Réflexions
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La Feuille Volante a 45 ans
- Par ervian
- Le 22/07/2025
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N°1993 – Juillet 2025.
La feuille volante a 45 ans.
Le simple fait d’écrire ce titre me donne le vertige, d’autant que je ne suis même pas sûr de la date de création, officiellement 1980 , les premiers articles rédigés par mes soins, sur une idée de mon ami le regretté Marjan (1918-1998), n’étaient ni datés ni numérotés. Je ne faisais ainsi que répondre à ses sollicitations puisque, poète humoriste mais aussi animateur de nombreuses revues de poésie, il recevait des recueils qu’il n’avait pas temps de lire. J’ai donc été chargé par lui de tenir cette rubrique. A l’origine, ce qui est devenu une chronique, était tapée et photocopiée sur une feuille volante, d’où son nom, et jointe dans le courrier de Marjan mais sa diffusion était ridiculement modeste. Le dessinateur « Arfoll » (1927-2006) m’a fait l’amitié de l’illustrer à sa manière, accompagnant spontanément cette aventure. A l’origine elle était destinée à parler de ceux dont on ne parle jamais, les poètes, et cela a duré quelques années, puis, passionné de lecture, j’ai commencé à y intégrer mes notes sur les romans, nouvelles, essais que je lisais, c’est à dire à rédiger ce que mes nombreux professeurs de français avaient souhaité me voir effectuer, mais en vain, pendant ma lointaine scolarité. Ce n’est que lorsque internet a été popularisé que cette chronique est devenue « blog » et que je me suis laissé porté par ce tourbillon médiatique. Sa présentation volontairement spartiate est un choix personnel, d’autant que j’ignore toutes les possibilités que cette nouvelle technique permet. L’âge venant et avec lui l’effritement de ma mémoire, cette chronique m’a au moins servi, à titre personnel, à collationner et à me souvenir de mes remarques sur les livres que j’ai lus et plus récemment à propos des films que j’ai vus puisque, depuis peu, je me suis essayé à la chronique cinéma.
Cette publication est depuis le début gratuite et le restera jusqu’à la fin, tout comme elle n’a jamais eu et n’aura jamais aucun abonné. Elle n’est pas exempte d’imperfections que ceux qui me font l’honneur de me lire me pardonneront je l’espère puisque je ne suis qu’un modeste amateur, solitaire de surcroît. J’ai beau me relire plusieurs fois avant chaque publication, des erreurs subsistent néanmoins que je ne vois pas. C’est sans doute à cette solitude je dois cette relative longévité puisque la durée moyenne de vie de ce genre de bulletin est limitée dans le temps et que je m’entends encore assez bien avec moi-même !
Que ressort-il de cette longue période de curiosité personnelle, d’activité secrète, de cette expérience que je n’ai jamais voulu appeler ni critique ni littéraire ? En fait pas grand-chose. Peu de réactions donc, mais ça n’a jamais été le but, ce qui me fait dire que l’audience est restée très confidentielle puisque j’ai choisi de ne faire ni dans la controverse systématique ni dans le scandale. Je ne mets pas non plus en avant un taux élevé de fréquentation des lecteurs, puisque, selon moi, il doit beaucoup au hasard, à des erreurs de recherches et aux liens hypertextes. De plus, je n’ai eu que peu d’échanges avec les auteurs, et quand ces derniers, au début de leur carrière, m’ont fait l’honneur d’un échange épistolaire, ils en ont tous perdu l’habitude quand la célébrité a donné un élan à leur carrière. Je n’ai par ailleurs jamais souhaité me targuer d’une correspondance avec des gens de lettres prestigieux. Il s’agit seulement d’un enrichissement intime de ma culture personnelle, la satisfaction du désir de lire c’est à dire d’apprendre, de me cultiver et de maintenir en éveil mes facultés intellectuelles mais surtout le grand plaisir toujours intact, même s’il est parfois laborieux, que j’ai à écrire, à mettre des mots sur une impression ou un sentiment de simple lecteur, évidemment sans aucune dimension polémique puisque je respecte le travail de l’auteur. Je ne perds pas de vue non plus qu’on ne me demande rien !
