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la feuille volante

Cinéma américain

  • Un été 42

    La Feuille Volante - N° 2014 – Septembre 2025.

     

    Un été 42 – Un film de Robert Mulligan (1971)

     

    J’ai revu avec émotion et nostalgie ce film non seulement parce qu’il évoque une période d’un autre temps qu’actuellement, celui de l’adolescence où on découvrait le monde des adultes avec la honte de demander et l’émerveillement de gauchement découvrir les filles face aux copains qu’on rendait jaloux en n’oubliant pas de se vanter de choses qu’on n’avait jamais faites.

    C’est un bout d’histoire de trois copains puceaux, Herbert, Oscar et Bernard en vacances sur l’île de Nantucket dans la Massachussetts où il n’y a pas grand chose à faire en cet été de 1942, qui passent leur temps à se charrier, à se bagarrer, à regarder les filles en se lançant des défis, à fantasmer sur les dessous féminins qui sèchent dans le vent de mer, qui tentent d’apprendre l’amour dans un livre volé aux parents de l’un d’eux parce que leurs hormones les tracassent et que leur virginité les encombre, qui accompagnent chacune de leurs tentatives forcément gauches par des fanfaronnades et des accords d’harmonica. Tout cela se passe dans l’unique cinéma où on flirt maladroitement, dans les dunes où on grille des marshmallows et où on tente sa première expérience. Un peu par hasard Herbert, 15 ans (Garry Grimes), rencontre la belle Dorothée (Jennifer O’Neil) que nos garçons observaient de loin dans sa maison isolée et dont le mari est parti à la guerre. Il s’approche timidement d’elle, lui parle, lui rend de menus services, fait quelques pas troublés dans sa vie et en tombe follement amoureux. Elle le fascine, il la respecte mais la désire secrètement, n’a plus d ‘yeux que pour elle et ses vacance, ses copains, les filles de son âge n’ont plus la même chaleur.

    L’adolescent est bouleversé par cette rencontre d’autant que Dorothée laisse la trace de son rouge à lèvres sur son front quand ses copains, surtout Oscar (Jerry Hauser) cherchent à relever ce défi avec une de ses copines. C’est la rencontre d’univers différents, celui des adultes fait de routine quotidienne, celui de l’adolescence où on ment sur son âge pour paraître plus vieux, celui de. Dorothée qui vit dans l’attente de la prochaine lettre de son mari à laquelle elle répondra aussitôt, maintenant ainsi le lien amoureux entre eux malgré la distance et les circonstances. L’épilogue est dramatique malgré une rencontre sans véritable joie, une dernière union charnelle et posthume avec son mari par l’intermédiaire involontaire d’Herbert, la fuite de Dorothée accompagnée de quelques mots d’adieu pour le garçon qui ne la reverra jamais mais qu’il ne pourra oublier. C’est pour lui un passage à la fois brutal, sensuel et prématuré de la jeunesse à l’âge adulte, la confrontation entre l’amour et la réalité, davantage qu’une simple amourette de vacance.

    Ce film tout en nuances passe du romantisme à la nostalgie sans oublier la vulgarité de ces jeunes garçons à laquelle se mêle une gaucherie drôle notamment de Herbert au drugstore. Il connut un grand succès à sa sortie. Les images de la mer et de la côte, la solitude de sa maison, soulignent l’inaccessibilité de Dorothée, sa vie, loin de celle de ces garçons, la guerre lointaine qui rappelle sa réalité brutale à la jeune femme. De belles images, une histoire émouvante baignée par la sublime musique de Michel Legrand (Oscar de la meilleure musique de film).

     

    Les choses ont changé comme le monde autour de nous qui devient de plus en plus fou et les adolescents d’aujourd’hui ne sont évidemment plus les mêmes, mais j’ai revu ce film avec plaisir.

    La Feuille Volante - N° 2014 – Septembre 2025.

