Réflexions
-
Morse
- Le 09/10/2025
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
La Feuille Volante - N° 2020– Octobre 2025.
Morse – Série policière anglaise diffusée sur Canal satellite.
Je ne suis pas fan des écrans ni accro aux émissions de télévision mais, face au spectacle désolant que nous donnent nos hommes politiques beaucoup plus occupés à leur prochaine éventuelle réélection et à l’avenir de leur carrière pour l’attribution d’un poste de responsabilité qu’à l’intérêt général des citoyens qu’ils sont censés représenter et défendre et ce malgré l’image négative qu’ils donnent de notre pays, devenu la risée du monde entier, j’ai envie de me raccrocher à autre chose de plus conventionnel. Je ne parle pas des conséquences sur la dette abyssale de la France, ni des suites financières désastreuses que vont avoir leurs décisions (ou leurs absences de décision) pour le moins inattendues voire catastrophiques sur nos finances publiques et sur notre quotidien alors que le bon sens et la logique voudraient qu’on se concentre sur un compromis salvateur et qu’on fasse taire, pour un temps, les dissensions idéologiques mesquines, mais c’est un peu trop demander à une catégorie sociale qui se classe elle-même parmi les élites de la nation mais qui ne représente plus vraiment ceux qui les ont élus. Je ne parle pas non plus du désastreux exemple qu’ils donnent quand, à l’occasion de leurs fonctions, on les retrouvent devant les tribunaux, quand ce n’est pas dans les prisons de la République.
Face à cette bouffonnerie dont on a du mal à rire tant elle est lamentable, on se raccroche à ce qu’on peut parce que si la politique est une chose passionnante, ceux qui la font actuellement le sont notablement moins. La télévision fait partie de notre vie et c’est par elle que passe cette navrante clownerie mais heureusement elle diffuse aussi autre chose. Mon intérêt personnel me porte notamment vers les intrigues policières mais pas celles où se déclinent à l’envi violence, sexe et sang comme c’est trop souvent le cas. Un peu par hasard, je me suis connecté sur le feuilleton qui relate les enquêtes auxquelles participe Morse, ce jeune agent de police judiciaire anglais des années 60 qui, malgré son grade de subordonné, s’empare des affaires les plus compliquées qu’il finit par résoudre lui-même grâce à la qualité de son raisonnement, à son bon sens, à sa culture voire à son érudition, donnant à la hiérarchie qui souvent le méprise eu égard à son jeune âge et à son manque d’expérience, une édifiante leçon. Il incarne bien le système, lui le subalterne, souvent cantonné par ses supérieurs imbus de leur rang, à des tâches répétitives et sans intérêt et doit à l’occasion endosser la responsabilité de leur incompétence. Pourtant il est vrai qu’il est sûrement bien le seul parmi les policiers de ce commissariat, à avoir fréquenté l’université d’Oxford et à faire profité tous ses collègues, surtout les plus gradés, de ses vastes connaissances. Il a sûrement choisi ce métier par hasard, pour l’aider à survivre plutôt que comme une véritable vocation, mais il l’exerce avec probité et impartialité.
Il est certes un personnage de fiction, crée par Colin Dexter (1930-2017) et revisité par Russell Lewis et est à ce titre une créature de composition un peu solitaire et donc un peu idéalisé, nonobstant une légère addiction à l’alcool, mais quand même. J’ai également souvenir d’une autre série qui le représentait, quelques années plus tard, alors qu’il était devenu un inspecteur expérimenté qui accompagnait le sergent Lewis.
Les épisodes proposés sont bien construits et distillent jusqu’à la fin un suspens de bon aloi. C’est personnel, mais j’aurais de plus en plus tendance à en redemander !
-
La Feuille Volante a 45 ans
- Le 22/07/2025
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°1993 – Juillet 2025.
La feuille volante a 45 ans.
Le simple fait d’écrire ce titre me donne le vertige, d’autant que je ne suis même pas sûr de la date de création, officiellement 1980 , les premiers articles rédigés par mes soins, sur une idée de mon ami le regretté Marjan (1918-1998), n’étaient ni datés ni numérotés. Je ne faisais ainsi que répondre à ses sollicitations puisque, poète humoriste mais aussi animateur de nombreuses revues de poésie, il recevait des recueils qu’il n’avait pas temps de lire. J’ai donc été chargé par lui de tenir cette rubrique. A l’origine, ce qui est devenu une chronique, était tapée et photocopiée sur une feuille volante, d’où son nom, et jointe dans le courrier de Marjan mais sa diffusion était ridiculement modeste. Le dessinateur « Arfoll » (1927-2006) m’a fait l’amitié de l’illustrer à sa manière, accompagnant spontanément cette aventure. A l’origine elle était destinée à parler de ceux dont on ne parle jamais, les poètes, et cela a duré quelques années, puis, passionné de lecture, j’ai commencé à y intégrer mes notes sur les romans, nouvelles, essais que je lisais, c’est à dire à rédiger ce que mes nombreux professeurs de français avaient souhaité me voir effectuer, mais en vain, pendant ma lointaine scolarité. Ce n’est que lorsque internet a été popularisé que cette chronique est devenue « blog » et que je me suis laissé porté par ce tourbillon médiatique. Sa présentation volontairement spartiate est un choix personnel, d’autant que j’ignore toutes les possibilités que cette nouvelle technique permet. L’âge venant et avec lui l’effritement de ma mémoire, cette chronique m’a au moins servi, à titre personnel, à collationner et à me souvenir de mes remarques sur les livres que j’ai lus et plus récemment à propos des films que j’ai vus puisque, depuis peu, je me suis essayé à la chronique cinéma.
Cette publication est depuis le début gratuite et le restera jusqu’à la fin, tout comme elle n’a jamais eu et n’aura jamais aucun abonné. Elle n’est pas exempte d’imperfections que ceux qui me font l’honneur de me lire me pardonneront je l’espère puisque je ne suis qu’un modeste amateur, solitaire de surcroît. J’ai beau me relire plusieurs fois avant chaque publication, des erreurs subsistent néanmoins que je ne vois pas. C’est sans doute à cette solitude je dois cette relative longévité puisque la durée moyenne de vie de ce genre de bulletin est limitée dans le temps et que je m’entends encore assez bien avec moi-même !
Que ressort-il de cette longue période de curiosité personnelle, d’activité secrète, de cette expérience que je n’ai jamais voulu appeler ni critique ni littéraire ? En fait pas grand-chose. Peu de réactions donc, mais ça n’a jamais été le but, ce qui me fait dire que l’audience est restée très confidentielle puisque j’ai choisi de ne faire ni dans la controverse systématique ni dans le scandale. Je ne mets pas non plus en avant un taux élevé de fréquentation des lecteurs, puisque, selon moi, il doit beaucoup au hasard, à des erreurs de recherches et aux liens hypertextes. De plus, je n’ai eu que peu d’échanges avec les auteurs, et quand ces derniers, au début de leur carrière, m’ont fait l’honneur d’un échange épistolaire, ils en ont tous perdu l’habitude quand la célébrité a donné un élan à leur carrière. Je n’ai par ailleurs jamais souhaité me targuer d’une correspondance avec des gens de lettres prestigieux. Il s’agit seulement d’un enrichissement intime de ma culture personnelle, la satisfaction du désir de lire c’est à dire d’apprendre, de me cultiver et de maintenir en éveil mes facultés intellectuelles mais surtout le grand plaisir toujours intact, même s’il est parfois laborieux, que j’ai à écrire, à penser contre moi-même, à mettre des mots sur une impression ou un sentiment de simple lecteur, évidemment sans aucune dimension polémique puisque je respecte le travail de l’auteur. Je ne perds pas de vue non plus qu’on ne me demande rien ! Ai-je besoin de le préciser, mes modestes écrits n’ont rien à voir avec intelligence artificielle qui est souvent plus artificielle qu’intelligente.
L’Ecclésiaste nous enseigne qu’il y a un temps pour parler et un temps pour se taire. Avec cette revue,j’ai largement utilisé le premier pour maintenant respecter le second. Tout cela va donc progressivement se terminer comme cela a commencé, c’est à dire dans l’indifférence et l’anonymat. Je n’ai jamais recherché le vedettariat ni la lumière, ni quoique ce soit de nature à me singulariser, à me mettre en avant puisque l’ombre me va très bien. Je garderai, je l’espère, cet attachement à la lecture et à l’écriture qui sont aussi des addictions d’anachorète en me demandant pourquoi j’ai participé si longtemps à cette agitation médiatique existentielle, autant dérisoire qu’inutile. Par vanité sans doute, avec peut-être l’espoir secret de me distinguer avec une autre forme d’écriture, dédiée celle-là à la création et qui se déclinait pour moi en poèmes, nouvelles et romans variés, mais là aussi tout cela est resté lettre morte et toutes ces feuilles noircies d’encre se recouvrent maintenant de poussière dans mes tiroirs ou s’entassent sur le disque dur de mon ordinateur puisque la recherche de l’éditeur s’est révélée globalement vaine et que l’édition à compte d’auteur, quelque forme qu’elle prenne, est un leurre quand cela n’est pas parfois une arnaque. La raison en est peut-être le peu de soutien de mon entourage, la malchance que je traîne avec moi depuis si longtemps, le destin qui m’a toujours été contraire, les illusions que j’ai tressées et entretenues, le manque de talent aussi. J’ai simplement essayé, en vain certes, et tant pis si les évènements ne m’ont pas servi, toutes ces tentatives avortées ont rejoint la liste déjà longue de mes échecs.
Dès lors il est devenu illusoire d’opposer la moindre résistance à ce sens des choses et nécessaire de se laisser glisser vers la pente naturelle.
-
Non ce n'est pas un énième hommage à Gainsbourg
- Le 20/07/2025
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
LA FEUILLE VOLANTE
La Feuille Volante n’a pas de prix, sa diffusion est gratuite, elle voyage dans la correspondance privée et maintenant sur Internet.
Avril 1991
n°56
NON, CE N’EST PAS UN ENIEME HOMMAGE A GAINSBOUG. – (A propos de l’article republié le 6 mars 1991 dans « Le Canard Enchaîné », article daté du 12 novembre 1958 et signé Boris Vian).
La Feuille Volante n’est pas un journal. Elle ne rend pas compte de l’actualité. Pourtant, je ferai une exception puisque la mort de Gainsbourg nous concerne tous. Le personnage ne laissait pas indifférent. On avait pour lui de la sympathie, du dégoût, mais on avait un avis ! Le Canard Enchaîné publie un article daté de 1958 consacré à Gainsbourg (il avait trente ans) et signé Boris Vian.
Qu’y avait-il de commun entre le « Satrape » du collège de Pataphysique et ce chanteur « unanimement flingué par la critique de l’époque » ? (Ils s’étaient peu connus, mais beaucoup appréciés). Peut-être le goût de la musique, de la poésie, de cette marginalité littéraire si opportunément cultivée qui fait dire que la réussite ne sera jamais vraiment au rendez-vous ? Tous les deux ont fait du cinéma, du spectacle et Gainsbourg, on le sait moins était aussi romancier. La provocation cachait chez ses deux personnages une sensibilité exacerbée qu’ils camouflaient mal derrière l’homme public. Ils jouaient avec la vie tout en sachant mieux que personne qu’elle est éphémère et qu’il convient de la brûler aussi complètement que possible. Tous les deux étaient des « touche à tout » de génie, morts singulièrement de la même façon, ayant peut-être choisi, à l’instar du comédien qui quitta la scène, de tirer à un moment précis leur révérence au public (« Quand je veux » dit un personnage de Boris Vian), ayant peut-être, au fond de la poitrine ce nénuphar de Chloé dans l’écume des jours qui se nourrit de sa propre souffrance. Oui, chacun jouait à se faire peur avec pour enjeu cette mort que bizarrement ils avaient prévue, parce qu’ils portaient en eux qu’ils savaient pouvoir les emporter (« Je n’atteindrai pas 40 ans » avait prophétisé Vian, comme s’il savait que chaque note sortie de sa trompette était une mesure de plus pour sa propre symphonie funèbre)
Chacun d’eux avait quelque chose de rabelaisien et il convenait de briser l’os des apparences pour atteindre la substantifique moelle de la sensibilité. Tous les deux ont connu cette soif, mais surtout ce mal de vivre qu’ils ont combattu par le tabac, l’alcool… mais qui a donné cette œuvre qui ne peut sortir que du bouillonnement intérieur d’un écorché vif.
Pourtant une chose les sépare peut-être, c’est l’hommage populaire, toutes générations confondues. La disparition de Gainsbourg arrache des larmes à l’adolescent comme au retraité qui ainsi se retrouvent dans la perte de quelqu’un qu’ils aimaient. Pour lui les fleurs, mais surtout, témoignage dérisoire ou clin d’œil du destin des paquets de Gitanes, des cigarettes brisées, des bouteilles de whisky, des gens qui restent devant un mur ou un cercueil, en silence ou en chanson, en se disant qu’il est parti trop tôt et ne veulent pas y croire. « Quand je serai refroidi, ce qui me gène le plus sera de faire pleurer mes enfants » disait Serge ; Il n’y a pas que ses enfants qui ont pleuré ou plutôt si, puisque grâce à lui c’était un peu le gamin frondeur et contestataire qui dort en chacun de nous qui se réveillait et redevenait pour un moment joueur de billes, pilleur de troncs ou passionnément amoureux comme l’était Boris.
C’est vrai, c’est à chaque fois la même chose « Quand il est mort le poète … ». Ce qui compte le plus c’est l’hommage des gens, de ceux qui ne l’ont connu qu’à travers la presse, la télévision où il était parfois absent, mais maintenant qu’il est mort, il ne scandalisera plus, on n’aura plus à redouter ses écarts de langage ou de conduite qui mettaient si mal à l’aise les animateurs BCBG. Gainsbourg et Vian ont bien connu dame Censure !
C’est vrai que Serge n’échappe pas à la tradition qui veut qu’on dise surtout du bien des morts, même si ces mêmes louanges sont restées au fond des gorges de son vivant ! Heureusement, les média qui peuvent enfin parler que quelqu’un qui intéresse (et fait monter les ventes et l’indice d’écoute) car la Guerre du Golfe a mis quelque peu en exergue la pauvreté de l’information ces derniers temps !