L’Ecclésiaste nous enseigne qu’il y a un temps pour parler et un temps pour se taire. Avec cette revue,j’ai largement utilisé le premier pour maintenant respecter le second. Tout cela va donc progressivement se terminer comme cela a commencé, c’est à dire dans l’indifférence et l’anonymat. Je n’ai jamais recherché le vedettariat ni la lumière, ni quoique ce soit de nature à me singulariser, à me mettre en avant puisque l’ombre me va très bien. Je garderai, je l’espère, cet attachement à la lecture et à l’écriture qui sont aussi des addictions d’anachorète en me demandant pourquoi j’ai participé si longtemps à cette agitation médiatique existentielle, autant dérisoire qu’inutile. Par vanité sans doute, avec peut-être l’espoir secret de me distinguer avec une autre forme d’écriture, dédiée celle-là à la création et qui se déclinait pour moi en poèmes, nouvelles et romans variés, mais là aussi tout cela est resté lettre morte et toutes ces feuilles noircies d’encre se recouvrent maintenant de poussière dans mes tiroirs ou s’entassent sur le disque dur de mon ordinateur puisque la recherche de l’éditeur s’est révélée globalement vaine et que l’édition à compte d’auteur, quelque forme qu’elle prenne, est un leurre quand cela n’est pas parfois une arnaque. La raison en est peut-être le peu de soutien de mon entourage, la malchance que je traîne avec moi depuis si longtemps, le destin qui m’a toujours été contraire, les illusions que j’ai tressées et entretenues, le manque de talent aussi. J’ai simplement essayé, en vain certes, et tant pis si les évènements ne m’ont pas servi, toutes ces tentatives avortées ont rejoint la liste déjà longue de mes échecs.
Dès lors il est devenu illusoire d’opposer la moindre résistance à ce sens des choses et nécessaire de se laisser glisser vers la pente naturelle.
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Non ce n'est pas un énième hommage à Gainsbourg
- Par ervian
- Le 20/07/2025
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LA FEUILLE VOLANTE
La Feuille Volante n’a pas de prix, sa diffusion est gratuite, elle voyage dans la correspondance privée et maintenant sur Internet.
Avril 1991
n°56
NON, CE N’EST PAS UN ENIEME HOMMAGE A GAINSBOUG. – (A propos de l’article republié le 6 mars 1991 dans « Le Canard Enchaîné », article daté du 12 novembre 1958 et signé Boris Vian).
La Feuille Volante n’est pas un journal. Elle ne rend pas compte de l’actualité. Pourtant, je ferai une exception puisque la mort de Gainsbourg nous concerne tous. Le personnage ne laissait pas indifférent. On avait pour lui de la sympathie, du dégoût, mais on avait un avis ! Le Canard Enchaîné publie un article daté de 1958 consacré à Gainsbourg (il avait trente ans) et signé Boris Vian.
Qu’y avait-il de commun entre le « Satrape » du collège de Pataphysique et ce chanteur « unanimement flingué par la critique de l’époque » ? (Ils s’étaient peu connus, mais beaucoup appréciés). Peut-être le goût de la musique, de la poésie, de cette marginalité littéraire si opportunément cultivée qui fait dire que la réussite ne sera jamais vraiment au rendez-vous ? Tous les deux ont fait du cinéma, du spectacle et Gainsbourg, on le sait moins était aussi romancier. La provocation cachait chez ses deux personnages une sensibilité exacerbée qu’ils camouflaient mal derrière l’homme public. Ils jouaient avec la vie tout en sachant mieux que personne qu’elle est éphémère et qu’il convient de la brûler aussi complètement que possible. Tous les deux étaient des « touche à tout » de génie, morts singulièrement de la même façon, ayant peut-être choisi, à l’instar du comédien qui quitta la scène, de tirer à un moment précis leur révérence au public (« Quand je veux » dit un personnage de Boris Vian), ayant peut-être, au fond de la poitrine ce nénuphar de Chloé dans l’écume des jours qui se nourrit de sa propre souffrance. Oui, chacun jouait à se faire peur avec pour enjeu cette mort que bizarrement ils avaient prévue, parce qu’ils portaient en eux qu’ils savaient pouvoir les emporter (« Je n’atteindrai pas 40 ans » avait prophétisé Vian, comme s’il savait que chaque note sortie de sa trompette était une mesure de plus pour sa propre symphonie funèbre)
Chacun d’eux avait quelque chose de rabelaisien et il convenait de briser l’os des apparences pour atteindre la substantifique moelle de la sensibilité. Tous les deux ont connu cette soif, mais surtout ce mal de vivre qu’ils ont combattu par le tabac, l’alcool… mais qui a donné cette œuvre qui ne peut sortir que du bouillonnement intérieur d’un écorché vif.