     

    Un été 42 – Un film de Robert Mulligan (1971)

     

    J’ai revu avec émotion et nostalgie ce film non seulement parce qu’il évoque une période d’un autre temps qu’actuellement, celui de l’adolescence où on découvrait le monde des adultes avec la honte de demander et l’émerveillement de gauchement découvrir les filles face aux copains qu’on rendait jaloux en n’oubliant pas de se vanter de choses qu’on n’avait jamais faites.

    C’est un bout d’histoire de trois copains puceaux, Herbert, Oscar et Bernard en vacances sur l’île de Nantucket dans la Massachussetts où il n’y a pas grand chose à faire en cet été de 1942, qui passent leur temps à se charrier, à se bagarrer, à regarder les filles en se lançant des défis, à fantasmer sur les dessous féminins qui sèchent dans le vent de mer, qui tentent d’apprendre l’amour dans un livre volé aux parents de l’un d’eux parce que leurs hormones les tracassent et que leur virginité les encombre, qui accompagnent chacune de leurs tentatives forcément gauches par des fanfaronnades et des accords d’harmonica. Tout cela se passe dans l’unique cinéma où on flirt maladroitement, dans les dunes où on grille des marshmallows et où on tente sa première expérience. Un peu par hasard Herbert, 15 ans (Garry Grimes), rencontre la belle Dorothée (Jennifer O’Neil) que nos garçons observaient de loin dans sa maison isolée et dont le mari est parti à la guerre. Il s’approche timidement d’elle, lui parle, lui rend de menus services, fait quelques pas troublés dans sa vie et en tombe follement amoureux. Elle le fascine, il la respecte mais la désire secrètement, n’a plus d ‘yeux que pour elle et ses vacance, ses copains, les filles de son âge n’ont plus la même chaleur.

    L’adolescent est bouleversé par cette rencontre d’autant que Dorothée laisse la trace de son rouge à lèvres sur son front quand ses copains, surtout Oscar (Jerry Hauser) cherchent à relever ce défi avec une de ses copines. C’est la rencontre d’univers différents, celui des adultes fait de routine quotidienne, celui de l’adolescence où on ment sur son âge pour paraître plus vieux, celui de. Dorothée qui vit dans l’attente de la prochaine lettre de son mari à laquelle elle répondra aussitôt, maintenant ainsi le lien amoureux entre eux malgré la distance et les circonstances. L’épilogue est dramatique malgré une rencontre sans véritable joie, une dernière union charnelle et posthume avec son mari par l’intermédiaire involontaire d’Herbert, la fuite de Dorothée accompagnée de quelques mots d’adieu pour le garçon qui ne la reverra jamais mais qu’il ne pourra oublier. C’est pour lui un passage à la fois brutal, sensuel et prématuré de la jeunesse à l’âge adulte, la confrontation entre l’amour et la réalité, davantage qu’une simple amourette de vacance.

    Ce film tout en nuances passe du romantisme à la nostalgie sans oublier la vulgarité de ces jeunes garçons à laquelle se mêle une gaucherie drôle notamment de Herbert au drugstore. Il connut un grand succès à sa sortie. Les images de la mer et de la côte, la solitude de sa maison, soulignent l’inaccessibilité de Dorothée, sa vie, loin de celle de ces garçons, la guerre lointaine qui rappelle sa réalité brutale à la jeune femme. De belles images, une histoire émouvante baignée par la sublime musique de Michel Legrand (Oscar de la meilleure musique de film).

     

    Les choses ont changé comme le monde autour de nous qui devient de plus en plus fou et les adolescents d’aujourd’hui ne sont évidemment plus les mêmes, mais j’ai revu ce film avec plaisir.

  • Le lauréat

    La Feuille Volante - N° 2011 – Septembre 2025.