« Ce qui restera ce sont ses chansons, je les fredonnerai toujours ! » a dit une vieille dame claudicante de retour du cimetière. C’est vrai que nous continuerons à fredonner « Le Poinçonneur des Lilas » de même que « Le déserteur » reste dans toutes les mémoires…
La chanson, vous avez dit « art mineur » ?
© H.G.
-
Zinedine Zidane, une sortie très honorable.
- Le 14/07/2025
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°256 Juillet 2006
Monsieur Zinedine Zidane – Une sortie très honorable.
Que mon improbable lecteur me pardonne, mais l’actualité me fait réagir comme tout le monde et je me permets donc de sortir du créneau que j’ai moi-même choisi pour cette revue qui se veut littéraire. Je veux évidemment parler du geste de Zinédine Zidane.
Quelques remarques d’abord. J’ai fait, il y a bien longtemps mes humanités, comme on disait alors, et dans les textes, on faisait l’éloge des champions grecs et latins que la victoire aux jeux, du stade ou du cirque, consacrait à l’égal des dieux. A l’époque, je me souviens m’en être étonné. Je me rassure aujourd’hui, notre époque est semblable et nous n’avons rien à envier aux Romains qui réclamaient « du pain et des jeux ».
Mais j’en viens à mon propos et je veux apporter ma part de réflexion à ce qui a été un événement national. Zidane avait fait part de son intention de quitter la compétition après cette coupe du monde et chacun d’y voir un heureux présage, une deuxième étoile d’or sur le maillot bleu, une consécration pour notre héros national, la coupe du monde revenue chez nous… Au lieu de tout cela, tout à fait autre chose, un joueur expulsé, un peu désabusé, regagnant seul les vestiaires, passant sans le regarder devant le trophée doré qu’il ne brandira pas, à dix minutes de la fin du match…preuve que rien n’est jamais écrit à l’avance et qu’Aragon avait bien raison de proclamer « Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse ni son cœur, et quand il croit ouvrir les bras son ombre est celle d’une croix, sa vie est un étrange et douloureux divorce… »
Nous connaissions un peu l’homme, parce qu’il s’était, à l’occasion, dévoilé au cours de sa vie publique. Il avait lui-même parlé de sa part d’ombre… mais nous garderons tous l’image de ce dieu du stade, adulé et célèbre à la fois pour son talent mais aussi pour son esprit de tolérance, sa simplicité, son calme, ses qualités humaines. C’est pour tout cela que nous l’aimons. Mais voilà que sa part d’ombre est réapparue en pleine lumière, et devant les caméras de télévision du monde entier… Et chacun de déplorer la chute de cette icône, la statue du commandeur qui devient subitement impulsive, c’est à dire humaine, tout simplement !
Zidane s’est expliqué et alors les choses se sont éclairées. Materazzi, l’a insulté par trois fois pendant le match, s’en prenant à ce qu’il a de plus précieux au monde, sa famille. Au passage, le joueur italien a bien opportunément oublié les sacro-saintes valeurs du sport, celles qu’on enseigne aux enfants et qu’on répète à l’envi. Le but du jeu, si je puis dire, était de déstabiliser Zidane pour le faire expulser du terrain et ainsi priver l’équipe de France de son meneur de jeu. Cela a fonctionné ! Et chacun de s’étonner que cela puisse se produire sur un terrain de football, à ce niveau de compétition. Ce déplorable incident a donc été aussi un révélateur. Malgré toutes les idées reçues, toutes les valeurs dont nous aimerions bien qu’il fût porteur, le monde du sport n’est ni meilleur ni pire que les autres, il en est l’exacte réplique, le miroir. Il est très précisément semblable au monde du travail où la compétition est quotidienne, la réussite est la règle incontournable sinon l’unique but, même s’il faut pour cela déstabiliser l’autre, l’écraser pour prendre sa place et ainsi le détruire… Tout cela pour l’illusoire impression de la reconnaissance, de la valorisation personnelle.
Zidane a résisté aux lazzis de l’Italien et tout à coup a craqué, parce que sa réaction a suivi les provocations. Le dieu est tout à coup redevenu humain, ce qu’il n’a jamais cessé d’être, en réalité : un homme qui a su faire passer son honneur avant son intérêt et qu’il l’a défendu.
On peut dire ce qu'on veut de ce geste et Zidane s’est excusé auprès des enfants qui sont ses meilleurs supporters parce qu’il est leur modèle. Il a précisé toutefois, qu’il ne le regrettait pas parce que cela aurait été donner raison aux provocations. Eh bien, je n’ai pas peur d’affirmer ici qu’il est effectivement un modèle pour nous tous, celui d’un homme qui n’a pas eu peur de briser publiquement son image et aussi peut-être nos rêves de victoire parce qu’on avait porté atteinte à son honneur et à celui de sa famille ! Le geste de Zidane est peut-être un mauvais exemple pour les jeunes, mais pour nous, adultes, je proclame ici qu’il y a de la noblesse dans cette réaction.
Même si ce n’est pas exactement ce que nous attendions tous, c’est une très honorable sortie que celle de Zidane et son geste mérite admiration et respect.
-
La méthode Werber
- Le 14/07/2025
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°353– Juillet 2009.
La méthode Werber – Article de Jacques Drillon – Le Nouvel Observateur n°2331 du 9 au 15/7/2009 p 89.
Dans la série « Nous vivons une époque formidable », mon attention a été attirée par l'article de Jacques Drillon. Bernard Werber qui n'est pas un inconnu pour cette revue [La Feuille Volante n° 317 – Octobre 2008] avait convié 400 de ses lecteurs à L'institut Océanographique de Paris pour un « atelier d'écriture ».
Personnellement, j'ai toujours pensé [en le vérifiant] qu'une telle activité [l'atelier d'écriture] ressemblait beaucoup à une arnaque et qu'il fallait se garder de tomber dans le panneau. Cela avait pour effet, sinon pour but, d'apprendre aux « stagiaires » ce qu'ils savaient déjà faire, tout en les ponctionnant largement au passage... avec leur consentement et leur satisfaction et surtout en leur donnant l'impression qu'ils sont meilleurs « écrivants », sinon écrivains, qu'avant leur passage dans cet atelier!
C'est peut-être un signe des temps, la preuve que la crise n'est pas pour tout le monde, mais, n'ayant pas été invité et surtout ayant des moyens limités [25 euros quand même pour participer à la séance!], je n'y ai pas assisté et je me suis donc contenté des propos du journaliste.
Si j'en juge d'après le texte du Nouvel Observateur, cette intervention du maître s'est transformée en une opération de promotion personnelle pour un écrivain à succès qui n'en n'a pas vraiment besoin, l'occasion de pratiquer l'autosatisfaction, sorte d'explication de texte de l'auteur lui-même sur ses propres ouvrages, un sondage « in situ » sur l'œuvre... Après tout c'est de bonne guerre, même si les questions posées par Werber, si elles l'ont effectivement été telles qu'elles sont relatées, ne font pas vraiment preuve d'un sens accompli de l'expression française!
Vient ensuite l'objet de la rencontre. Au moins l'auteur met en garde son auditoire et indique que si l'écriture est un plaisir, ce n'est pas une chose facile parce que le travail fait aussi partie du processus[Pourtant, je me m'explique pas sa remarque précisant « l'écriture est un métier de feignant »!], que, même si on est convaincu de son propre talent, le succès ne sera pas forcément au rendez-vous. Il rappelle avec raison que si l'écriture peut être jubilatoire, le livre est souvent un univers douloureux, même si la folie , et même l'audace, font un peu partie du décor et que l'observation du quotidien est finalement une bonne école, que l'inspiration réserve parfois de bonnes surprises à l'auteur lui-même parce que l'imagination reste la plus forte face à la feuille blanche.
Ce sont là beaucoup de banalités, distillées pour un prix manifestement exorbitant, alors que la meilleurs façon d'écrire, c'est certes de s'entrainer à le faire, mais surtout de lire les bons auteurs!
En revanche, je ne m'explique pas que l'auteur des « Fourmis » puisse affirmer que « tout roman peut se résumer à une blague » et je ne suis pas bien sûr que les participants aient été capables, avec de tels conseils, d'écrire ensuite leur propre best-seller!
Je suis pour autant d'accord avec Jacques Drillon, une telle intervention à quelque chose d'édifiant!
© Hervé GAUTIER – Juillet 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
-
Elegie pour Patrick
- Le 24/06/2025
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
Élégie pour Patrick.
A mon ami Patrick Roy, décédé accidentellement en septembre 1969
Cela fait dix ans déjà que tu as disparu, dix ans, peut-être moins, qu’importe.
Je te connaissais peu, seule la sympathie nous unissait et c’était déjà beaucoup.
Cependant je me souviens de toi comme d’un ami, comme d’un être d’exception dont, où qu’on aille, il est impossible d’oublier la voix, le visage, la présence.
L’espace et le temps se fondent là où tu es et je crains de t’avoir perdu à jamais car nulle résurrection n’existe, nul être ne revient plus.
Je te connaissais peu, c’est vrai, mais ces quelques années de vie, je puis affirmer que tu les as vécues intensément, ivre de ces plaisirs que nous procurent les nourritures terrestres, rassasié de ce tangage goûté auprès du corps des femmes, jouissance plus enivrante encore que celle que nous procure l’alcool.
Ta vie, tu l’as bien brûlée, au bord de flammes incertaines d’innombrables brasiers, tu l’as consumée comme j’aurais voulu le faire moi-même, complètement, puissamment, profitant des nuits et des jours pour percer le mystère du beau autant que du plaisir sans te soucier des lendemains hasardeux.
Toi aussi tu avais compris que chaque être n’a qu’une vie et qu’il doit en jouir pleinement…
La mort t’a emporté à la fin d’un été où tu m’avais parlé du soleil de la Suède, une carte postale sobre et belle, qui te ressemblait…
Et puis ce fut cet accident stupide, cette voiture disloquée dans la transparence de septembre, sur une route du Poitou… La mort t’a arraché à la vie comme un aimant qu’on arrache au métal. J’ai écrit quelque part une manière d’apologie du suicide, mais quand je pense à toi, j’ai honte d’avoir écrit ces lignes…
Tu es mort sans souffrir, sans avoir fait souffrir aussi, que ceux que tu laisses derrière toi, dans ton souvenir.
(1978)
-
Valli
- Le 24/06/2025
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
Valli (1)
Pendant cet hiver froid, Valli est morte sur un lit d’hôpital.
Son cœur s’est arrêté de battre.
Nous nous retrouvions chez elle une fois par semaine
Pour parler italien.
Elle corrigeait notre accent et nos fautes de vocabulaire
Nous aimions ces rencontres au goût de café et de soleil
Dans cet appartement qui domine la ville…
Une semaine auparavant nous avions avec elle arpenté un quartier
Nous avions découvert des venelles et fait le tour d’une maison toscane
Le temps était doux pour la saison et la balade lui avait plu.
Elle venait d’Italie mais sa longue vie s’est arrêtée ici, dans ce coin de France.
Nous savons bien que nous ne sommes que de passage
Que la mort nous guette à chaque pas, qu’elle ne prévient pas
Mais nous ne pouvons rien quand l’heure est venue
Et que la vie s’en va.
Nous ne la reverrons plus.
Niort, le 23/1/2022
A la mémoire de Valli VIGNA.
-
Réflexions sur l'écriture, l'édition.
- Le 09/06/2025
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°1985 – Juin 2025.
Réflexion sur l'écriture, l'édition..
Sur internet, je suis étonné de l'offre de plus en plus importante d'aides à l'écriture de romans. Cela répond sans doute à une demande, mais ça m'interpelle. Après tout, écrire un roman, une biographie, une saga, un recueil de nouvelles ou de poèmes, est légitime, ne serait-ce que pour marquer son passage sur terre, laisser quelque chose de personnel à ses héritiers d'une autre nature qu'une succession taxée ou sortir de son vivant de l'anonymat, bref vouloir faire une chose originale qui ne soit pas illégale ou immorale, dans une société de plus en plus folle qui perd chaque jour ses traditionnels repères.
Depuis longtemps les "ateliers d'écriture" font recette. Nous avons tous appris à écrire, à l'école, au collège, au lycée, parfois à l’université et la vie en société est là pour entretenir ce mode d’expression indispensable. Même si l'écriture littéraire peut être quelque peu différente, la lecture de bons auteurs enrichit notre vocabulaire, nos connaissances, notre culture et nourrit notre propre créativité en nous permettant, le cas échéant, de créer notre propre style. Cela devrait donc pouvoir suffire pour tisser une trame imaginative autour de notre envie de raconter une histoire aux éventuels lecteurs. Tout est perfectible et la sensibilité individuelle et son expression n'échappent pas à cette règle, les offres dont il s'agit sont donc une bonne idée qui mérite réflexion d'autant que certains écrivains célèbres y prêtent leur concours, ce qui, à priori ne peut être qu'un gage de sérieux et de qualité.
A ce propos, je suis assez attentif à la propriété intellectuelle et je me souviens de cette mésaventure, il y a quelques années, d'un admirateur de Marcel Aymé à qui il avait envoyé une de ses nouvelles pour solliciter son avis. Il n'avait jamais reçu de réponse, en revanche il avait reconnu son texte, longtemps après, intégralement reproduit, dans un recueil de son écrivain préféré.
Ces offres sont évidemment payantes, et parfois même très onéreuses, et le tapuscrit ainsi offert à la correction sera effectivement lu, discuté, critiqué, et l'impétrant sera sûrement invité à revoir sa copie à la lumière des conseils prodigués; les maisons d'édition sérieuses ne font d'ailleurs pas autre chose quand elles ne se limitent pas à un refus pur et simple d'un manuscrit d'un auteur inconnu. On peut donc légitimement penser que ce à quoi tout aspirant-écrivain rêve a ainsi de bonnes chances de se réaliser. Quoiqu’il en soit, le contrat initial d'aide aura donc été honoré sans contestation possible. Il y a cependant de fortes chances pour que ces perfectionnements proposés, aussi bons soient-ils, s'inscrivent dans un contexte classique d'où l'originalité sera exclue. Ces aides spécifiques n'existaient pas à l'époque de Verlaine, de Marcel Proust, d’Apollinaire, de Blaise Cendrars, de Louis-Ferdiand Céline, de Georges Perec, de Boris Vian, pour ne citer que ceux-là, mais heureusement leur talent a été révélé et reste encore offert à notre plaisir de lecteur.
