Louis Guilloux
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Vingt ans ma belle âge
- Par ervian
- Le 04/08/2025
- Dans Louis Guilloux
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N° 2000 – Août 2025.
Vingt ans ma belle âge . Louis Guilloux – Gallimard (1976).
D’ordinaire un recueil de contes ou de nouvelles reprend un thème. Ici ce n’est pas le cas puisque ce livre, paru en 1999, soit longtemps après la mort de Louis Guilloux (1899-1980), rassemble des textes publiés dans des revues ou des journaux entre 1926 et 1950.
Je dois dire que, le livre refermé, je ne fais pas bien la différence entre les contes et les nouvelles.
La première nouvelle qui donne son titre au recueil évoque paradoxalement la misère, la solitude, l’abandon un jeune homme dans le Paris des années 20, celles de « La belle époque » qui ne l’était pas pour tout le monde. A titre personnel, j’ai toujours pensé qu’avoir 20 ans n’était pas synonyme de bonheur, de plaisir ou de liberté mais bien plutôt d’illusions qui ne manqueront pas d’être déçues et qui feront basculer notre vie future, souvent avec la manœuvres de sa propre parentèle. On passe dans la foulée au mensonge qui est un grand classique de l’espèce humaine et aussi au conte de fée qui transforme, par le miracle d’une gifle, une jeune bretonne pauvre mais belle en une reine. On peut mettre cela sur le compte du destin pour une fois favorable, même si cela n’arrive que dans les livres.
Ce sont des textes relativement disparates, souvent assez courts qui dépeignent la condition humaine dans ce qu’elle a de plus sordide, pas vraiment la vie qu’on aimerait vivre, plutôt celle que la malchance impose avec un goût amer, avec en prime la médiocrité. Entre les lignes je sens la solitude, le mal de vivre, l’abandon, l’oubli, le temps qui passe et qui nous détruit, la routine de cette vie qui n’est pas autre chose que des jours qui succèdent aux jours avec au bout la mort comme la fin d’un triste voyage.
L’écriture de Louis Guilloux est sèche, sans fioriture et je crois adhérer pleinement à sa vision des choses.
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Salido
- Par ervian
- Le 03/08/2025
- Dans Louis Guilloux
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N°1999 – Août 2025.
Salido . Louis Guilloux – Gallimard (1976).
Nous sommes en septembre 1939 et la France vient d’entrer en guerre. Louis Guilloux, le narrateur, était responsable, au sein du « Secours rouge » de l’assistance apportée aux réfugiés espagnols du camp de Gouëdic à Saint-Brieuc, en réalité une ancienne usine désaffectée et délabrée, gardée par des gardes mobiles et entourée de barbelés. Personne pouvait y entrer. avant leur transfert dans celui du Vernet en Ariège. Il se souvient qu’Ils sont là depuis 1936, dans le plus grand dénuement et notre auteur a fait ce qu’il a pu pour leur venir en aide. Salido a refusé ce transport et a projeté son évasion pour gagner Paris puis l’URSS pour lutter contre le fascisme. Il a donc fallu organiser son évasion ce dont se sont chargés des militant communistes et Guilloux qui vient d’apprendre qu’il n’est plus rien au sein de cette organisation caritative.
Salido c’est le nom d’un lieutenant espagnol républicain, un personnage silencieux, toujours sur ses gardes, mais qui ne parlait pas un mot de français ! La solution retenue pour cette évasion était originale mais l‘intendance ne suivit pas et ce fut’ un échec et pire encore .
Comme à son habitude, l’écriture est simple, sans artifice. Il y décrit la déconvenue qui est la sienne d’avoir été démis de ses responsabilité dans cette organisation caritative alors qu’il y œuvrait avec dévouement. Cet épisode se déroule à Saint-Brieuc qui est la ville de naissance de Louis Guilloux, et qu’il n’a jamais oubliée.