Pourtant une chose les sépare peut-être, c’est l’hommage populaire, toutes générations confondues. La disparition de Gainsbourg arrache des larmes à l’adolescent comme au retraité qui ainsi se retrouvent dans la perte de quelqu’un qu’ils aimaient. Pour lui les fleurs, mais surtout, témoignage dérisoire ou clin d’œil du destin des paquets de Gitanes, des cigarettes brisées, des bouteilles de whisky, des gens qui restent devant un mur ou un cercueil, en silence ou en chanson, en se disant qu’il est parti trop tôt et ne veulent pas y croire. « Quand je serai refroidi, ce qui me gène le plus sera de faire pleurer mes enfants » disait Serge ; Il n’y a pas que ses enfants qui ont pleuré ou plutôt si, puisque grâce à lui c’était un peu le gamin frondeur et contestataire qui dort en chacun de nous qui se réveillait et redevenait pour un moment joueur de billes, pilleur de troncs ou passionnément amoureux comme l’était Boris.
C’est vrai, c’est à chaque fois la même chose « Quand il est mort le poète … ». Ce qui compte le plus c’est l’hommage des gens, de ceux qui ne l’ont connu qu’à travers la presse, la télévision où il était parfois absent, mais maintenant qu’il est mort, il ne scandalisera plus, on n’aura plus à redouter ses écarts de langage ou de conduite qui mettaient si mal à l’aise les animateurs BCBG. Gainsbourg et Vian ont bien connu dame Censure !
C’est vrai que Serge n’échappe pas à la tradition qui veut qu’on dise surtout du bien des morts, même si ces mêmes louanges sont restées au fond des gorges de son vivant ! Heureusement, les média qui peuvent enfin parler que quelqu’un qui intéresse (et fait monter les ventes et l’indice d’écoute) car la Guerre du Golfe a mis quelque peu en exergue la pauvreté de l’information ces derniers temps !
« Ce qui restera ce sont ses chansons, je les fredonnerai toujours ! » a dit une vieille dame claudicante de retour du cimetière. C’est vrai que nous continuerons à fredonner « Le Poinçonneur des Lilas » de même que « Le déserteur » reste dans toutes les mémoires…
La chanson, vous avez dit « art mineur » ?
© H.G.
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Zinedine Zidane, une sortie très honorable.
- Par ervian
- Le 14/07/2025
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N°256 Juillet 2006
Monsieur Zinedine Zidane – Une sortie très honorable.
Que mon improbable lecteur me pardonne, mais l’actualité me fait réagir comme tout le monde et je me permets donc de sortir du créneau que j’ai moi-même choisi pour cette revue qui se veut littéraire. Je veux évidemment parler du geste de Zinédine Zidane.
Quelques remarques d’abord. J’ai fait, il y a bien longtemps mes humanités, comme on disait alors, et dans les textes, on faisait l’éloge des champions grecs et latins que la victoire aux jeux, du stade ou du cirque, consacrait à l’égal des dieux. A l’époque, je me souviens m’en être étonné. Je me rassure aujourd’hui, notre époque est semblable et nous n’avons rien à envier aux Romains qui réclamaient « du pain et des jeux ».