Dès lors que faire du texte ainsi remanié sinon l'éditer? L’acceptation d'un manuscrit par un professionnel de l'édition répond à des impératifs de qualité mais aussi de rentabilité. Les éditeurs indépendants ont rarement la possibilité de parier sur un inconnu dans une société où le profit est la règle et être publié par eux reste rare. Quand aux grandes maisons d'éditions, il est sans doute préférable de bénéficier d'un parrainage pour y accéder, même si, paraît-il, cela arrive. Restent l'autoédition, le compte d'auteur, la souscription, l'édition participative...Les formules ne manquent pas, avec leur cortège d'avantages potentiels qui sont de nature à créer l'illusion chez l'auteur qui verra son nom inscrit sur la couverture d'un livre et qui pourra ainsi rêver à des séances de dédicaces, à des rencontres littéraires, à des interviews, à des créations en résidence... Certes les coûts d'impression sont élevés mais les moyens actuels de l'informatique et de diffusion par internet devraient simplifier les choses, mais il semblerait qu'il n'en soit rien dans un pays majoritairement habitué au support papier. Un autre mouvement se fait jour sur internet, les maisons d'édition qui recherchent les auteurs et leurs manuscrits. C'est sans doute nouveau mais c'est oublier un peu vite le prix qu'il faut payer pour cela et c'est bien souvent rédhibitoire d'autant que le succès n'est pas souvent au rendez-vous. Autrement dit, si on souhaite une édition à compte d'éditeur, ce qui devrait être la règle puisque le rôle d'un tel professionnel est la découverte de talents, il vaut mieux s'armer de patience et d'être chanceux. Dès lors il y a de fortes chances pour que le tapuscrit, rectifié ou non, reste en l'état au fond d'un tiroir ou sur le disque dur d'un ordinateur, avec en prime le découragement qui va avec ou, s'il est publié, évidemment aux frais de l'auteur, que les exemplaires prennent rapidement la poussière sur des étagères.
Alors qu'en est-il de ces différentes offres qui prétendent améliorer ou faire la promotion de votre écriture? Elles sont attirantes mais personnellement, après un long parcours quelque peu décevant je m'en abstiendrai parce que, à titre personnel, je ne veux pas entrer dans un processus illusoire qui consiste à se donner l'impression qu'un inconnu peut entrer dans ce milieu éminemment fermé. De plus, le nombre de livres imprimés croît chaque année d'une manière exponentielle et le succès d'une œuvre tient beaucoup à la publicité qui est faite autour d'elle par les médias auxquels l'auteur inconnu a difficilement accès. Il y a toutes les chances pour que l'apprenti-écrivain, même avec un texte bonifié, ne puisse jamais s’inscrire dans un mouvement promotionnel et connaisse ainsi la consécration de son talent.
-
la revue indépendante
- Le 22/05/2021
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
Dans mes archives personnelles de La Feuulle Volante, je retrouve cet article paru dans La Revue Indépendante (n° 250 Janvier-Février 1996) qui lui était consacré, accompagné d'une lettre d'approbation de son directeur honoraire, Daniel Sor, en date du 23 février 1996.
Quand je reçois La Revue indépendante, je suis frappé par la date de sa fondation, en 1841, et donc par sa longévité (155 ans). Quand on songe à la durée moyenne de vie d'une revue, cela laisse rêveur! Lors de l'Assemblée Générale de 1994, son actuel directeur-rédacteur en chef, Bernard Drupt, ayant préalablement protesté contre le "vol" du titre dont s’était rendu coupable un parti politique, avait proposé que soit affichée sans complexe la date de création malgré les différentes reprises successives de cette revue. C’est en effet en 1841 que fut créée La Revue indépendante par Georges Sand, Pierre Leroux et Louis Viardot, 16 rue des Saints-Pères à Paris.
Elle fur reprise par Félix Fénéon en 1884. Elle part jusqu’en 1895 avec des signatures prestigieuses sur la vie de son temps. Il y était question de vie publique et politique. Il y eu un vide, comblé en 1927 à 1934 avec un titre un peu modifié, connu sous le nom de La Revue indépendante théâtrale,littéraire, artistique, sportive et de cinéma . C’est sous ce sigle qu‘elle est répertoriée dans l’Annuaire de la Presse de 1928. En 1947 une nouvelle série paraîtra. Elle deviendra, grâce à Robert Morche l’organe du Syndicat des journalistes et écrivains, fondé lui en 1923.
En fait, l’histoire de cette revue est marquée par de nombreuses péripéties. Le numéro 100 de la nouvelle série, daté de novembre-décembre 1970 mentionnait déjà une refondation en 1912, tout en rattachant ce titre à la création originelle de la revue en 1841.
Le signataire de l’éditorial de ce numéro, Daniel Sor qui état à l’époque rédacteur en chef, s’interrogea sur les raisons de la longévité exceptionnelle de cette revue. Il remarquait que si toute entreprise littéraire « subsiste et prospère grâce à la curiosité publique », il convenait qu’une revue soit à la hauteur de l’intérêt qu’elle suscite. Il notait que La Revue Indépendante se caractérisait en premier lieu par son éclectisme et son libéralisme, respectant à la fois la liberté d’expression de ses collaborateurs et la conviction intime de ses lecteurs. Il mentionnait également une autre raison à cette longévité. Depuis son origine, la revue s’était toujours appuyée sur des écrivains et des poètes. Ainsi citait-il parmi ses chroniqueurs de prestigieux membres de l’Académie française tels que ; Anatole France, Paul Claudel, Raymond Poincarré, Georges Duhamel, le Maréchal Lyautey… Ainsi dégageait-il l’esprit de cette revue fondée sur la bonne foi et la valeur littéraire. Daniel Sor ne manquait pas de rendre un hommage appuyé à Robert Morche qui avait su relancer cette revue en élargissant son audience et en respectant ses valeurs. Dans la liste des noms qui émaillèrent cette revue, il ne manqua pas de noter ceux dont la sensibilité poétique était marquante car c’est aussi une revue qui s’intéresse aux poètes.
En tant que rédacteur de cette chronique (La Feuille Volante), j’ai été très tôt destinataire de La Revue Indépendante. Ce qui m’a plu, c’est précisément ce que je m’attache à cultiver pour moi-même, c’est à dire l’indépendance. Daniel Sor dans son article notait que la revue se défend d’appartenir à un parti politique, s’attachent seulement à barrer la route au sectarisme et à l’intolérance d’où qu’ils viennent, mettant notamment en œuvre une attention toujours en éveil fondée sur la jeunesse.
Dès le n° 200, Bernard Drupt établissait un constat quelque alarmiste de la situation, faisant état d’inquiétudes face à l’avenir, craignant plus l’indifférence que la satisfaction de ses membres. Dans cet éditorial il réaffirmait l’indépendance de cette revue, rappelait aux lecteurs que cela dépend d’eux et souhait que chacun donne un peu de son temps dans l’intérêt commun, même si le rôle du syndicat avait un peu évolué. Citant Beaumarchais, il adressait quand même un message d’espoir.
Actuellement La Revue Indépendante en est au numéro 250 ( Janvier-Février 1966), porte toujours le même nom (Corporative, littéraire, artistique, documentaire), se présente sous un format 24/16 à couverture cartonnée et reste l’organe des journalistes et des écrivains. Elle se consacre toujours aux problèmes de société, publie les réflexions et les réactions personnelles des chroniqueurs dans le domaine culturel et littéraire sans oublier la traditionnelle « vie de la revue et du syndicat ». Des poèmes sont également publiés dans chaque numéros qui commence bien sûr par l’éditorial de son directeur. On y trouve également des rubriques critiques autour du cinéma, une revue de presse de France et de l’étranger , des « prières d’insérer » etc.
Pratiquement chacun de ces numéros a pour hôte le chat d’Arfoll ce qui y met une touche d’originalité.
-
200 DROLES D'EXPRESSIONS que l'on utilise tous les jours sans vraiment les connaître
- Le 13/10/2015
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°970– Octobre 2015
200 DROLES D'EXPRESSIONS que l'on utilise tous les jours sans vraiment les connaître – Alain Rey – Stéphane de Groot – Le Robert.
La langue française est riche et j'ai toujours plaisir à la lire sous la plume de bons auteurs parce qu'ils la servent correctement et font chanter les mots pour le plaisir du lecteur. Elle est certes la langue de la culture et à ce titre emprunte au passé sous forme de mots latins et grecs notamment mais aussi au présent, c’est à dire aux langues étrangères. C'est ainsi qu'une langue évolue, qu'elle est simplement vivante. Pour autant, celle que nous employons au quotidien s'inspire d'expressions que nous connaissons mais pour lesquelles nous aurions du mal, nous Français, à trouver une explication.
Dans cet ouvrage, Alain Rey, linguiste reconnu et un des principaux créateurs du dictionnaire « Le Robert » nous apporte ses lumières [sans oublier celles de ses collaborateurs] et Stéphane de Groot, comédien mais aussi magicien des mots y met son facétieux « grain de sel » c'est à dire sa note d'humour, encore que ses remarques m'ont semblé discrètes, et même si elles se veulent humoristiques, elles m'ont paru assez éloignées de ce que j'ai pu voir sur Canal+. J'ai même carrément mieux aimé le ton d'Alain Rey que celui de son acolyte. Autant dire que cette édition est placée sous le signe d'une certaine forme d'amusement à laquelle elle nous invite ; le propos, pour être tenu sur un mode badin n'en est pas moins sérieux et documenté et explore les sinuosités de la langue. C'est vrai que la présentation qui en est faite est ludique, pédagogique même. Toutes ces expressions qui font partie de notre langage quotidien ont bien sûr une signification précise que nous connaissons mais nous en ignorons bien souvent l'origine et l'évolution des mots qui la composent. En apprendre le sens en s'amusant n'est pas le moindre intérêt de ce volume qui explore pour chacune d'elles ses origines souvent latines mais encore bien plus souvent populaires. C'est rejoindre un peu Malherbe qui souhaitait que le langage des gens de lettres s'inspire de celui « des crocheteurs du Port au foin », c'est à dire un usage courant de notre langue. En revisitant nombre des expressions qui sont employées en français, cet ouvrage s'inscrit dans cette même volonté. L’auteur explique le sens de chaque formule, la remet dans le contexte souvent historique ou technique, note l’étymologie d'un mot, et sa déclinaison, son évolution qui avec le temps peut devenir parfois absconse, remarque son adaptation dans le vocabulaire courant et actuel, l'opposant parfois à l'usage qu'en font nos cousins québécois, en corrige éventuellement l'orthographe fautive, rectifie à l'occasion un sens erroné, montre tout ce que le langage moderne doit aux siècles passés, aux savants arabes comme aux parlers européens médiévaux, voire à l'ancien français, aux langues régionales, au vocabulaire cynégétique, rural, militaire ou maritime, avec même des précisons techniques souvent surprenantes et l'évolution parfois facétieuse ou carrément fausse que l’usage populaire en a fait. On n'oublie pas non plus de citer les auteurs [la liste en est impressionnante] qui se les sont approprié ou la définition plus classique qu'en donne le dictionnaire, le « Robert », évidemment ! Ce sont ainsi 400 pages de précisions qui enrichiront notre vocabulaire et nos connaissances ou expliqueront des phrases que nous employons chaque jour sans forcément en connaître le sens. Pour être un ouvrage ludique, il n'en est pas moins sérieux et savant puisque la bibliographie de référence est impressionnante tout comme les dictionnaires, celui de l 'Académie, mais pas seulement, qui ont permis son élaboration. Et puis, faire coïncider la sortie d'un tel livre qui ressemble à un dictionnaire (il en a au moins le classement alphabétique) avec la rentrée littéraire est plutôt une bonne idée.
Je ne sais pas ce qui a motivé ma sélection de la part de Babelio que je remercie pour ce choix dans le cadre de « Masse critique »[ainsi que les éditions Le Robert qui m'ont fait parvenir ce livre]. Ai-je été « trié sur le volet » selon la formule ? J'en doute. En tout cas, cela tombe plutôt bien et ce volume qui pour moi est riche d’enseignement, voisinera dans ma bibliothèque avec les nombreux dictionnaires et sera souvent consulté. Cet ouvrage a mérité de ma part une lecture attentive et tellement plaisante que je me permettrai, respectueusement bien sûr, de demander une suite à l'auteur, tant je pense qu'il fera « un tabac ».
-
LETTRES OU LE NEANT
- Le 10/10/2015
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°18 – Novembre 1987.
LETTRES OU LE NEANT - Annick Dusausoy-Benoit, Anne Fontaine, Marie-Claude Urbain, Guy Fontaine. - Éditions Ellipses.
C'est un lieu commun de dire que lorsqu'on est plongé dans le monde du travail et qu'on n'est pas amené par sa profession à entretenir ses connaissances littéraires ou à en acquérir d'autres, non seulement on perd du vocabulaire mais encore on a du mal à conserver le savoir acquis lors des études. D'autre part, on ne peut pas tout lire et notre civilisation des loisirs nous invite plus au voyage, à la fréquentation de la télévision, des jeux vidéos ou de l'informatique qu'à la lecture. La démarche n'est simplement pas la même… Ainsi, rencontrer un auteur à travers son œuvre ou faire soi-même la synthèse de la littérature d'un pays ou d'une époque met souvent en lumière de profondes lacunes qui sont le plus souvent l'invite à abandonner notre quête plutôt que de la poursuivre.
Ce livre de référence, écrit par des spécialistes, comble à tout le moins en partie cette lacune. Les articles vont à l'essentiel,expliquant, commentant et comparant des textes judicieusement choisis avec un constant souci de pédagogie. Il est important de signaler que la parole est aussi donnée aux créateurs qui savent mieux que personne parler du roman, de la poésie ou du théâtre parce qu'ils les pratiquent eux-mêmes. Ils donnent ainsi une approche plus personnelle à cette question. Cela éclaire leur œuvre et ce n'est pas le moindre intérêt de ce livre que de présenter ainsi les choses.
