Louis Guilloux
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O.K. Joe
- Par ervian
- Le 02/08/2025
- Dans Louis Guilloux
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N°1998 – Août 2025.
O.K. Joe . Louis Guilloux – Gallimard (1976)
Je viens de lire le récit de Fabienne Juhel, « La chaise n°14 » qui traite de la vengeance d’une jeune fille, Maria, tondue à la Libération pour avoir aimé un officier allemand. J’ai été intrigué par la présence dans ce livre d’un personnage, le secrétaire du maire de Saint-Brieuc, qui se retrouve, à la demande des autorités militaires, interprète chargé d‘aider à l’instruction d’exactions perpétrées par des soldas américains sur le sol français. A ce titre il porte un uniforme américain et les insignes de lieutenant. Maria qui a été publiquement humiliée entend recevoir des excuses de tous ceux qui ont assisté à cet outrage sans réagir et spécialement le jeune maquisard qui l’a commandé, un ancien amoureux qu’elle avait éconduit. Ce lieutenant-interprète qui l’aida dans cette démarche était aussi écrivain et il relate à son tout cet épisode. La personnalité de ce Français m’avait intéressé.
Ce livre évoque cette période de sa vie où il fréquenta les tribunaux militaires et assista les officiers chargés d’instruire les affaires judiciaires en tant qu’interprète de l’armée de libération. Il nota qu’il s’agissait souvent de viols, suivis de meurtres et lorsqu’ils étaient commis par des noirs le verdict était la mort. Il était différent quand l’accusé était blanc à cause de sécessionnisme de l’armée. Cette injustice, suivie d’autres dont il fut le témoin, sont collationnées par ses soins dans ce récit plein d’amertume . Joe est son chauffeur et cette interjection américaine qui figure dans le titre revient souvent au cours de ce texte.
Le style est sobre, dénué d’artifice, témoigne d’un vrai talent de conteur. La lecture de ce livre est l’occasion de se souvenir de Louis Guilloux (1899-1980), romancier breton, également un temps journaliste, marqué à gauche, mais qui, même s’il est issu du peuple, refuse l’étiquette « d’écrivain prolétarien », cette formule étant à ses yeux, trop réductrice et aliénante de sa liberté créatrice. Il s’essaie à d’autres formes d’écriture mais la publication en 1935 de « Sang noir », refusé par le jury Goncourt, assoie sa notoriété littéraire. Son roman « Jeu de patience » obtient le Prix Renaudot en 1949. Il ne renie cependant pas son engagement social auprès des plus défavorisés, des pauvres, des exilés, des exclus et s’affirme comme un écrivain breton. Ses romans sont souvent teintés de détails autobiographiques mais il reste fondamentalement un écrivain humaniste. Son œuvre n’est pas passée inaperçue auprès de ses pairs, du public, de la critique et de l’université et un prix littéraire porte son nom.