Mais j’en viens à mon propos et je veux apporter ma part de réflexion à ce qui a été un événement national. Zidane avait fait part de son intention de quitter la compétition après cette coupe du monde et chacun d’y voir un heureux présage, une deuxième étoile d’or sur le maillot bleu, une consécration pour notre héros national, la coupe du monde revenue chez nous… Au lieu de tout cela, tout à fait autre chose, un joueur expulsé, un peu désabusé, regagnant seul les vestiaires, passant sans le regarder devant le trophée doré qu’il ne brandira pas, à dix minutes de la fin du match…preuve que rien n’est jamais écrit à l’avance et qu’Aragon avait bien raison de proclamer « Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse ni son cœur, et quand il croit ouvrir les bras son ombre est celle d’une croix, sa vie est un étrange et douloureux divorce… »
Nous connaissions un peu l’homme, parce qu’il s’était, à l’occasion, dévoilé au cours de sa vie publique. Il avait lui-même parlé de sa part d’ombre… mais nous garderons tous l’image de ce dieu du stade, adulé et célèbre à la fois pour son talent mais aussi pour son esprit de tolérance, sa simplicité, son calme, ses qualités humaines. C’est pour tout cela que nous l’aimons. Mais voilà que sa part d’ombre est réapparue en pleine lumière, et devant les caméras de télévision du monde entier… Et chacun de déplorer la chute de cette icône, la statue du commandeur qui devient subitement impulsive, c’est à dire humaine, tout simplement !
Zidane s’est expliqué et alors les choses se sont éclairées. Materazzi, l’a insulté par trois fois pendant le match, s’en prenant à ce qu’il a de plus précieux au monde, sa famille. Au passage, le joueur italien a bien opportunément oublié les sacro-saintes valeurs du sport, celles qu’on enseigne aux enfants et qu’on répète à l’envi. Le but du jeu, si je puis dire, était de déstabiliser Zidane pour le faire expulser du terrain et ainsi priver l’équipe de France de son meneur de jeu. Cela a fonctionné ! Et chacun de s’étonner que cela puisse se produire sur un terrain de football, à ce niveau de compétition. Ce déplorable incident a donc été aussi un révélateur. Malgré toutes les idées reçues, toutes les valeurs dont nous aimerions bien qu’il fût porteur, le monde du sport n’est ni meilleur ni pire que les autres, il en est l’exacte réplique, le miroir. Il est très précisément semblable au monde du travail où la compétition est quotidienne, la réussite est la règle incontournable sinon l’unique but, même s’il faut pour cela déstabiliser l’autre, l’écraser pour prendre sa place et ainsi le détruire… Tout cela pour l’illusoire impression de la reconnaissance, de la valorisation personnelle.
Zidane a résisté aux lazzis de l’Italien et tout à coup a craqué, parce que sa réaction a suivi les provocations. Le dieu est tout à coup redevenu humain, ce qu’il n’a jamais cessé d’être, en réalité : un homme qui a su faire passer son honneur avant son intérêt et qu’il l’a défendu.
On peut dire ce qu'on veut de ce geste et Zidane s’est excusé auprès des enfants qui sont ses meilleurs supporters parce qu’il est leur modèle. Il a précisé toutefois, qu’il ne le regrettait pas parce que cela aurait été donner raison aux provocations. Eh bien, je n’ai pas peur d’affirmer ici qu’il est effectivement un modèle pour nous tous, celui d’un homme qui n’a pas eu peur de briser publiquement son image et aussi peut-être nos rêves de victoire parce qu’on avait porté atteinte à son honneur et à celui de sa famille ! Le geste de Zidane est peut-être un mauvais exemple pour les jeunes, mais pour nous, adultes, je proclame ici qu’il y a de la noblesse dans cette réaction.
Même si ce n’est pas exactement ce que nous attendions tous, c’est une très honorable sortie que celle de Zidane et son geste mérite admiration et respect.
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La méthode Werber
- Par ervian
- Le 14/07/2025
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N°353– Juillet 2009.
La méthode Werber – Article de Jacques Drillon – Le Nouvel Observateur n°2331 du 9 au 15/7/2009 p 89.