Outre les citations d'auteurs, l'aspect pédagogique du livre est renforcé par la présentation claire et concise de tableaux qui fixent les idées, sans oublier les définitions et explications de termes de rhétorique qui, pour faire partie de langue française n'en ont pas moins fui notre vocabulaire quotidien. C'est une approche originale de l'histoire de la littérature, liant le nom de l'écrivain à celui plus marquant d'un roi, d'un événement historique, ce qui fixe ainsi mieux les choses, comparant des textes en en faisant ressortir l 'originalité, les replaçant dans le contexte de l'évolution historique, montrant ainsi l'influence qu'un temps peut avoir sur la création littéraire et artistique , et de quelle façon l'art, en retour, en porte témoignage.
On en peut pas dire qu'il s'agit d'un ouvrage supplémentaire. Il ne ressemble en effet à aucun autre livre. Ceux-ci en sont bien souvent qu'une compilation de connaissances.
-
FABRIQUÉ A NIORT - MÉMOIRES OUVRIÈRES (W2).
- Le 18/02/2013
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°628– Février 2013.
FABRIQUÉ A NIORT - MÉMOIRES OUVRIÈRES (W2).
Spectacle du vendredi 15 février 2013 par la Compagnie des Hommes.
Je ne suis niortais que d'adoption, je n'ai donc aucune racine ici et pas non plus de famille. J'y suis venu un peu par hasard parce que le travail m'y a amené, il y a bien longtemps et j'y suis resté au mépris d'une promotion qui m'en eût éloigné, pour la qualité de vie notamment... et je ne le regrette pas.
Il y a cependant ici une chose qui m'a frappé et même un peu désolé, c'est l'oubli du passé ouvrier de cette ville. Avant d'y poser mes valises, son nom était pour moi associé à l'angélique et aussi à celui de grandes entreprises qui dépassaient largement le cadre local, c'était Brivin, Marot, Rougier, la chamoiserie... Il y avait, certes, et ce depuis la Libération, les mutuelles d'assurance et, plus tard le secteur bancaire qui s'y étaient développé ce qui permettait à Niort non seulement de limiter la pollution inhérente à la production industrielle mais aussi de générer un niveau de vie et un environnement exceptionnels dont évidemment personne ne se plaignait. On en parlait alors comme d'une "planète", comme "d'une ville à la campagne", c'est à dire comme d'un endroit un particulier, un lieu unique... mais, quand on n'était pas de la région, il était difficile de la situer sur la carte de France.
Niort est donc devenue une ville de "cols blancs" sauf qu'il n'y a finalement pas très longtemps, il y a eu ici un contexte industriel bien implanté mais qu'on s'est dépêché d'oublier, de laisser se dégrader jusqu'à la disparition, sans que la gouvernance locale, pourtant d’obédience socialiste, s'en soit beaucoup ému. Il est vrai que, du point de vue politique, le secteur tertiaire génère moins de mouvements sociaux que le secteur industriel et les heurts sont moins violents. Cette ville s'est donc progressivement enfoncée dans une torpeur qui lui a fait perdre, sans qu'on en parle vraiment, les Transports Brivin, les usines Rougier et différents ateliers de confections et il a fallu, il y a quelques années, la fermeture de la Camif et la dimension médiatique qu'on y a donné pour qu'on prenne conscience véritablement que Niort est une ville comme les autres et que les licenciements et le chômage y existent aussi.
On a du mal actuellement à s'imaginer que cette ville, au XIX° et dans la première moitié du XX° siècle a été industrielle. Il existait ici une forte implantation d'ateliers d'imprimeurs; on y produisait des voitures automobiles, des cycles, des chaussures, des trieurs pour l'agriculture, on y transformait le bois et, bien entendu, et ce depuis longtemps, la chamoiserie faisait vivre toute une population d'ouvriers et de gantières... Pour autant, quand on fait des recherches sur ce thème, on a beaucoup de mal à trouver, même au musée ou dans les bibliothèques, des traces de ce passé laborieux. C'est étonnant car, si on veut bien s'en souvenir, nos parents ou nos grands-parents ont bien souvent été ouvriers ou paysans même dans cette ville ou le secteur tertiaire est désormais roi.
Il était donc urgent de remettre à l'honneur la mémoire ouvrière. Elle nous a été restituée à travers le témoignage de travailleurs maintenant à la retraite qui sont venus nous parler de leur métier, qui nous ont dit combien le travail manuel apportait une valeur ajoutée à la matière, que, grâce à lui, elle devient un objet, un élément qui s'intègre dans un produit destiné à faciliter la vie de l'homme. Ils nous ont montré leurs outils, nous ont parlé de l'amour qu'ils portaient à leurs fonctions, nous ont raconté leur histoire individuelle, leur parcours, la nécessité, parfois, de s'adapter à un nouveau métier ou d'affronter le chômage. Ils n'ont pas manqué de mentionner la nécessité de gagner son pain, la dureté de leur labeur, les relations difficiles avec la hiérarchie et les inévitables "petits chefs", les conflits sociaux, les cadences et le rendement... Mais j'ai aussi entendu le message de cette femme qui a évoqué ses parents travaillant aux usines Rougier. Elle nous a parlé de son père pour qui son métier à l'usine "était toute sa vie" et pour qui la retraite avec son inactivité a été fatale. Elle a évoqué Roger Rougier, cet emblématique patron niortais que ses ouvriers appelaient presque amicalement "Monsieur Roger". Il les connaissait tous individuellement et les respectait parce que, bien souvent, ils avaient été à l'école ensemble. Il savait qu'il leur devait la richesse de son entreprise et avait à cœur de les récompenser. A sa mort, ils lui ont rendu un hommage digne et émouvant. C'est vrai que "les trente glorieuses" ont correspondu à une période de plein emploi, que le patronat a toujours été tenté par la paternalisme mais, à travers ce témoignage, il m'a semblé qu'à l'époque on respectait encore l'ouvrier en tant que personne humaine quand, actuellement, la déshumanisation et le mépris sont la règle et qu'on n'hésite plus, au nom de le rentabilité, à licencier, à précipiter au chômage, dans la précarité et parfois même dans la rue des hommes et des femmes qui ne demanderaient qu'à travailler et à vivre normalement.
Ce qui m'a frappé c'est que cette parole ainsi redonnée à des gens qu'on entend jamais en dehors des revendications salariales ou des grèves a été spontanée, authentique. Certes, il y a eu une mise en scène minimale pour les besoins de ce qui était malgré tout un spectacle et qu'il fallait bien organiser, mais rien n'était vraiment récité. Ces gens n'ont pas délivré leur message comme l'auraient fait des comédiens professionnels et c'est ce qui m'a plu.
©Hervé GAUTIER – Févrer 2013.http://hervegautier.e-monsite.com
-
Land and freedom - Un film de Ken Loach
- Le 01/05/2012
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°572– Mai 2012.
LAND AND FREEDOM – Un film de Ken Loach (1994)
Le film s'ouvre sur la mort d'un homme, David (Ian Art), de nos jour à Liverpool, dans une ambulance.
Sa petite fille, en rangeant les affaires de son grand-père décédé trouve des photos set des lettres qu'il a envoyée pendant sa jeunesse, découvre que ce dernier a combattu pendant la guerre d'Espagne dans les rangs des Brigades internationales comme volontaire anglais. Sa vision du communisme alliée au chômage qui mine l'économie et la société britannique des années 30 le persuadent qu'il n'y a pas d'autre choix pour lui.
Un peu par hasard, après un voyage long et pénible, il se retrouve, avec d'autres volontaires de toutes les nationalités dans les rangs du POUM (Parti ouvrier d'unification marxiste) pour combattre les fascistes de Franco. Il ne tarde pas à faire le coup de feu en Aragon, dans les tranchées où il côtoie des femmes combattantes, mais avec des armes obsolètes et l'une d'elle le blesse. La brigade dans laquelle il combat est non seulement peu armée mais est surtout animée par un idéal politique qui ne convainc pas tout le monde. Il part pour une courte convalescence à Barcelone où il retrouve Blanca (Rosana Pastor), une jeune militante aragonaise qui combattait avec lui et dont il était amoureux. Elle tente de le persuader de se battre dans les rangs de la Milice alors qu'elle découvre qu'il a déjà rejoint les rangs des Brigades internationales, ceux qu'elle appelle « les staliniens ». Elle le quitte tandis que, écœuré par les divisions et les combats au sein du camp républicain, David déchire rageusement sa carte du parti communiste et rejoint sa brigade en Aragon pour assister à la liquidation des trotskystes du POUM qui est déclaré illégal en 1937.
David se forge lui-même son opinion au fur et à mesure que se déroule ce conflit. La discussion qu'ils ont sur la nécessité de collectiviser les terres est révélatrice. Il prend peu à peu conscience non seulement de l'enjeu de cette guerre mais surtout du contexte international. Le POUM fait figure d'extrémiste, ce qui dérange Staline qui recherche surtout la respectabilité sur le plan international. Pour cela on accusera ces combattants de la liberté d'être des traîtres au communisme et même d'être des agents de Franco !
Vidal (Marc Martinez), capitaine de la brigade est un socialiste convaincu qui veut surtout gagner la guerre contre Franco et en cela s'oppose au gouvernement en place. Il est bien conscient qu'en s'y ralliant il obtiendra des armes modernes et efficaces, mais il devra s'y soumettre et ainsi aliéner son idéal. C'est tout le problème du film qui met en évidence les luttes intestines des Républicains qui les ont amenés, tout autant que l'alliance de Franco avec les puissances fascistes, à perdre cette guerre. Cela est mis en évidence dans les discussions qu'ont, dans le village pris aux fascistes, les paysans et leurs libérateurs mais surtout dans la scène ou Blanca est tuée par les troupes républicaines venues recevoir la reddition de la brigade.
Comme toujours Ken Loach prend le parti de filmer les opprimés, les humiliés, les laissés pour compte de la société quelle que soit la forme que prend cette manière d'écraser ceux qui ne peuvent guère se défendre. Si en plus ils sont idéalistes, pauvres, pleins d'illusions et désireux de changer le monde, c'est mieux ainsi et cette Guerre d'Espagne leur a fourni l'occasion de se mesurer à la réalité et à la politique … et d'en être déçus ! Ce n'est pourtant pas un film « documentaire » sur la guerre d'Espagne, nombreux sont ceux qui s'en sont faits les historiens ; il y a somme toute peu de scènes de combat.
Ken Loach ne cesse, dans ses films de dénoncer les compromissions et les lâchetés des hommes face à un idéalisme parfois utopique de quelques-uns. Ce qu'il veut c'est montrer ces hommes qui s'engagent au point d'être capables de mourir pour une idée, un idéal, sont toujours floués, abandonnés par ceux qu'on appelle les élites. Des écrivains contemporains de ce conflit ont contribué, par leurs écrits, à nous donner une vision idyllique de cette guerre, surtout du côté républicain. Il y avait du panache et de la grandeur à se battre pour la liberté d'un peuple attaqué par des rebelles mais la réalité a été bien différente, à cause notamment des dissensions au sein même du camp républicain et de leurs luttes fratricides.
Les dernières images du film montrent les obsèques de David, les anciens combattants communistes présents qui saluent le cercueil sur lequel sa petite-fille verse de la terre d'Espagne que son grand-père avait rapportée.
Ken Loach est un grand témoin de son temps de la société et des hommes qui la composent. .
-
La Feuille Volante à 32 ans
- Le 01/05/2012
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°570– Mai 2012.
La Feuille Volante à 32 ans !
Pendant ces 32 années de parution plus ou moins régulière, j'avais un peu tendance, chaque année, à me réjouir de la continuation de cette chronique. Las, je dois bien me rendre à l'évidence, je n'ai pas réussi à intéresser mes contemporains. Même sa transformation en « blog » et sa publication sur internet n'ont pas suffi à la sortir de l'anonymat. Son existence a toujours été confidentielle.
Au fur et à mesure des années, quand je décomptais le temps de son existence et que je notais une année de plus, j'étais saisi par une sorte de vertige, surtout quand on connaît la durée de vie plus que limitée de ce genre de revue. Cette longévité est sans doute due au fait que j'ai toujours été seul pour en assurer la rédaction et tout le reste, ce qui ne se faisait pas, évidemment, sans imperfections.
Ma vie personnelle cabossée et pleine de bleus a favorisé pendant de nombreuses années la lecture et l'écriture, l'une nourrissant l'autre. Elles m'ont permis de ne pas faire prévaloir ma descente et mon basculement inexorables vers le néant, de supporter les vicissitudes de cette vie. Pourtant, j'avais, à plusieurs reprises [La Feuille volante n° 110-154-187-189-220...], exprimé mes états d'âme et mes doutes à mes hypothétiques lecteurs.
Il est vrai aussi que je ne suis qu'un simple lecteur à qui personne n'a rien demandé et surtout pas son avis sur les livres des autres. J'ai longtemps entretenu l'illusion qu'il pouvait néanmoins intéresser quelques-uns. Je me suis trompé ! D'autre part, je n'ai pas l'obsession de la performance ou du dépassement du nombre d'articles par rapport à ceux du mois précédent. Je pense ne pas avoir de record à battre en matière de nombre de connexions sur mon site, je n'ai pas les yeux rivés sur le compteur censé mesurer l'hypothétique intérêt pour cette chronique, aussi bien cette feuille paraît-elle à son rythme, c'est à dire sans aucune contrainte et en toute liberté puisqu'elle est gratuite et ne comporte pas d'abonnés.
Je m'étais aussi imaginé que cette chronique qui tirait son concept et son nom d'une phrase et d'une idée de Montesquieu [« J'ai mille fois jeté aux vents les feuilles que j'avais écrites »] pourrait contribuer à nouer des liens avec d'autres lecteurs autour d'un livre, d'un écrivain ou d'un film, qu'elle pourrait provoquer des discussions, un échange d'idées... Je ne suis pas un collectionneur d'autographes ni un fanatique des carnets d'adresses et encore moins de la polémique, mais j'avais aussi supposé que mon avis pouvait susciter, de leur part, des réactions ou des courriels. Malgré la convivialité supposée d' internet, je me suis trompé et ce partage qui aurait sûrement été enrichissant n'a jamais vraiment eu lieu. Si peu de lecteurs ont réagi à mes articles ainsi publiés, les auteurs quant à eux ont, au mieux montré leur indifférence, au pire leur mépris. Je précise que j'envoie systématiquement la Feuille Volante aux attachés de presse des éditeurs en espérant qu'ils font leur travail de transmission. Comme l'a très bien et très simplement formulé l'écrivain espagnol Alfons Cervera lors d'un entretien autour de son œuvre « Écrire n'est rien s'il n'y a personne de l'autre côté de cette écriture ». Modestement et à mon niveau, j'ai voulu être cette sorte de miroir des écrivains que j'avais lus ! Il y eu quelques échanges épistolaires rarissimes et que je n’avais pourtant pas suscités, puis, sans aucune raison, plus rien ! J'ai toujours cru, béatement sans doute, que des relations fructueuses pouvaient se nouer entre eux et leurs lecteurs, que certains auteurs affectionnaient ces échanges qui peuvent nourrir leur écriture... Après tout, c'est, en principe pour eux qu'ils écrivent et ils leur doivent leur notoriété et parfois même un peu de leurs revenus. Là aussi je me suis fourvoyé.