     

    Le Lauréat – Un film de Mike Nichols (1967)

     

    Benjamin Braddock (Dustin Hoffman), fils unique d’une riche famille, 21 ans, récemment diplômé de Harvard est incertain sur son avenir. Il retourne dans la famille en Californie et au cours d’une soirée chez ses parents, il retrouve Mme Ellie Robinson (Anne Bancroft), l’épouse d‘un des associés de son père qui le séduit malgré son inexpérience. Ce dépucelage est pour lui le symbole de son passage à l’âge adulte. Une liaison se crée entre eux, mais Ellie fait jurer à Benjamin de ne jamais séduire Elaine, sa fille (Katharine Ross), alors que les parents de Benjamin, évidemment ignorants des frasques de leur fils, souhaitent au contraire que les deux jeunes gens se rencontrent. Benjamin se révèle plus amoureux de la fille que de la mère et Ellie menace de tout révéler à ses parents et, pour faire échec à ses projets, éloigne Elaine. Après moult péripéties l’histoire se termine dans une forme assez particulière de « happy end » mais je ne suis pas sûr qu’on puisse la qualifier exactement ainsi.

    Ce film devenu culte, incarne les « sixties » qui sont un symbole de liberté, sexuelle notamment, encore qu’on n’ait pas attendu cette période pour que les femmes mariées trompent leur mari, de préférence avec des hommes plus jeunes, et que ces derniers profitent de l’occasion. L’adultère est vieux comme le monde et ce film insiste sur la différence d’âge entre les amants dans une relation uniquement sexuelle alors qu’ils n’éprouvent rien l’un pour l’autre. Ainsi devient-il évident que l’attitude de Mme Robinson est davantage inspirée par la crainte de voir Benjamin tomber amoureux d’Elaine que de vouloir vivre avec lui une authentique histoire d’amour. Elle lui fait d’ailleurs jurer de ne jamais toucher à sa fille pour qui elle a sans doute d’autres projets et n’hésite pas à le menacer de chantage en manipulant la réalité. Elle ne sera pas vraiment récompensée de cette manœuvre grossière puisque son mari demandera le divorce. On peut d’ailleurs penser que Benjamin n’est pas le premier à tomber dans son lit, ce qui est aussi une réaction contre la frustration des femmes des années 50 cantonnées au foyer. Ellie, peu amoureuse de son mari, a dû abandonner ses études d’art et est devenue alcoolique.

    L’enlèvement d’Elaine par Benjamin dans des circonstances assez surréalistes ne me paraît pas être un gage futur de bonheur conjugal, la jeune fille désirant sans doute, avec le temps, se rapprocher de ses parents qui n’accepteront jamais Benjamin qui a été l’ancien amant de sa mère et qui a cocufié son père. On imagine aussi la déception des parents de Benjamin dont le M. Robinson reste l’associé.

    Le rythme du film, surtout dans sa deuxième partie où Benjamin rencontre Elaine, est vouée à la vitesse de sa puissante voiture et de sa nouvelle vie, n’est pas sans évoquer un manière de fureur de vivre et l’ombre de James Dean.

    Il reste que le film repose sur Dustin Hoffman (Oscar du meilleur acteur) dont c’est le premier grand rôle et s’oppose au puritanisme hypocrite de l’Amérique des années 50. C’est aussi une réaction contre les studios hollywoodiens mettant en scène des vedettes d’un autre temps sur des thèmes usés jusqu’à la corde. C’est l’histoire en raccourci de Benjamin qui s’émancipe à la fois de ses années d’étude, de la férule de ses parents et des critères traditionnels de l’Amérique basés sur le respect de la morale et de la réussite mais qui retombera sans doute dans la routine qui tue l’amour fou quand il se mariera avec Elaine comme il le souhaite, à moins bien sûr qu’ils ne pratiquent l’union libre puis la séparation, histoire de ne pas faire comme leurs géniteurs. J’imagine en effet que cette passade entre Benjamin et Ellie est bien de nature à envenimer leur future relation. L’image finale dans le bus le donne quand même un peu à penser et j’imagine assez facilement qu’à terme ils rentreront dans le rang, c’est à dire feront sans doute comme leurs parents puisqu’on reproduit toujours, parfois malgré soi, l’exemple qu’on voulait précisément éviter. Le fait que les occupants du bus les regardent avec un étonnement mêlé de réprobation souligne assez à la fois cette évolution des mœurs et cette différence de génération . Cette scène finale est d’ailleurs porteuse de questions à l’image de la joie du début, lors de la montée dans le car, suivie par un plan sur les visages fermés et silencieux des deux tourtereaux. La belle chanson interprétée par Simon et Garfunkel « The sound of silence » vient souligner cette séquence.

