bien aimé ce commissaire à la fois flegmatique et réaliste qui mène ses investigations avec son équipe mais n’oublie pas de solliciter le curé de l’endroit que rencontrait souvent le vieil Antoneo, désireux sans doute compte tenu de son âge, de se mettre en règle avec Dieu avant de lui remettre son âme, mais l’ecclésiastique ne transige évidemment pas avec le secret de la confession. Il n’a finalement pas besoin de lui pour interpréter les différentes révélations faites au cours de cette enquête et qui ressemblent à des symboles, même si apparemment elles n’ont aucun lien entre elles.
Ce que découvre le commissaire, entre deux assauts d’Angela, une avocate qui est aussi sa coquine maîtresse et qui ne le lâche guère, n‘a rien à voir avec la transport de céréales pourtant répertorié sur le livre de bord mais il comprend aussi que la mort concomitante des deux frères Tonna n’est pas un hasard.
Le suspens est entretenu jusqu’à la fin, le texte est bien écrit (traduit?) et agréable à lire qui casse l’image d’ordinaire ensoleillée de l’Italie.