Les improbables lecteurs de cette revue peuvent en témoigner, sans être laudatifs et encore moins flatteur, mes papiers ont toujours tenté de rechercher ce qui, dans un roman, pouvait accrocher le lecteur et mériter son attention. Je pars en effet du principe, à cause sans doute de mon expérience personnelle en la matière, que si quelqu'un fait la démarche d'écrire et de publier ses écrits, de se livrer dans ses mots, il mérite de l'attention et, même s'il se met ainsi en situation d'être jugé « par le premier venu », il est en droit d'attendre autre chose qu'une avalanche de critiques gratuites et destructrices. J'ai toujours eu pour règle de ne pas porter gratuitement préjudice à quelqu'un au seul motif que je n'avais pas aimé son ouvrage. Je crois deviner, derrière la couverture d'un livre, tout ce qu'il a demandé d'efforts, d'hésitations, de recherches, de doutes... Même s'il m'est arrivé d'être parfois enthousiaste à la lecture d'un livre, je n'ai jamais ici été ni thuriféraire ni inquisiteur.
La lecture a toujours fait partie de ma vie. Elle constitue pour moi un réel plaisir et cette chronique tire son existence de cette envie irrésistible de répondre à l'invitation d'un auteur, d'enter dans son univers surtout quand celui-ci sert correctement notre si belle langue française. Cette habitude de lire, tout comme ma participation à quelques jurys littéraires m'ont montré que, dans ce domaine aussi, le pire côtoie le meilleur. A force d'accumuler chez moi mes propres tapuscrits, j'ai fini par m'imaginer que, moi aussi, je pourrais faire entendre ma voix et être publié par un éditeur. C'était après tout parfaitement légitime ! Là aussi ce fut un échec à cause de ma malchance proverbiale ou peut-être mon absence de talent. J'avais aussi espéré, un peu naïvement, que cette chronique m'entrebâillerait peut-être les portes de maisons d'édition et favoriserait la publication de mes poèmes, de mes nouvelles et d'un « roman fleuve » auquel pour des raisons personnelles j'attache beaucoup d'importance, le tout a pourtant été refusé par de nombreux professionnels. Las, les sagas ne sont plus à la mode et je n'ai peut-être pas le talent requis. Quant à mes romans policiers, s'ils ont été publiés, ils sont de plus en plus destinés à rester dans mes tiroirs. Et puis, la recherche d'un éditeur n'est, à mon âge, plus vraiment de mise. Hélas !
La Feuille Volante n'a sans doute jamais été un authentique organe de « critique littéraire ». J'en ai bien conscience. D'ailleurs, en 32 ans, on ne m'a jamais sollicité comme intervenant extérieur pour donner mon avis et c'est heureux (J'ai parfois reçu quelques ouvrages en service de presse mais tous les livres que je lis sont empruntés à la bibliothèque municipale). Il m'est, il est vrai, arrivé de la qualifier ainsi dans un but pratique et statistique, parce qu'il fallait bien caractériser son activité. Je ne suis jamais cependant fait d'illusion sur ce qualificatif qui a toujours correspondu pour moi à un abus de vocabulaire. Quand je l'ai créée, en 1980, avec la complicité du regretté Marjan, le dessinateur Arfoll de « La Revue Indépendante » avait spontanément salué cette initiative d'une série de bandeaux que j'ai gardés. Elle était surtout destinée à parler de ceux dont on ne parle jamais, les poètes inconnus et qui avaient toutes les chances de le rester parce que la grande presse en ignorait jusqu'à l'existence. Ceux-là publiaient, souvent à grands frais et avec leurs propres deniers, leurs poèmes qui ne seraient jamais étudiés dans les écoles, dont les recueils circuleraient sous le manteau dans le plus grand anonymat, ou resteraient sur leurs étagères. Par la suite, aimant lire, j'y ai adjoint des notes de lecture dont j'ai, avec le temps, tenté d'améliorer la présentation. Là non plus, il n'y avait pas de volonté « critique ». C'était un peu ce que, au collège, mes professeurs de français successifs avaient tenté, vainement, de me voir rédiger. J'ai peut-être ainsi cherché à me rattraper et ainsi à leur donner raison... avec quelques dizaines d'années de retard ! De plus, l'âge venant, et avec lui la perte progressive de la mémoire, ces articles avaient au moins l'avantage personnel de garder trace de mon avis sur un livre que j'avais lu. Chaque article était donc seulement un jalon dans mes lectures. J'ai quand même épuisé les joies de cette activité et, ce n'est pas là un simple jeu de mot, elle m'a elle-même épuisé ! Je dois donc reconnaître que cette Feuille Volante s'achemine vers sa fin parce que je n'ai plus vraiment le goût de la faire perdurer. Elle continuera sans doute encore pendant quelques temps puis s'arrêtera de paraître sans que personne s'en aperçoive. Elle n'aura guère marqué de son empreinte le « paysage » comme j'ai pu, dans un moment d'inconscience ou de vanité, l'espérer, mais, au vrai, cela n'a guère d'importance.
-
Quelques mots sur le roman picaresque
- Le 12/03/2012
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°558 – Mars 2012
La vie de Lazarillo de Tormes - Anonyme.
Ce livre raconte les tribulations d'un orphelin d'une dizaine d'années dans l'Espagne du XVI° siècle entre Salamanque et Tolède. Pour lui la vie a mal commencé et il est confié par sa mère, veuve, à un aveugle avaricieux et vagadond qui subsistait en récitant des prières, en mendiant et en exerçant une activité de pseudo-guérisseur. L'enfant lui servit de guide mais surtout de souffre-douleur. Il en acquit une expérience particulière qui l'amena à être aussi malin que ce maître qu'il finira quitter pour se mettre au service d'un prêtre ladre et dépourvu de toute charité qui le congédie.
Poursuivant sa quête de mieux-être il se mettra au service d'un écuyer impécunieux et malhonnête qui l'abandonnera à son sort, puis il proposera ses services à un moine qui n'avait que peu de goût pour la vie monastique. Après quelques aventures, il entrera au service d'un bulliste, hâbleur et charlatan qui vendait des bulles papales et surtout les indulgences qui allaient avec à un public populaire et crédule. Le garçon ne manqua pas de s'apercevoir que ce commerce était avant tout basé sur la naïveté de la clientèle mais aussi sur des manœuvres où la supercherie et la dévotion religieuse n'étaient pas absentes. Le garçon finit par rencontrer un chapelain qui le traita passablement et qui lui permit de s'insérer dans la société en devenant crieur public. Enfin, il croisa la route d'un archiprêtre qui le maria avec sa servante et fit de lui un citoyen honnête, même si la lecture de l'épilogue peut signifier que Lazarillo souhaita faire perdurer sa situation, même au prix d'une complaisance conjugale.
Il s'agit d'un écrit anonyme, publié en 1554 à Burgos, mais le style du texte, la richesse du vocabulaire, le respect de la syntaxe, l'analyse des situations et la pertinence des remarques donnent à penser que l'auteur ne peut être qu'un lettré et qu'un homme cultivé. Ce livre fut bien entendu censuré par l'Inquisition et parut en 1573 sous une version expurgée. Des noms d'auteurs sont avancés notamment comme celui de Diego Hurtado de Mendoza y Pacheco[1503-1575], poète et diplomate espagnol, Lope de Rueda [1510-1565] dramaturge et poète espagnol, de même que celui de Sebastien de Harozco[1510-1580] et même celui d'un moine dominicain et professeur de mathématiques Juan de Ortega [1480-1568]. On a même pensé que l'auteur pouvait être un chrétien espagnol vivant en Flandres, à cause de la parenté de Lazaro avec Till Ulenspiegel. Bien entendu rien n'est confirmé.
C'est, en tout cas l'occasion pour l'auteur de se livrer, sous couvert d'un récit facétieux, à une évocation critique de la société à une période que l'Histoire a cependant retenu sous le nom de « Siècle d'Or ». Elle présente Lazarillo comme un jeune garçon sans expérience dont le seul et unique but est de manger mais qui finalement parvient à une certaine aisance matérielle. Le texte s'inspire de la tradition orale populaire et s'inscrit dans un contexte satirique mettant en scène le mendiant, le prêtre avare et l'écuyer(variante de l'hidalgo) ridicule et famélique.
A titre personnel, j'ai toujours été extrêmement intéressé par cette période de l'histoire littéraire espagnole.
Quelques mots sur le roman picaresque.
Le roman picaresque est né en Espagne au XVI° siècle. Cela vient du mot espagnol :« picaro » qui signifie misérable, mais aussi futé, malicieux.
D'aucuns en font remonter l'origine à l'Antiquité et plus particulièrement à Apulée, écrivain d'origine berbère né probablement en 123 après JC et mort vers 170. Son œuvre principale est « L'âne d'or » où le héros, un aristocrate nommé Lucius est transformé par accident en âne et connait différentes aventures parfois burlesques mais aussi malheureuses.
Le roman picaresque se caractérise par une vision critique de la société et des mœurs de l'époque. Sa construction d'une grande liberté permet à l'auteur de faire se succéder sans grande logique des épisodes différents au sein d'un même récit. En ce sens, il diffère des genres littéraires traditionnels comme la tragédie ou le discours qui répondent à des règles de constructions très précises. La peinture sans complaisance de la société implique en effet une liberté totale d'expression. Il s'oppose également au gongorisme, très en vogue au temps des Habsbourg
Le picaro est toujours d'un rang social très bas, constamment aux prises avec la faim, la souffrance et la malchance. En ce sens, il est l'exact contraire du chevalier à la condition et à l'idéal plus élevés. Le picaro est le type même de « l'anti-héros » qui vit en marge et ne recule devant rien pour améliorer sa condition, pourtant il échoue toujours dans cette entreprise. Quoiqu'il fasse, il restera toujours un déshérité !
Pour autant, le picaro qui entre pour survivre au service de différents personnages qui lui sont socialement supérieurs ne manque pas de critiquer son nouveau maître. Il y a donc dans sa démarche une dimension satirique incontestable et même moralisatrice puisque la conduite dévoyée d'un individu se termine souvent soit par un repentir soit par une punition. N'oublions pas non plus que ce genre littéraire s'épanouit à un moment connu pour être « l'âge d'or » de l'Espagne, ce qui en fait un témoignage exceptionnel du point de vue psychologique et sociologique.
Du point de vue style, le texte est souvent rédigé à la première personne ce qui peut faire passer, à tort cependant, le récit pour une autobiographie. Il évoque le parcours aventureux du héros, souvent obligé de changer de maître au gré des nécessités puisque sa seule préoccupation est de survivre, c'est à dire de manger, dans une société dont il semble exclu ou dans la quelle il a le plus grand mal à s 'insérer.
Ce genre littéraire a été illustré notamment par « La vie de Lazarillo deTormes » (1553), récit anonyme, par « Guzman de Alfarache » (publié en deux parties en 1599 et 1604) de Matéo Aleman, par « Las relaciones de la vida y aventuras del escudero Marcos de Obregon » (1618) de Vicente Espinel, par « El buscón » de Francisco de Quevedo. Alain-René Lesage [1668-1747] peut être considéré comme l'héritier français du roman picaresque avec « Gil Blas de Santillane »
-
La méthode Werber
- Le 06/03/2012
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°353– Juillet 2009.
La méthode Werber – Article de Jacques Drillon – Le Nouvel Observateur n°2331 du 9 au 15/7/2009 p 89.
Dans la série « Nous vivons une époque formidable », mon attention a été attirée par l'article de Jacques Drillon. Bernard werber qui n'est pas un inconnu pour cette revue [La Feuille Volante n° 317 – Octobre 2008] avait convié 400 de ses lecteurs à L'institut Océanographique de Paris pour un « atelier d'écriture ».
Personnellement, j'ai toujours pensé [en le vérifiant] qu'une telle activité [l'atelier d'écriture] ressemblait beaucoup à une arnaque et qu'il fallait se garder de tomber dans le panneau. Cela avait pour effet, sinon pour but, d'apprendre aux « stagiaires » ce qu'ils savaient déjà faire, tout en les ponctionnant largement au passage... avec leur consentement et leur satisfaction et surtout en leur donnant l'impression qu'ils sont meilleurs « écrivants », sinon écrivains, qu'avant leur passage dans cet atelier!
C'est peut-être un signe des temps, la preuve que la crise n'est pas pour tout le monde, mais, n'ayant pas été invité et surtout ayant des moyens limités [25 euros quand même pour participer à la séance!], je n'y ai pas assisté et je me suis donc contenté des propos du journaliste.
Si j'en juge d'après le texte du Nouvel Observateur, cette intervention du maître s'est transformée en une opération de promotion personnelle pour un écrivain à succès qui n'en n'a pas vraiment besoin, l'occasion de pratiquer l'autosatisfaction, sorte d'explication de texte de l'auteur lui-même sur ses propres ouvrages, un sondage « in situ » sur l'œuvre... Après tout c'est de bonne guerre, même si les questions posées par werber, si elles l'on effectivement été telles qu'elles sont relatées, ne font pas vraiment preuve d'un sens accompli de l'expression française!