    J’ajoute que l’émancipation de Benhjamin concerne également l’Église qui est une forme de carcan social. Non seulement il enlève Elaine au cours de la cérémonie du mariage avec un autre et après l’échange des consentements mais il barricade la porte avec une croix qui lui sert également d’arme contre les assauts des invités.

     

    Mike Nichols (1931-2014), Oscar du meilleur réalisateur, signe un long-métrage de transition adapté du roman éponyme de Charles Webb (1939-2020) et qui a obtenu à sa sortie un remarquable succès. Il marque la fin d’une époque fortement influencée par le code Hays et en annonce une autre résolument moderne. Sans aucun doute un grand film.

     

     

     

  • Paris-Texas

    La Feuille Volante - N° 2006 – Août 2025.

     

    Paris-Texas - Un film de Win Wenders – Palme d’Or Cannes 1984.

    Arte le 18/8/2025 .

     

    De Paris, cette ville du Texas, il sera à peine question contrairement à ce que laisse entendre le titre.

    En revanche l’accent est mis sur l’histoire dramatique de Travis Henderson (Harry Dean Stenton) très amoureux de sa jeune épouse Jane( Nastassja Kinski) au point de vouloir être constamment à ses côtés et que cette volonté de proximité tourne au drame, Travis disparaissant pendant 4 années sans donner aucune nouvelle, Jane laisse leur jeune fils Hunter (Hunter Carson) à la garde de son oncle Walt (Dean Stockwell) et de son épouse Anne (Aurore Clément), un couple sans enfant.

    Dès la première image on retrouve Travis, marchant en plein désert, sans eau, secouru in extremis et que Walt ramène chez lui à Los Angeles. Après une longue période de silence, Travis accepte de parler et retrouvant Hunter parvient à l’apprivoiser et part avec lui à la recherche de Jane.

    Au-delà de cette histoire émouvante, je retiens la solitude et la désespérance de Travis, sa volonté de se mettre en marge de cette société où il n’a pas sa place. Les décors autour de lui évoquent cet abandon, les routes et les voies ferrées sont droites et vides, les avions volent, les interminables trains américains filent et il se contente de les regarder passer, les paysages sont désertiques à la mesure de sa volonté de revenir dans le monde, malheureusement sans issue. Quand il scrute le décor autour de lui, l’aéroport par exemple, c’est de loin, à la jumelle. C’est un pauvre homme qui avait tout misé sur l’amour de sa jeune épouse mais celle-ci l’a déçu, ne l’a pas compris et il a préféré mettre entre lui et la société le plus de distance possible, autrement dit se retirer du monde. Travis aurait pu se suicider mais apparemment, après avoir remis de l’ordre dans les pièces éparpillées du puzzle de sa vie et devant l’impossibilité de recomposer sa propre famille et d’y être heureux, il a voulu mener à bien son dernier devoir, celui de redonner sa mère à Hunter et disparaître dans l’épaisseur de la nuit, définitivement en gommant de la mémoire de ses proches jusqu’à l’empreinte ténue de son passage sur terre.

    Ce road muvie multi récompensé (et la mélancolique musique de Ry Cooder), illustre à mes yeux les relations difficiles des hommes avec leurs semblables et l’impossibilité de dialogue qui existe même au sein de la famille. La recherche de la solitude qui est une forme de résilience, me parait être une chose prégnante encore aujourd’hui, ce qui donne à ce film une dimension particulièrement actuelle .

     

  • Down by law

     

    La Feuille Volante n° 1370 Juillet 2019.

     

    Down by law Jim Jarmusch

     

    On pourrait traduire ce titre par « sous le coup de la loi ».