Dans la série « Nous vivons une époque formidable », mon attention a été attirée par l'article de Jacques Drillon. Bernard Werber qui n'est pas un inconnu pour cette revue [La Feuille Volante n° 317 – Octobre 2008] avait convié 400 de ses lecteurs à L'institut Océanographique de Paris pour un « atelier d'écriture ».
Personnellement, j'ai toujours pensé [en le vérifiant] qu'une telle activité [l'atelier d'écriture] ressemblait beaucoup à une arnaque et qu'il fallait se garder de tomber dans le panneau. Cela avait pour effet, sinon pour but, d'apprendre aux « stagiaires » ce qu'ils savaient déjà faire, tout en les ponctionnant largement au passage... avec leur consentement et leur satisfaction et surtout en leur donnant l'impression qu'ils sont meilleurs « écrivants », sinon écrivains, qu'avant leur passage dans cet atelier!
C'est peut-être un signe des temps, la preuve que la crise n'est pas pour tout le monde, mais, n'ayant pas été invité et surtout ayant des moyens limités [25 euros quand même pour participer à la séance!], je n'y ai pas assisté et je me suis donc contenté des propos du journaliste.
Si j'en juge d'après le texte du Nouvel Observateur, cette intervention du maître s'est transformée en une opération de promotion personnelle pour un écrivain à succès qui n'en n'a pas vraiment besoin, l'occasion de pratiquer l'autosatisfaction, sorte d'explication de texte de l'auteur lui-même sur ses propres ouvrages, un sondage « in situ » sur l'œuvre... Après tout c'est de bonne guerre, même si les questions posées par Werber, si elles l'ont effectivement été telles qu'elles sont relatées, ne font pas vraiment preuve d'un sens accompli de l'expression française!
Vient ensuite l'objet de la rencontre. Au moins l'auteur met en garde son auditoire et indique que si l'écriture est un plaisir, ce n'est pas une chose facile parce que le travail fait aussi partie du processus[Pourtant, je me m'explique pas sa remarque précisant « l'écriture est un métier de feignant »!], que, même si on est convaincu de son propre talent, le succès ne sera pas forcément au rendez-vous. Il rappelle avec raison que si l'écriture peut être jubilatoire, le livre est souvent un univers douloureux, même si la folie , et même l'audace, font un peu partie du décor et que l'observation du quotidien est finalement une bonne école, que l'inspiration réserve parfois de bonnes surprises à l'auteur lui-même parce que l'imagination reste la plus forte face à la feuille blanche.
Ce sont là beaucoup de banalités, distillées pour un prix manifestement exorbitant, alors que la meilleurs façon d'écrire, c'est certes de s'entrainer à le faire, mais surtout de lire les bons auteurs!
En revanche, je ne m'explique pas que l'auteur des « Fourmis » puisse affirmer que « tout roman peut se résumer à une blague » et je ne suis pas bien sûr que les participants aient été capables, avec de tels conseils, d'écrire ensuite leur propre best-seller!
Je suis pour autant d'accord avec Jacques Drillon, une telle intervention à quelque chose d'édifiant!
© Hervé GAUTIER – Juillet 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
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Elegie pour Patrick
- Par ervian
- Le 24/06/2025
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Élégie pour Patrick.
A mon ami Patrick Roy, décédé accidentellement en septembre 1969
Cela fait dix ans déjà que tu as disparu, dix ans, peut-être moins, qu’importe.
Je te connaissais peu, seule la sympathie nous unissait et c’était déjà beaucoup.
Cependant je me souviens de toi comme d’un ami, comme d’un être d’exception dont, où qu’on aille, il est impossible d’oublier la voix, le visage, la présence.
L’espace et le temps se fondent là où tu es et je crains de t’avoir perdu à jamais car nulle résurrection n’existe, nul être ne revient plus.
Je te connaissais peu, c’est vrai, mais ces quelques années de vie, je puis affirmer que tu les as vécues intensément, ivre de ces plaisirs que nous procurent les nourritures terrestres, rassasié de ce tangage goûté auprès du corps des femmes, jouissance plus enivrante encore que celle que nous procure l’alcool.