Vient en suite l'objet de la rencontre. Au moins l'auteur met en garde son auditoire et indique que si l'écriture est un plaisir, ce n'est pas une chose facile parce que le travail fait aussi partie du processus[Pourtant, je me m'explique pas sa remarque précisant « l'écriture est un métier de feignant »!], que, même si on est convaincu de son propre talent, le succès ne sera pas forcément au rendez-vous. Il rappelle avec raison que si l'écriture peut être jubilatoire, le livre est souvent un univers douloureux, même si la folie, et même l'audace, font un peu partie du décor et que l'observation du quotidien est finalement une bonne école, que l'inspiration réserve parfois de bonnes surprises à l'auteur lui-même parce que l'imagination reste la plus forte face à la feuille blanche.
Ce sont là beaucoup de banalités, distillées pour un prix manifestement exorbitant, alors que la meilleure façon d'écrire, c'est certes de s'entrainer à le faire, mais surtout de lire les bons auteurs!
En revanche, je ne m'explique pas que l'auteur des « Fourmis » puisse affirmer que « tout roman peut se résumer à une blague » et je ne suis pas bien sûr que les participants aient été capables, avec de tels conseils, d'écrire ensuite leur propre best-seller!
Je suis pour autant d'accord avec Jacques Drillon, une telle intervention à quelque chose d'édifiant!
© Hervé GAUTIER – Juillet 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
-
31° anniversaire de « la Feuille Volante » et « Le rendez-vous de St Pezenne »
- Le 28/06/2011
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°528 – Juin 2011.
31° anniversaire de « la Feuille Volante » et « Le rendez-vous de St Pezenne » - Éditions du Petit Pavé.
Depuis de nombreuses années, j'ai pris l'habitude de signaler à mon hypothétique lecteur la date anniversaire de cette revue devenue « blog », tout en étant étonné d'être encore là. Trente et un ans de parution, cela ne me rajeunit pas et marque ainsi le temps qui passe inexorablement. Cet anniversaire est un non-événement et je serai sans doute le seul à en parler. Cela fait en effet longtemps que j'ai choisi de commenter les œuvres des autres, leurs poèmes, leurs romans ... parce que la lecture est pour moi un plaisir. Mais celui de l'écriture n'est jamais très loin et j'ai souvent envie d'exprimer avec des mots ce que j'ai pensé d' un livre que je viens de refermer, non seulement pour en laisser une trace dans ma mémoire, mais aussi pour le faire éventuellement partager. Il en va de même pour les films, les émissions de télévision, les pièces de théâtre... Je le fais seulement parce que cela m'a plu, m'a ému, mais surtout parce que personne ne me demande rien. Et ce, même si mon avis de simple lecteur, de simple témoin [je ne serai jamais que cela], est indifférent aux personnes qui me lisent... Je ne regrette pas ce choix, il m'a apporté la joie d'échanges épistolaires, la désillusion de quelques déconvenues aussi, mais peu importe !
Alors, pour la première fois et sûrement pour la dernière, et parce que c'est aussi le but de cette revue, je vais parler de mes livres puisque personne n'en n'a rien dit [j'aurais pu le faire sous couvert d'un pseudonyme mais j'aime mieux que les choses soient claires]. Ce n'est pourtant pas dans mes habitudes de parler de moi et c'est un exercice dans lequel je n'excelle pas vraiment. Je vais donc faire une exception.
Tout d'abord ces livres ne sont pas si nombreux parce que j'ai toujours fait prévaloir le plaisir d'écrire à cette auto-flatterie de l'ego qui consiste à avoir son nom sur la couverture d'un ouvrage et ainsi de pouvoir se dire « écrivain ». Et d'ailleurs, j'ai toujours banni ce mot de mon vocabulaire, préférant, pour moi-même seulement, celui « d'écrivassier » dont j'assume et même revendique l'aspect péjoratif.
Je dois dire aussi que l'édition n'a jamais été vraiment une fin en soi, à tout le moins pour moi. Cela explique sans doute le petit nombre de parutions... Et puis, l'âge venant, la retraite aussi, j'ai fini par me décider. Soyons juste, plus jeune et plein d'illusions, il m'est bien arrivé de chercher dans le domaine de l'édition quelqu'un qui me ferait confiance. Ce fut vainement ! Faute de chance, de parrainage, de connaissance du milieu, de talent peut-être ? J'ai donc renoncé, sans pour autant cesser d'écrire, au contraire ! Mes tiroirs sont maintenant pleins de nouvelles, de romans (saga, romans à énigme, poèmes) et, cela me surprend parfois, la recherche d'un éditeur reprend le dessus, mais pour un temps seulement !
Puis internet est arrivé qui m'a permis de mieux faire connaître cette revue, « la Feuille Volante » et d'avoir accès à une liste plus complète d'éditeurs. C'est vrai aussi que, malgré mes démarches, si je n'ai jamais pu intéresser un grand éditeur parisien, ma quête en province ne m'a guère été plus favorable. Pourtant, l'un d'eux (Éditions du Petit Pavé – St Jean des Mauvrets - 49320 Brissac-Quincé www.petitpave.fr) m'a fait confiance une fois et a renouvelé l'expérience cette année. Ce n'est pas (encore ?) la notoriété, mais je lui sais gré de m'avoir non seulement tiré de l'anonymat, mais surtout de m'avoir incité à écrire encore davantage, à faire partager mon écriture. Tout en faisant honnêtement et professionnellement son travail d'éditeur, c'est à dire de « découvreur », il privilégie le livre imprimé, aime qu'il soit d'abord un bel objet. J'ai déjà dit dans cette chronique mon attachement à la forme traditionnelle du livre, l'odeur de l'encre, le grain du papier, le plaisir du toucher ...Et puis ces rencontres, aux solstices d'hiver et d'été où se tissent des liens amicaux dans la « douceur angevine »... Il n'est bien entendu pas le seul à faire ce choix, mais actuellement, avec la politique de profit, de rentabilité, un auteur inconnu ne peut raisonnablement pas espérer que ses écrits soient publiés autrement qu'à ses frais, ce qui est bien souvent pour lui, rédhibitoire. Il faut rappeler une évidence, l'auteur n'est rien sans son éditeur, ils partagent ensemble cette grande aventure qu'est l'écriture et la publication d'un livre.
Après « Un été niortais » paru en 2008, c'est « Le rendez-vous de St Pezenne » qui introduit, à partir de cette année, le cycle des « enquêtes du commissaire Martineau ». Beaucoup d'autres romans de la même inspiration restent encore inédits.
Ce ne sont pas des polars au sens commun du terme, mais des romans à énigme, c'est à dire des fictions policières écrites comme un roman. Je mêle à l'enquête classique sur un meurtre, des descriptions de la ville de Niort (Deux-Sèvres), des évocations, mais aussi de l'histoire locale et parfois des légendes, le Poitou étant une terre à la fois mystérieuse et mythique. Dans ces textes, point de violence, de sexe ou de sang, rien que des démarches psychologiques, des investigations parfois hasardeuses, rien qu'une histoire imaginée et que j'essaie de restituer aussi agréablement que possible. Je suis en effet un lecteur impénitent et je cherche toujours à faire que mes livres soient, pour ceux qui me consacrent un peu de leur temps et aussi de leur argent, un bon moment de lecture !
C'est vrai que je l'aime bien ce commissaire Martineau. C'est un solitaire qui fonctionne à l'intuition, parfois aux fulgurances, mais c'est plus rare. Il est aussi chanceux. Il ne boit que de l'eau minérale ( à condition qu'elle soit d'une bonne année !), roule dans une vieille 4 L et parle volontiers à son chat avec qui il a des conversations le plus souvent silencieuses mais quand même enrichissantes. Il s'est domicilié un peu par hasard à Niort après une longue errance administrative sur le territoire national consécutive à un divorce qu'il n'a jamais vraiment accepté. Il est amoureux des femmes, mais de leur beauté seulement parce que, même s'il voudrait bien que les choses fussent différentes, il reste un solitaire. C'est pour moi aussi l'occasion de faire découvrir à mon lecteur une ville finalement peu connue, dont je ne suis pourtant pas originaire, mais qui, à mes yeux, cache un intérêt certain, pas mal de belles choses. Chaque roman n'est pas pour autant un guide touristique mais un prétexte à une balade niortaise (ou dans les environs – ici le quartier de St Pezenne est à la fois pittoresque et plein de surprises), une découverte, par petites touches, à la fois de la ville, de son histoire, de la culture qu'elle porte.
Il y a d'autres choses, bien sûr, une longue saga, des nouvelles, des poèmes et d'autres romans à énigme, et puis cette « chronique » qui n'en finit pas parce que j'aime dire aux auteurs que je ne connais pas et que je ne verrai jamais tout le plaisir que j'ai eu à les lire.
©Hervé GAUTIER – Juin 2011. http://hervegautier.e-monsite.com
-
LA PROCHAINE FOIS JE VOUS LE CHANTERAI - France Inter- Philippe Meyer
- Le 07/10/2009
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°370– Octobre 2009
LA PROCHAINE FOIS JE VOUS LE CHANTERAI – France Inter - Philippe Meyer – Samedi 12h05 à 13 h.
La radio a toujours été un média qui a eu ma préférence, tout d'abord parce que je n'avais, au départ, pas la télévision [j'appartiens à une génération qui, sans avoir vraiment connu la TSF, n'en a pas moins vécu toute sa jeunesse avec pour seule distraction un poste de radio écouté dans la nuit] et puis surtout parce que parce que j'ai toujours accordé une certaine magie à la seule voix d'un homme (ou d'une femme) sans devoir pour autant mettre un visage sur celle-ci. Mais, comme beaucoup, et je le déplore, je n'écoute plus la radio qu'en voiture.
Le hasard qui gouverne nos vies beaucoup plus souvent que nous voulons bien l'admettre, m'a donné l'occasion, lors d'un déplacement en automobile, d'entendre à nouveau la voix de Philippe Meyer.
J'avoue que je l'avais un peu oublié, celui-là, encore que j'avais toujours dans l'oreille le son radiophonique de sa voix autant que la pertinence et l'humour de ses remarques. Je l'ai donc écouté avec attention tout en me souvenant que, voilà quelques années, cette modeste chronique avait déjà attiré l'attention de ses improbables lecteurs sur une émission matinale que je ne manquai jamais parce qu'elle accompagnait mon trajet vers le travail.
Je reproduis donc ici le numéro 71 de juillet 1991, pour le plaisir de me souvenir qu'à l'époque, je commençais toujours la journée par un sourire.
Juillet 1991
n°71
CHOSES ENTENDUES – (A propos de « Choses vues » - Chronique de Philippe Meyer – 8h45 - France Inter).
Notre pauvre monde ne me réserve sans doute pas grand chose mais franchement peu m’en chaut puisque, comme tout un chacun, je suis, chaque matin abreuvé de nouvelles qui ne sont pas de nature à me faire regarder notre société comme un parangon idéal. Ce ne sont que catastrophes, assassinats, coups d'État, quand l’homme lui-même n’en rajoute pas par un petit scandale, une petite « affaire », une petite magouille… Pour l’heure nous sommes servis !
Il y a bien des tentatives de détournements d’opinion qui voudraient, en braquant habilement le projecteur de l’actualité sur un fait anodin, nous faire oublier le chômage et les injustices en tout genre que génère notre société qui pourtant sert de modèle. Reconnaissons que tout cela ne dure qu’un temps. Heureusement !
Loin des hommes politiques douteux, des journalistes flagorneurs, je suis reconnaissant aux hommes de communication, chroniqueurs de l’audiovisuel et autres échotiers contractuels de me faire commencer ma journée par un sourire. L’humour est en effet la seule arme efficace contre la morosité qui dévore de plus en plus notre vécu qui, bien entendu, n’est pas « sans nous interroger quelque part », pour peu qu’on prenne un peu conscience des réalités.
Ainsi chaque matin, « auditeur sachant auditer », en me rendant à mon travail, ai-je le plaisir d’écouter attentivement la chronique de M. Philippe MEYER, non seulement parce que c’est la seule station (France Inter) qui soit audible sur un auto-radio aussi vieillissant que mon automobile, mais encore parce que ses remarques pertinentes et humoristiques viennent frapper mes tympans au moment précis où mon véhicule s’immobilise sur la chaussée, victime des encombrements coutumiers.
Je lui suis reconnaissant, dès le matin, de nous faire voir la face cachée de notre société ou, à tout le moins de nous la présenter sous un jour plaisant, ce qui chasse du même coup et pour un temps les préoccupations des embouteillages, du trou de la Sécu et des délices incomparables de la rédaction de notre déclaration de revenus !
Vous me croirez si vous voulez, mais quand j’entends, à 8h45 et malgré les grésillements du susdit (auto-radio), sa voix monocorde annoncer « Heureux habitants de la Charente et des autres départements français », c’est plus fort que moi, cela me fait sourire et je tends l’oreille. Le monde est ainsi fait maintenant que l’humour pour moi prend le pas sur les choses qu’on dit sérieuses et j’ai de plus en plus envie, à l’invite de ce chroniqueur « matutinal » de poser sur le décor qui nous entoure un regard amusé, gage d’un certain art de vivre. A force de l’entendre dire chaque matin que « nous vivons une époque moderne », je vais bien finir par en être persuadé.
J'ai passé un bon moment en sa compagnie et, grâce à lui, j'ai découvert un chanteur italien, Gianmaria Testa, qui, je pense, va m'intéresser.
-
DÉSOBÉIR : Aristide de Sousa Mendes
- Le 13/06/2009
- Dans Réflexions
- 3 commentaires
N°345– Juin 2009
DÉSOBÉIR : Aristide de Sousa Mendes – Téléfilm de Joël Santoni - France 2 vendredi 12 juin 2009 – 20H35.
La sélection du programme pour une soirée de télévision du vendredi soir se fait souvent au hasard. C'est vrai qu'il fait partie de notre vie beaucoup plus que nous voulons bien l'admettre, mais c'est là un autre débat. Me voilà donc devant mon écran avec le choix entre des émission de variété plus ou moins enthousiasmantes, des séries télévisées et des débats...Le hasard a décidé pour moi. Heureusement!