    Ce sont trois hommes qui se retrouvent dans la même cellule d’une prison de Louisiane, Jack, un proxénète minable, Zack un DJ que sa copine a largué et qui se retrouve à la rue. Tous les deux sont maintenant derrière les barreaux parce qu’ils ont été piégés par plus malin qu’eux. L’ambiance, on s’en doute est tellement pourrie qu’ils finissent par se battre. On imagine la suite...quand arrive un troisième larron, Roberto (dit Bob), un émigré italien qui apprend laborieusement l’anglais en notant sur un petit carnet des mots et des expressions qu’il veut retenir. Quand il passe la porte du cachot, il fait ce qu’il peut pour se faire accepter par ses deux nouveaux compagnons, mais, malgré l’humour et l’entrain qu’il veut introduire dans ce lieu plutôt rébarbatif, on sent que ce n’est pas gagné. Bien sûr, un semblant de dialogue se noue notamment autour de cigarettes dont Roberto qui n’en a pas, prétend qu’elle lui fera passer un hoquet qu’il simule grossièrement. On se pose des questions réciproques et bien sûr Jack et Zack se prétendent innocents des crimes dont on les accuse. Roberto au contraire leur raconte qu’il est un authentique meurtrier et pour qu’ils comprennent bien, il leur sert une histoire abracadabrante au terme de laquelle lui, un maigrelet face à ces deux colosses, a effectivement tué un homme… avec une boule de billard américain, « la 8 » précise-t-il, la pire puisque, évidemment elle est noire. Nos deux amis gobent-ils cette fable grotesque toujours est-il que notre Italien passe maintenant à leurs yeux pour un vrai dur, eux qui finalement n’ont été victimes que de leur cupidité. Toujours est-il que l’ambiance entre eux se détend et qu’ils finissent par l’accepter. S’en suivent des parties de cartes interminables, intéressées par des cigarettes qu’ils n’ont pas le droit de fumer et pendant lesquelles, bien entendu Roberto ne manque pas de tricher puisqu’il l’a avoué à ses codétenus. Ils ont l’air de s’entendre parfaitement mais quand les autres se morfondent et se livrent à un improbable décompte de leurs jours de taule, Roberto dessine sur le mur une fenêtre comme symbole de liberté, cite des poèmes de Walt Whitman et de Robert Frost, ce qui laisse les autres pantois, entre interrogations et admiration, se demandant de qui il peut bien s’agir.

    C’est un peu difficile au début, mais Roberto parvient à transformer l’atmosphère de ce lieu en quelque chose de jouissif. C’est lui aussi qui prétend trouver, dans la cour de promenade, un moyen d’évasion et qui insuffle à ses compagnons d’infortune l’esprit d’une cavale possible alors que Jack et Zack trouvent l’entreprise des plus hasardeuses. On ne s’évade en effet pas comme cela d’une prison américaine ! Pourtant, sans qu’on sache effectivement comment ils s’y prennent, ils finissent par se retrouver dehors, Roberto, plus faible, courant derrière ses deux compères.

    C’est un long métrage qui date de 1986 et qui n’est sans doute pas le plus connu dans la filmographie de Jim Jarmusch et le fait d’être tourné en noir et blanc lui confère un côté vintage. C’est aussi plein d’invraisemblances, l’évasion, la cavale dans le bayou sans carte ni boussole, avec pour seule impression de recherches l’aboiement lointain de chiens, les serpents et les crocodiles qui fourmillent dans cet endroit mais qu’on aperçoit même pas, cet improbable lapin que Roberto parvient à capturer et à cuire en s’excusant de ne pas l’avoir cuisiné selon la traditionnelle recette de sa grand-mère, la façon miraculeuse dont il s’en sortent et se retrouvent devant une auberge au milieu de nulle part, tenue par une jolie Italienne pas du tout apeurée par ces prisonniers surgissant de la nuit et dont Robertro tombe évidemment amoureux et décide de rester avec elle quand les autres partent à l’aventure. C’est un « Happy end » un peu gros et qui d’ordinaire ne me plaît guère, mais ce Roberto réussit à mettre de la joie dans les situations les plus tragiques et les plus absurdes et on tombe évidemment sous son charme. L’entendre parler américain avec l’accent toscan est aussi un plaisir.

