Gaêlle Bélem
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Un monstre est là, derrière la porte
- Par ervian
- Le 14/06/2025
- Dans Gaêlle Bélem
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N°1987 – Juin 2025.
Un monstre est là, derrière la porte - Gaëlle BELEM - GALLIMARD.
Les histoires de famille ne sont pas toujours passionnantes mais certaines réservent parfois quelques surprises. Celle des Dessaintes, au nord de l'île de la Réunion des années 80 a cette particularité que l'homme et la femme qui la composent au départ sont barjots. Le hasard fait qu'ils ont une fille pas vraiment désirée et donc pas aimée et qui sera évidemment laissée pour compte et qu'il faudra supporter. L'ennui c'est que, très tôt, cette enfant qui décidément ne ressemble pas à ses parents, se met a revendiquer sa liberté, son indépendance ce que ses géniteurs traduisent par de la turbulence, de la remise en cause de l'autorité, de l'opposition, de la révolte, au point qu'on envisage pour elle qu'ils ont préalablement et copieusement dénigrée et rabaissée, la "maison de correction" c'est à dire une façon peu élégante de se débarrasser d'elle. On n’hésite pas à la qualifier de monstre insupportable pour justifier une telle décision. Cette petite fille qui grandit vite comprend le sort qu'on lui réserve et, entre menaces et conseils y fait échec par la fréquentation assidue de l'école, la lecture, l'aide apportée aux tâches ménagères, les marques d'attachement à ses deux parents, le tout sur fond de mésentente conjugale et de délitement familial, avec soumission à la facilité, violences, mysticisme chrétien, sorcellerie et désertion paternelle, ce qui lui fait prendre conscience du monde des adultes est fait de haine, de mensonges, de trahisons, d'hypocrisies. Sa réaction oscille entre l'idée du suicide et la sauvegarde de la vie sous la forme de l'écriture.
Je ne sais pourquoi la lecture de la 4° de couverture avait fait naître ne moi quelques réticences. La lecture de ce roman, m'a révélé un parcours pétri de malchance qui a mûri sa victime plus vite que les autres. Ce genre de vie vous fait détester la vie qui heureusement passe vite sans imprimer beaucoup la mémoire, vous fait accepter la solitude avec fatalisme et désirer la mort comme une délivrance en vous armant de patience. C'est vrai que la guigne accompagne partout les Dessaintes, et donc aussi notre narratrice qui n'échappe pas à son destin. Entre fugue et chômage, elle tente une quasi-insertion qui pourtant lui fait rejoindre sa parentèle qui oscille depuis toujours entre démence et délinquance, mais c'est l'écriture qui est sa vraie liberté. De tout cela la narratrice accepte d'en rire et de le faire partager à travers un style vif et humoristique qui m'a bien plu et qui m'a fait aimer ce roman.