« Désobéir ». Le titre lui-même est tout un programme. Ce mot évoque à la fois des relents d'enfance et de tentations d'adultes, mais là, le scénario est différent. L'action d'abord: la France de 1940 face à la défaite militaire, à l'exode des populations civiles, à la perte de ses repères culturels, religieux, civiques, patriotiques, à la peur du nazisme qui déferle sur le sol national et précipite l'Europe dans le chaos. Dans ce genre de circonstances, l'individualisme, l'égoïsme, la lâcheté... ressortent plus forts encore que dans le quotidien ordinaire et chacun est prompt à faire prévaloir son propre intérêt, sa propre survie sur ce qu'en d'autres temps on nomme, avec quelque emphase « l'intérêt général ». Face à ces circonstances exceptionnelles, on fait facilement taire des aspirations auxquelles, en d'autres circonstances peut-être [ou peut-être pas], on aurait prêter une oreille attentive. Après tout l'attention portée à sa propre personne est une cause recevable.
Le personnage ensuite. Aristide de Sousa Mendes, consul de 1° classe du Portugal à Bordeaux campé par Bernard le Coq [décidément omniprésent sur notre petit écran en cette période] est bouleversant de sincérité même si cela, par moment, frise un peu l'angélisme. Il représente son pays, certes dirigé par un dictateur, Salazar, mais neutre au regard du conflit mondial. Du coup, toute la population susceptible d'être exterminée par les nazis [Juifs, républicains espagnols, communistes, réfugiés... Ceux qu'on appelait « les indésirables »], souhaite obtenir un visa pour le Portugal. Devant le consulat de Bordeaux, comme ailleurs en France, on fait la queue pour obtenir ce précieux sésame pour la liberté, pour la vie aussi!
Les sympathies de Salazar pour le nazisme inclinent celui-ci à interdire à sa représentation diplomatique à l'étranger de délivrer ces fameux visas. Le cas de conscience de Mendes de Sousa est simple, au moins dans sa formulation, lui, le chrétien, l'humaniste, mais aussi le haut fonctionnaire, représentant d'un Etat auquel il doit, bien entendu, une obéissance sans réserve, peut-il passer outre la circulaire (circulaire n°14) qui lui enjoint de refuser l'accès de son pays à ces pauvres gens et ainsi de les précipiter dans la mort alors que sa conscience l'oblige à désobéir à des ordres qui ne sont pas certes illégaux, mais immoraux et inhumains? Après tout il est payé pour obéir, pour être loyal... c'est ce que lui rappelle son premier secrétaire [Roger Sousa est convainquant et émouvant dans son rôle de fonctionnaire, fidèle au début, et qui finit par se laisser convaincre par l'humanisme du Consul]. Après tout, il appartient à une grande lignée de l'aristocratie portugaise, il est diplomate, père d'une nombreuse famille aux soins de laquelle il veille jalousement et pourrait faire prévaloir la fidélité à son pays. Il pourrait aussi mettre en sommeil cette morale chrétienne qui lui sert de boussole mais qui, par ailleurs, ne lui provoque aucun état d'âme quand il fréquente une maîtresse qui va lui donner un enfant. Il pourrait parfaitement camper sur cette position assez hypocritement confortable et décider de faire ce à quoi il a dédié sa vie d'agent de l'État et obéir aux ordres sans se poser toutes ces questions que les circonstances font naître.
Ainsi, après une rencontre [peut-être imaginaire] avec un rabbin avec qui il disserte longuement sur le message de paix contenu dans le Talmud et l'Évangile, et après une réflexion personnelle qui fait blanchir prématurément ses cheveux [on imagine ainsi la violente tempête sous ce crâne], il décide pour lui-même, mais aussi pour sa famille [parce qu'après tout il n'engage pas que lui dans cette affaire et on conçoit facilement que Salazar ne restera pas indifférent à cet acte de sédition] d'être en accord avec sa conscience. Pourtant il pouvait légitimement penser que ce dictateur, par l'éducation chrétienne qu'il a reçue, ne pouvait que partager son engagement.
Après avoir délivrer des visas en pleine connaissance de cause, il rentre chez lui , au Portugal, bien décidé à affronter, peut-être un peu trop inconsciemment, la justice de son pays. Il se bat pour faire reconnaître sa bonne foi, rappelle que son attitude ne lui a été inspirée que par l'idéal chrétien dont se recommande aussi Salazar et que, de toute manière, son action était parfaitement conforme à la constitution de son pays. Le dictateur souhaite au contraire que ce procès n'ait qu'un caractère administratif, mettant l'accent sur la seule désobéissance et non pas ce pour quoi il a désobéi. Le jugement rendu prend en compte les aspirations humanistes du Consul et lui est, d'une certaine façon, favorable, mais, c'est oublier que le chef d'un état totalitaire ne peut admettre la désobéissance. Par ordre suprême, Il est donc radié à vie de toute fonction publique, privé de ressources et condamné à une mort à petit feu, lui et sa nombreuse descendance. Il n'est donc plus qu'un fantôme qui attend la mort et qui n'est même pas autorisé, comme il le souhaite, à s'expliquer devant le chef, pour plaider sa cause. Pendant des années il devra supporter des attentes vexatoires dans ces antichambres du palais présidentiel et finira par mourir, abandonné de tous, inconnu, ruiné et oublié. Il faudra attendre le retour laborieux à la démocratie pour que sa mémoire soit réhabilitée. Ce film y contribue heureusement!
Cela n'empêchera pas Salazar, à la fin de la guerre, de se prévaloir de son rôle dans l'accueil des Juifs fuyant le régime nazi, volant ainsi à Mendes de Sousa son engagement humanitaire et chrétien.
Ils furent nombreux ces hommes et ces fonctionnaires, à cette époque notamment, qui ont dû choisir entre ce à quoi les obligeaient leurs fonctions et ce que leur dictait leur cœur et ainsi donner un autre sens à leur « devoir ». Cette chronique [La Feuille Volante n° 323 – Février 2009] s'est fait l'écho de l'hommage rendu à l'un d'entre eux, également oublié de l'histoire décidément un peu trop sélective et parfois même amnésique.
Je trouve plutôt bien que ce soit le Service Public, dont on souhaite apparemment la disparition actuellement, qui soit à l'origine de cette réhabilitation.
©Hervé GAUTIER – Juin 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
-
DICTIONNAIRE DES MOTS RARES ET PRECIEUX
- Le 13/04/2009
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
DICTIONNAIRE DES MOTS RARES ET PRECIEUX - Domaine français- dirigé par Jean Claude Zylberstein - Collection 10/18.
J'ai peu l'habitude de donner mon avis sur un dictionnaire, mais celui-ci me paraît original et mérite l'attention du "lecteur". C'est en effet un ouvrage que j'ai consulté avidement, autant pour enrichir mon vocabulaire que pour goûter les délices de notre langue et ce d'autant plus volontiers que nous perdons chaque jour malgré nous et par le non-usage des mots français au profit de termes étrangers que notre langage assimile aussitôt. Certes, c'est bien puisque notre langue ainsi évolue (c'est en cela qu'elle est une langue vivante) grâce aux apports extérieurs.
J'ai toujours été frappé par le fait qu'à chaque édition d'un dictionnaire, celui-ci fait la même épaisseur que le précédent alors qu'il comporte des ajouts de mots. Pour cela il est évident qu'il faut en sacrifier d'autres et que ces derniers ne peuvent être que des mots anciens, c'est à dire rares et relativement peu usités. Le plus souvent les mots rajoutés sont nés du "franglais", ce qui est bien triste mais je crois me souvenir avoir entendu de la bouche d'un éditeur que le rôle d'un dictionnaire est actuellement non pas tant de conserver la langue dans sa pureté originelle que d'en expliquer les mots nouveaux pour qu'ils soient compris de tous, même si pour cela il faut consentir à des sacrifices.
Cet ouvrage me paraît donc venir utilement combler le vide ainsi creusé par les éditions successives des dictionnaires.
Et puis il y a le plaisir d'apprendre et de découvrir. Qu'est-ce donc qu'étriver, qu'une gradine, qu'un moisement, qu'une panneresse ou qu'un récibion? Tous ces mots venus d'un passé lointain, souvent technique ont conservé, par cela même qu'ils n'ont pas été mâtinés une fraîcheur et une musique dont il serait dommage de se priver.
Ne vaut-il pas mieux préférer le mot juste à une périphrase peu élégante? Par exemple "Echampir" pour dire imiter le relief des objets en en soulignant les contours ou "dévoler" pour indiquer qu'on a fait de mauvaises affaires. C'est peut-être quelque peu désuet mais ô combien évocateur même si cela peut paraître pédant!
C'est vrai que "la richesse de notre langue fait qu'un grand nombre de mots nous sont pratiquement inconnus" mais il est également vrai de constater que "notre langage est en perpétuel mouvement, soumis sans cesse au flux et au reflux qui tour à tour masquent et découvrent tel ou tel secteur."
En tout cas, pour ma part, je suis disposé à poursuivre avec plaisir ce merveilleux voyage au pays des mots qui sont aussi le véhicule de la poésie.
-
RAINING STONES – Un film de Ken LOACH.
- Le 06/04/2009
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°174
Novembre 1993
RAINING STONES – Un film de Ken LOACH.
L’histoire (si tant est qu’on puisse appeler cela une histoire puisqu’elle est de tout temps, se répète à l’infini et se nomme chômage, misère…) se déroule en Angleterre de nos jours. Nous voyons deux travailleurs anglais, sans travail, bien que «travaillistes », Bob et Tommy, tous les deux pères de famille, qui cherchent de bonne foi un emploi. On comprend très vite qu’ils n’en trouveront pas parce que le système est ainsi fait, qu’il joue contre eux et prospère sur leur dos. D’emblée, ils nous sont sympathiques parce que de bonne volonté. Bob se fait tour à tour égoutier, videur de boîte de nuit mais peu chanceux ou trop honnête, se retrouve sur le pavé. Pire, quand la chance semble lui sourire, on le prend pour un bénévole ou on l’expulse parce qu’il refuse le système… Pourtant le Père Barry lui dit que «tout homme a droit au travail et ne doit pas être critiqué s’il n’en trouve pas ».
Avec Tommy dont la gouaille camoufle mal le désespoir, Bob se fait voleur de mouton, déracineur de green anglais, mais tous ces larcins ne parviennent pas à nous les rendre antipathiques, bien au contraire. Ces entreprises se révèlent être un fiasco au point que Bob se fera voler sa camionnette qui représente pour lui un travail potentiel. Sans le savoir, c’est peut-être à tout ce qui fait l’Angleterre de toujours qu’ils s’attaquent : le mouton et le gazon ! Mais ils cherchent toujours et sans relâche, refusant cependant la spirale de la drogue et de l’alcool qui, là-bas comme chez nous frappe même les enfants. C’est qu’ils veulent garder leur dignité malgré tout !
Il y a autre chose Tout tourne autour d’une robe de communion que Bob veut offrir à sa fille Coleen, sa Princesse. Il est chômeur, certes, mais aussi catholique pratiquant et n’entend pas que sa fille soit plus mal vêtue qu’une autre ce jour-là. Alors il s’endette, jusqu’à menacer l’équilibre déjà précaire de son foyer, ment à sa femme sur l’origine de cet argent et refuse l’offre généreuse du Père Barry « L’école prête des robes…Personne n’en saura rien » Le simple fait que lui et son épouse le sachent suffit à lui faire refuser. Sa fille aura pour ce jour tout ce qu’il y a de mieux et ce sera une fête pour tous, immortalisée par une photo. Coleen gardera la robe en souvenir.
Bob veut garder sa dignité qui le fait demeurer un homme. On sent bien que sans elle il glisserait sur la planche savonnée par la société, il serait tout juste une loque ravagée par la drogue et mangée par l’alcool. Si on le voit boire, c’est pour trouver le courage d’aller régler son compte à l’usurier qui représente pour lui plus qu’un danger. Si celui-ci met ses menaces à exécution, c’est sa raison de vivre qui disparaît… On craint le pire et le fragile équilibre risque d’être rompu définitivement.
Il y a plus. Ce film sur la misère au XX° siècle est une photographie exacte et sans complaisance d’une société en pleine décadence qui refuse aux plus démunis de ses membres la survie élémentaire. Un tel système ne peut, en effet, durer et prospérer sur l’exclusion de certains de ceux qui la composent. Chacun y joue son rôle, semble nous dire Ken Loach, et quand l’usurier trouve la mort, par le truchement involontaire de Bob, les choses reviennent à leur vraie place, la morale remporte la victoire, il y a enfin une justice, et singulièrement elle vient du Destin, de Dieu qui prend ici les traits sympathiques du Père Barry qui comprend, conseille et pardonne quand Bob s’accuse du meurtre de l’usurier(«c’était juste un accident »lui dit l’homme d’Eglise) C’est tout juste si Bob n’a pas été le bras justicier de Dieu et c’est sans hésiter que le bon curé lui donne l’absolution et la communion. Il n’a pas d’argent, mais ses paroles s. Ken Loach a bien fait les choses en donnant au Père Barry le rôle que doivent avoir bien des prêtres catholiques dans ces banlieues ouvrières, bien loin de l’alliance classique de l'Église et de l’argent.
Bob et Tommy sont tout en nuances et en émotions malgré leur côté désespéré. C’est Tommy qui pleure tout seul après avoir reçu l’argent de sa fille, c’est l’histoire de cette cité qu’on apprend par les yeux de ses habitants… Quelques mots, quelques images, on a compris et cela suffit !
Il y a autre chose et c’est une gageure. Le rire accompagne les deux hommes qui veulent à tout prix garder le moral. La gouaille et l’humour parfois décapant colle à leurs tentatives. Seule l’intrusion de l’usurier nous fait peur, mais le talent de Ken Loach est là pour maintenir cet humour où la dérision le dispute parfois au suspense. Quand la police qu’il ne fréquente guère vient chez Bob après la mort de l’usurier, on comprend qu’il détourne les yeux de l’objectif du photographe. On sent la fin, le dénouement l’éclatement de cette famille qui est tout pour lui. Que nenni ! C’est pour lui annoncer que sa camionnette volée a été retrouvée ! Quand Bob parle de Dieu à sa fille, comme le Père Barry le lui a demandé, il est drôle et émouvant parce qu’il se trompe, en oublie et tente vainement d’expliquer avec des mots un mystère qui le dépasse.
Ce qui fait que ce film est vrai et bouleversant, c’est sans doute que les acteurs n’ont pas eu beaucoup à se forcer pour camper les personnages. Ils sont ces personnages, on le sent. Alors, film politique, oui, et après. Il est l’image de la société anglaise après l’aire Tatcher. C’est en tout cas un film de référence (et à petit budget), une grande œuvre authentique !