Ce que Guilloux ne dit pas c’est l’état de détresse de ces Espagnols que la France traita avec le plus grand mépris, alors même qu’ils n’étaient pas nos ennemis, les laissant sans soin dans des camps comme celui de Saint-Cyprien dans les Pyrénées orientales. Cet épisode peu glorieux pour notre histoire est notamment relaté par Luis Bonet Lopez dans son ouvrage « Mémoire d’exil d un Espagnol » (Éditions le Croît Vif). Non seulement ces pauvres gens étaient des vaincus, des exilés, mais ils avaient rejoint la France, « Pays des droits de l’homme et de la liberté » qui ne fut pas à la hauteur de sa réputation. Ils étaient cependant d’authentiques antifascistes puisque pour la plupart ils ont lutté sur notre territoire dans la Résistance et il faut se souvenir que les premiers éléments de la division Leclerc qui libéra Paris était majoritairement composée d’Espagnols républicains. Ce fut « la nueve » aux ordres du capitaine Dronne.
Louis Guilloux, écrivain majeur du XX° siècle paraît aujourd’hui injustement oublié.
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O.K. Joe
- Par ervian
- Le 02/08/2025
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N°1998 – Août 2025.
O.K. Joe . Louis Guilloux – Gallimard (1976)
Je viens de lire le récit de Fabienne Juhel, « La chaise n°14 » qui traite de la vengeance d’une jeune fille, Maria, tondue à la Libération pour avoir aimé un officier allemand. J’ai été intrigué par la présence dans ce livre d’un personnage, le secrétaire du maire de Saint-Brieuc, qui se retrouve, à la demande des autorités militaires, interprète chargé d‘aider à l’instruction d’exactions perpétrées par des soldas américains sur le sol français. A ce titre il porte un uniforme américain et les insignes de lieutenant. Maria qui a été publiquement humiliée entend recevoir des excuses de tous ceux qui ont assisté à cet outrage sans réagir et spécialement le jeune maquisard qui l’a commandé, un ancien amoureux qu’elle avait éconduit. Ce lieutenant-interprète qui l’aida dans cette démarche était aussi écrivain et il relate à son tout cet épisode. La personnalité de ce Français m’avait intéressé.
Ce livre évoque cette période de sa vie où il fréquenta les tribunaux militaires et assista les officiers chargés d’instruire les affaires judiciaires en tant qu’interprète de l’armée de libération. Il nota qu’il s’agissait souvent de viols, suivis de meurtres et lorsqu’ils étaient commis par des noirs le verdict était la mort. Il était différent quand l’accusé était blanc à cause de sécessionnisme de l’armée. Cette injustice, suivie d’autres dont il fut le témoin, sont collationnées par ses soins dans ce récit plein d’amertume . Joe est son chauffeur et cette interjection américaine qui figure dans le titre revient souvent au cours de ce texte.
Le style est sobre, dénué d’artifice, témoigne d’un vrai talent de conteur. La lecture de ce livre est l’occasion de se souvenir de Louis Guilloux (1899-1980), romancier breton, également un temps journaliste, marqué à gauche, mais qui, même s’il est issu du peuple, refuse l’étiquette « d’écrivain prolétarien », cette formule étant à ses yeux, trop réductrice et aliénante de sa liberté créatrice. Il s’essaie à d’autres formes d’écriture mais la publication en 1935 de « Sang noir », refusé par le jury Goncourt, assoie sa notoriété littéraire. Son roman « Jeu de patience » obtient le Prix Renaudot en 1949. Il ne renie cependant pas son engagement social auprès des plus défavorisés, des pauvres, des exilés, des exclus et s’affirme comme un écrivain breton. Ses romans sont souvent teintés de détails autobiographiques mais il reste fondamentalement un écrivain humaniste. Son œuvre n’est pas passée inaperçue auprès de ses pairs, du public, de la critique et de l’université et un prix littéraire porte son nom.