Ta vie, tu l’as bien brûlée, au bord de flammes incertaines d’innombrables brasiers, tu l’as consumée comme j’aurais voulu le faire moi-même, complètement, puissamment, profitant des nuits et des jours pour percer le mystère du beau autant que du plaisir sans te soucier des lendemains hasardeux.
Toi aussi tu avais compris que chaque être n’a qu’une vie et qu’il doit en jouir pleinement…
La mort t’a emporté à la fin d’un été où tu m’avais parlé du soleil de la Suède, une carte postale sobre et belle, qui te ressemblait…
Et puis ce fut cet accident stupide, cette voiture disloquée dans la transparence de septembre, sur une route du Poitou… La mort t’a arraché à la vie comme un aimant qu’on arrache au métal. J’ai écrit quelque part une manière d’apologie du suicide, mais quand je pense à toi, j’ai honte d’avoir écrit ces lignes…
Tu es mort sans souffrir, sans avoir fait souffrir aussi, que ceux que tu laisses derrière toi, dans ton souvenir.
(1978)
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Valli
- Par ervian
- Le 24/06/2025
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Valli (1)
Pendant cet hiver froid, Valli est morte sur un lit d’hôpital.
Son cœur s’est arrêté de battre.
Nous nous retrouvions chez elle une fois par semaine
Pour parler italien.
Elle corrigeait notre accent et nos fautes de vocabulaire
Nous aimions ces rencontres au goût de café et de soleil
Dans cet appartement qui domine la ville…
Une semaine auparavant nous avions avec elle arpenté un quartier
Nous avions découvert des venelles et fait le tour d’une maison toscane
Le temps était doux pour la saison et la balade lui avait plu.
Elle venait d’Italie mais sa longue vie s’est arrêtée ici, dans ce coin de France.
Nous savons bien que nous ne sommes que de passage
Que la mort nous guette à chaque pas, qu’elle ne prévient pas
Mais nous ne pouvons rien quand l’heure est venue
Et que la vie s’en va.
Nous ne la reverrons plus.
Niort, le 23/1/2022
A la mémoire de Valli VIGNA.
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Réflexions sur l'écriture, l'édition.
- Par ervian
- Le 09/06/2025
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N°1985 – Juin 2025.
Réflexion sur l'écriture, l'édition..
Sur internet, je suis étonné de l'offre de plus en plus importante d'aides à l'écriture de romans. Cela répond sans doute à une demande, mais ça m'interpelle. Après tout, écrire un roman, une biographie, une saga, un recueil de nouvelles ou de poèmes, est légitime, ne serait-ce que pour marquer son passage sur terre, laisser quelque chose de personnel à ses héritiers d'une autre nature qu'une succession taxée ou sortir de son vivant de l'anonymat, bref vouloir faire une chose originale qui ne soit pas illégale ou immorale, dans une société de plus en plus folle qui perd chaque jour ses traditionnels repères.
Depuis longtemps les "ateliers d'écriture" font recette. Nous avons tous appris à écrire, à l'école, au collège, au lycée, parfois à l’université et la vie en société est là pour entretenir ce mode d’expression indispensable. Même si l'écriture littéraire peut être quelque peu différente, la lecture de bons auteurs enrichit notre vocabulaire, nos connaissances, notre culture et nourrit notre propre créativité en nous permettant, le cas échéant, de créer notre propre style. Cela devrait donc pouvoir suffire pour tisser une trame imaginative autour de notre envie de raconter une histoire aux éventuels lecteurs. Tout est perfectible et la sensibilité individuelle et son expression n'échappent pas à cette règle, les offres dont il s'agit sont donc une bonne idée qui mérite réflexion d'autant que certains écrivains célèbres y prêtent leur concours, ce qui, à priori ne peut être qu'un gage de sérieux et de qualité.
A ce propos, je suis assez attentif à la propriété intellectuelle et je me souviens de cette mésaventure, il y a quelques années, d'un admirateur de Marcel Aymé à qui il avait envoyé une de ses nouvelles pour solliciter son avis. Il n'avait jamais reçu de réponse, en revanche il avait reconnu son texte, longtemps après, intégralement reproduit, dans un recueil de son écrivain préféré.