© Hervé GAUTIER.
-
Voltaire et l'affaire Calas - Vendredi 23 janvier 2009 - ARTE [Francis Reusser].
- Le 29/03/2009
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
Voltaire et l'affaire Calas – Vendredi 23 janvier 2009 - ARTE [Francis Reusser].
Programmer une émission où Voltaire tient la vedette ne peut qu'améliorer la sacro-saint audimat. Les statistiques importent peu puisque le personnage ne laisse jamais indifférent. Il incarnera toujours l'esprit français volontiers frondeur et rebelle, même si on lui a, avec le temps, fait dire des choses qu'il n'a jamais dites. Le « voltairianisme » est plus qu'un mot passé dans le langage courant. Il incarne un esprit d'incrédulité, voire d'irrespect, au regard de la religion. Il est aussi un génial polémiste, un écrivain doué, un libertin, un bon vivant...
Il reste que sa volonté « d'écraser l'infâme », comprenons, combattre l'intolérance du catholicisme et du fanatisme religieux en général, ne s'est jamais démentie. En digne acteur du siècle des Lumières, il considérait en effet qu'il ne pouvait y avoir de progrès et de civilisation pour l'humanité sans la nécessaire tolérance. C'était, à ses yeux, ce qui manquait le plus à cette religion, qui, par ailleurs, à travers les institutions et la morale, entendait régir la vie des Français et surtout asservir le peuple en s'alliant aux puissants et en se servant d'un Dieu au nom de qui ses représentants sur terre était censés parler.
C'est dans ce contexte que Voltaire, à près de 70 ans et alors qu'il est exilé à Ferney, c'est à dire loin de Paris, choisit de réhabiliter Jean Calas, roué vif après avoir été accusé sans la moindre preuve d'avoir assassiner son fils qui voulait se convertir au catholicisme. L'occasion était trop belle pour qu'il la laissât passer puisque cette affaire avait pour cadre la très catholique Toulouse et que Jean Calas avait le malheur... d'être protestant! La cause avait quelque chose de grand, elle était de celles qui transcendent ceux qui la défende, surtout quand ce n'est pas gagné d'avance. Ce sera d'ailleurs le prélude à d'autres défenses peut-être moins retentissantes, mais tout aussi importantes [Sirven, La Barre, Montbailli, Lally-Tollendal].
Ce que je retiens de ce télé-film, c'est certes cette erreur judiciaire heureusement combattue par Voltaire, mais c'est aussi l'ambiance de Ferney. A l'époque Voltaire y a recueilli une descendante lointaine et hypothétique du grand Corneille, Marie, dont elle ne porte que le nom. Qu'une jeune fille, inculte et surtout inexpérimentée se retrouve ainsi dans la demeure d'un vieillard tel que lui a de quoi inquiéter. Mais, pas du tout, notre homme a résolu de la marier et pour ce faire a commencé un commentaire de Corneille qu'il souhaite vendre par souscription et ainsi lui constituer une dot. Ce mariage se fait, malgré les réticences un peu feintes du philosophe et sa volonté de modeler l'esprit de sa pupille devenue véritablement sa fille.
Je parlais de l'ambiance. En voyant ce film, j'ai repensé à un livre [La Jeune fille et le philosophe – Frédérique Lenormand] qui a fait l'objet d'un commentaire élogieux dans cette chronique [La Feuille Volante n° 290 - Janvier 2008]. J'ai retrouvé avec plaisir l'esprit virevoltant de Voltaire que Claude Rich incarne merveilleusement [je l'imaginais cependant avec un visage plus amaigri, plus marqué par l'âge] mais aussi l'impertinence « acquise » de Marie Corneille. Fut-elle véritablement l'inspiratrice de ce combat en faveur des Calas? Pourquoi pas. En tout cas, j'ai passé une bonne soirée.
©Hervé GAUTIER – Janvier 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
-
Droit d'inventaire – France 3 – Diffusion mercredi 28 novembre 2007 – 20h50.
- Le 29/03/2009
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
°285– Novembre 2007
Droit d'inventaire – France 3 – Diffusion mercredi 28 novembre 2007 – 20h50.
Je ne suis pas un fan de la télé, tant s'en faut, et cette revue a été créée avant tout pour parler des livres et plus généralement de la culture. D'autre part, devant la mise en place par les médias d'une information de plus en plus tronquée et partisane, de la télé-réalité, du déferlement de violence à travers les séries américaines et les fadaises que le petit écran distille à longueur de soirée, un magazine qui parle de notre histoire, à un heure de grande écoute, c'est à dire pas trop tard, ne pouvait qu'être le bienvenu. Présenté par une jolie femme, ce qui ne gâte rien, il ne pouvait qu'être une invitation supplémentaire à m'installer devant mon récepteur. Je n'avais pas vu le premier numéro mais celui-la, consacré à Libération, cette page de notre histoire bien souvent occultée, retenait mon attention.
J'ai apprécié que Marie Drucker invite Max Gallo qui a posé sur cette période un regard d'historien et de critique, et l'a fait avec tout l'humanisme et toute l'humanité que nous lui connaissons. Le principe de cette émission était donc de revisiter la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Elle a abordé des thèmes récurrents et pas vraiment nouveaux, comme « les camps de la mort », la rafle des juifs ou la fuite des criminels nazis, sauvés par ceux-là mêmes qui les combattaient pendant la guerre et, en cela, elle n'a, à mon sens, pas apporté un éclairage nouveau à ce que nous savions déjà. Les alliés connaissaient l'existence des « camps », n'ont rien fait pour arrêter cette entreprise de destruction, les Américains ne voulaient pas faire « une guerre pour les juifs », Paris n'était pas un objectif militaire et il a fallu toute la détermination du Général Leclerc pour que la capitale fût libérée par des troupes française, les résistants du Vercors ont bel et bien été sacrifiés. On le savait certes déjà, mais une piqûre de rappel ne fait jamais de mal. En revanche il y a des idées reçues qui ont la vie dure, comme cette légende tissée par Von Choltitz lui-même autour de sa personne et corroborée peut-être par le roman de de Lapierre et Collins et par le film éponyme qui en a été tiré et que chacun a vu au moins une fois. Il aurait été ce général qui aurait pris le risque de désobéir à Hitler que pourtant il vénérait et qui aurait ainsi été le sauveur de Paris. Il a pourtant été un criminel de guerre, boucher de Sébastopol qui, s'il en avait eu les moyens, aurait fait subir à Paris le sort des capitales étrangères sous la botte allemande. Cela lui a valu d'échapper au tribunal de Nuremberg et, après quelques années de détention dans une quasi-prison, de couler un retraite paisible avec sa famille et d'avoir, ironie de l'histoire, les honneurs militaires à ses obsèques!
De même, les films d'Alphonse Mahusier avaient longtemps été cachés. Ils ont eu le mérite de porter témoignage du quotidien de la Résistance. C'est là un document précieux.
Mais ce qui a retenu mon attention et que cette émission n'a pas oublié, c'est ce qui a longtemps été un tabou, tout juste évoqué avec une certaine gêne par les historiens ou les simple citoyens, ces femmes tondues à la libération pour avoir seulement fait de la collaboration horizontale, c'est à dire d'avoir couché avec des Allemands. Là aussi, comme lors de «l 'épuration », la justice dite populaire a été expéditive et surtout dénuée de jugement, d'instruction et pressée d'en finir en évitant surtout de chercher à comprendre, animée seulement par un désir de vengeance qui n'allait pas au-delà d'un humiliation publique [mais quand même!] et avait l'avantage de n'être pas, en apparence seulement, définitive. Il valait mieux ne pas savoir ce qui animait ces exécuteurs d'un jour, peut-être la volonté d'humilier les plus faibles, l'aveuglement, la jalousie, le désir de donner le change et de dissimuler par ce geste spectaculaire et sans danger une attitude pas très glorieuse tout au long de cette guerre, le désir de se racheter peut-être parce qu'ils n'avaient pas été des héros quand il le fallait, celui de s'affirmer en tant que mâle, montrant d'autant plus facilement autorité et puissance qu'ils ne risquaient plus rien, assouvissant peut-être une vengeance personnelle de celui qui avait été éconduit par celle-la même qu'il était en train de tondre.
Un des moments forts de cette émission, à mon sens, fut de faire témoigner une de ces femmes qu'on ne voyait d'ordinaire que sur la pellicule. Elles n'ont pourtant pas trahi, pas dénoncer mais leur seul tort avait été d'avoir eu un amant allemand. Elles ont ainsi expié individuellement et publiquement ces années d'occupation. Elles ont parlé par la voix de l'une d'elles enfin sortie de l'anonymat et ont ainsi recouvré leur fierté, leur honneur, tant il est vrai que la plupart d'entre elles ont vécu le reste de leur vie prostrée dans le silence et la honte au point de taire cet épisode à leurs propres enfants.
Un autre moment fort fut également celui où une femme, fruit des amours proscrites entre un Allemand et une Française, est venue parler, avec émotion, de sa vie, des non-dits, de l'exclusion qu'elle a dû subir jusque dans sa propre famille, de la volonté des siens de lui faire payer à elle qui n'y était pour rien, une faute qu'elle n'avait pas commise.
Plus généralement cela illustre cette face cachée de la condition humaine, la part d'ombre de chacun d'entre nous, faite tout à la fois d'envie, de lâcheté, de petitesse et il fallait bien que ce fût l'émission d'une femme pour qu'ainsi ces pauvres femmes tondues soient réhabilitées et que tombent peut-être les tabous de cette période.
-
Monsieur Zinedine Zidane - Une sortie très honorable.
- Le 29/03/2009
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°256 Juillet 2006
Monsieur Zinedine Zidane – Une sortie très honorable.
Que mon improbable lecteur me pardonne, mais l’actualité me fait réagir comme tout le monde et je me permets donc de sortir du créneau que j’ai moi-même choisi pour cette revue qui se veut littéraire. Je veux évidemment parler du geste de Zinédine Zidane.
Quelques remarques d’abord. J’ai fait, il y a bien longtemps mes humanités, comme on disait alors, et dans les textes, on faisait l’éloge des champions grecs et latins que la victoire aux jeux, du stade ou du cirque, consacrait à l’égal des dieux. A l’époque, je me souviens m’en être étonné. Je me rassure aujourd’hui, notre époque est semblable et nous n’avons rien à envier aux romains qui réclamaient « du pain et des jeux ».
Mais j’en viens à mon propos et je veux apporter ma part de réflexion à ce qui a été un événement national. Zidane avait fait part de son intention de quitter la compétition après cette coupe du monde et chacun d’y voir un heureux présage, une deuxième étoile d’or sur le maillot bleu, une consécration pour notre héros national, la coupe du monde revenue chez nous… Au lieu de tout cela, tout à fait autre chose, un joueur expulsé, un peu désabusé, regagnant seul les vestiaires, passant sans le regarder devant le trophée doré qu’il ne brandira pas, à dix minutes de la fin du match…preuve que rien n’est jamais écrit à l’avance et qu’Aragon avait bien raison de proclamer « Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse ni son cœur, et quand il croit ouvrir les bras son ombre est celle d’une croix, sa vie est un étrange et douloureux divorce… »
Nous connaissions un peu l’homme, parce qu’il s’était, à l’occasion, dévoilé au cours de sa vie publique. Il avait lui-même parlé de sa part d’ombre… mais nous garderons tous l’image de ce dieu du stade, adulé et célèbre à la fois pour son talent mais aussi pour son esprit de tolérance, sa simplicité, son calme, ses qualités humaines. C’est pour tout cela que nous l’aimons. Mais voilà que sa part d’ombre est réapparue en pleine lumière, et devant les caméras de télévision du monde entier… Et chacun de déplorer la chute de cette icône, la statue du commandeur qui devient subitement impulsive, c’est à dire humaine, tout simplement !
Zidane s’est expliqué et alors les choses se sont éclairées. Materazzi, l’a insulté par trois fois pendant le match, s’en prenant à ce qu’il a de plus précieux au monde, sa famille. Au passage, le joueur italien a bien opportunément oublié les sacro-saintes valeurs du sport, celles qu’on enseigne aux enfants et qu’on répète à l’envi. Le but du jeu, si je puis dire, était de déstabiliser Zidane pour le faire expulser du terrain et ainsi priver l’équipe de France de son meneur de jeu. Cela a fonctionné ! Et chacun de s’étonner que cela puisse se produire sur un terrain de football, à ce niveau de compétition. Ce déplorable incident a donc été aussi un révélateur. Malgré toutes les idées reçues, toutes les valeurs dont nous aimerions bien qu’il fût porteur, le monde du sport n’est ni meilleur ni pire que les autres, il en est l’exacte réplique, le miroir. Il est très précisément semblable au monde du travail où la compétition est quotidienne, la réussite est la règle incontournable sinon l’unique but, même s’il faut pour cela déstabiliser l’autre, l’écraser pour prendre sa place et ainsi le détruire… Tout cela pour l’illusoire impression de la reconnaissance, de la valorisation personnelle.
Zidane a résisté aux lazzis de l’Italien et tout à coup a craqué, parce que sa réaction a suivi les provocations. Le dieu est tout à coup redevenu humain, ce qu’il n’a jamais cessé d’être, en réalité : un homme qui a su faire passer son honneur avant son intérêt et qu’il l’a défendu.
On peut dire ce qu'on veut de ce geste et Zidane s’est excusé auprès des enfants qui sont ses meilleurs supporters parce qu’il est leur modèle. Il a précisé toutefois, qu’il ne le regrettait pas parce que cela aurait été donner raison aux provocations. Eh bien, je n’ai pas peur d’affirmer ici qu’il est effectivement un modèle pour nous tous, celui d’un homme qui n’a pas eu peur de briser publiquement son image et aussi peut-être nos rêves de victoire parce qu’on avait porté atteinte à son honneur et à celui de sa famille ! Le geste de Zidane est peut-être un mauvais exemple pour les jeunes, mais pour nous, adultes, je proclame ici qu’il y a de la noblesse dans cette réaction.
Même si ce n’est pas exactement ce que nous attendions tous, c’est une très honorable sortie que celle de Zidane et son geste mérite admiration et respect.
© Hervé GAUTIERhttp://monsite.orange.fr/lafeuillevolante.rvg