Ces offres sont évidemment payantes, et parfois même très onéreuses, et le tapuscrit ainsi offert à la correction sera effectivement lu, discuté, critiqué, et l'impétrant sera sûrement invité à revoir sa copie à la lumière des conseils prodigués; les maisons d'édition sérieuses ne font d'ailleurs pas autre chose quand elles ne se limitent pas à un refus pur et simple d'un manuscrit d'un auteur inconnu. On peut donc légitimement penser que ce à quoi tout aspirant-écrivain rêve a ainsi de bonnes chances de se réaliser. Quoiqu’il en soit, le contrat initial d'aide aura donc été honoré sans contestation possible. Il y a cependant de fortes chances pour que ces perfectionnements proposés, aussi bons soient-ils, s'inscrivent dans un contexte classique d'où l'originalité sera exclue. Ces aides spécifiques n'existaient pas à l'époque de Verlaine, de Marcel Proust, d’Apollinaire, de Blaise Cendrars, de Louis-Ferdiand Céline, de Georges Perec, de Boris Vian, pour ne citer que ceux-là, mais heureusement leur talent a été révélé et reste encore offert à notre plaisir de lecteur.
Dès lors que faire du texte ainsi remanié sinon l'éditer? L’acceptation d'un manuscrit par un professionnel de l'édition répond à des impératifs de qualité mais aussi de rentabilité. Les éditeurs indépendants ont rarement la possibilité de parier sur un inconnu dans une société où le profit est la règle et être publié par eux reste rare. Quand aux grandes maisons d'éditions, il est sans doute préférable de bénéficier d'un parrainage pour y accéder, même si, paraît-il, cela arrive. Restent l'autoédition, le compte d'auteur, la souscription, l'édition participative...Les formules ne manquent pas, avec leur cortège d'avantages potentiels qui sont de nature à créer l'illusion chez l'auteur qui verra son nom inscrit sur la couverture d'un livre et qui pourra ainsi rêver à des séances de dédicaces, à des rencontres littéraires, à des interviews, à des créations en résidence... Certes les coûts d'impression sont élevés mais les moyens actuels de l'informatique et de diffusion par internet devraient simplifier les choses, mais il semblerait qu'il n'en soit rien dans un pays majoritairement habitué au support papier. Un autre mouvement se fait jour sur internet, les maisons d'édition qui recherchent les auteurs et leurs manuscrits. C'est sans doute nouveau mais c'est oublier un peu vite le prix qu'il faut payer pour cela et c'est bien souvent rédhibitoire d'autant que le succès n'est pas souvent au rendez-vous. Autrement dit, si on souhaite une édition à compte d'éditeur, ce qui devrait être la règle puisque le rôle d'un tel professionnel est la découverte de talents, il vaut mieux s'armer de patience et d'être chanceux. Dès lors il y a de fortes chances pour que le tapuscrit, rectifié ou non, reste en l'état au fond d'un tiroir ou sur le disque dur d'un ordinateur, avec en prime le découragement qui va avec ou, s'il est publié, évidemment aux frais de l'auteur, que les exemplaires prennent rapidement la poussière sur des étagères.
Alors qu'en est-il de ces différentes offres qui prétendent améliorer ou faire la promotion de votre écriture? Elles sont attirantes mais personnellement, après un long parcours quelque peu décevant je m'en abstiendrai parce que, à titre personnel, je ne veux pas entrer dans un processus illusoire qui consiste à se donner l'impression qu'un inconnu peut entrer dans ce milieu éminemment fermé. De plus, le nombre de livres imprimés croît chaque année d'une manière exponentielle et le succès d'une œuvre tient beaucoup à la publicité qui est faite autour d'elle par les médias auxquels l'auteur inconnu a difficilement accès. Il y a toutes les chances pour que l'apprenti-écrivain, même avec un texte bonifié, ne puisse jamais s’inscrire dans un mouvement promotionnel et connaisse ainsi la consécration de son talent.