    Ces trois lascars correspondent bien à l’archétype de l’anti-héros décalé, qu’affectionne Jarmusch. Il est aussi acteur et musicien mais c’est surtout un cinéaste original et farouchement indépendant qui est l’auteur des scénarios de tous ses films, s’amuse à détourner les codes comme dans « Dead man » et a briser les traditions hollywoodiennes (« Stranger than paradise ») en privilégiant le « road movie » et les personnages marginaux, authentiques et solitaires avec récemment une incursion dans le cinéma d’épouvante qui est aussi une critique de la société américaine (The Dead don’t die).

     

    J’ai découvert ce metteur en scène par hasard, je ne le regrette pas et je suivrai bien volontiers le déroulement de son œuvre future.

     

    ©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com

     

     

     

  • LES SENTIERS DE LA GLOIRE

    N°283 – Novembre 2007

    LES SENTIERS DE LA GLOIRE- Stanley KUBRICK. [ARTE Diffusion le 8/11/2007]

    « Le pire, c'est la guerre » a dit récemment un ministre.

    C'est effectivement ce qui peut arriver de pire à un pays, à une nation, à une civilisation, mais le pire, dans cette situation, c'est sans doute que la guerre soit dévolue à des militaires, d'autant qu'à l'époque, c'est au Peuple français qu'on a confié le soin de défendre le sol national. Au nom de la conscription, on est donc allé chercher des hommes qu'on a instruit dans l'usage des armes, qu'on a habillé et mis en condition.

    Ces citoyens sont donc devenus des soldats. Jusque là, rien à dire, mais le pire, sans doute, c'est que ces pauvres gens ont été livrés à l'incompétence de militaires de carrière, des généraux aux idées d'un autre âge, mus par la seule volonté d'obtenir un avancement, une décoration, une citation, une étoile, que le sacrifice de « leurs » soldats serait capable de leur assurer. Ce qu'ils souhaitaient c'était se faire valoir vis à vis de leur hiérarchie, et pour cela, ils ont joué avec eux, c'est à dire avec leur vie, comme on manipule des soldats de plomb, avec tout l'inconscience et l'humanité qui sied à des gens qui veulent faire prévaloir le paraître sur l'être. C'est qu'ils ont bien souvent conquis leurs galons, non par leur valeur, mais par leur capacité de flagornerie, de délation, de nuisance. Le pire, c'est que, ne devant leur place qu'à leurs bassesses, ils n'hésitent pas, pour la conserver, à trahir leurs amis, devenus ainsi leurs concurrents dans cette course effrénée aux honneurs, à la reconnaissance. Leur poste, qu'il faut impérativement conserver, ils le doivent à leurs nombreuses compromissions et trahisons qui émaillent leur parcours, mais peu leur importe, ce décor, patiemment tissé dans l'ombre de la médiocrité, ne saurait être balayé par un plus vertueux qu'eux. Ils sont responsables, disent-ils, de leurs hommes, mais c'est au nom de cette responsabilité, mais aussi pour obéir à des ordres impossibles à exécuter, parce que concoctés par des hommes coupés des réalités, mais dont ils n'osent contester le bien-fondé, qu'ils vont obéir, c'est à dire sacrifier inutilement des vies humaines. Dès lors, que devient l'amour de la Patrie, la nécessaire défense du pays?

    Alors, au nom de la discipline, ils mettent en place cette parodie meurtrière pour le seul bénéfice de leur carrière en n'oubliant pas de ressortir les vieilles rengaines sur le patriotisme, avec tout ce qu'il faut de paternalisme pour faire plus authentique. Même s'il faut, pour cela, que des Français tirent sur des Français! Ce film ne le montre pas, mais il était, je crois, d'usage d'y ajouter de larges rasades de gnôle pour exciter les hommes où leur faire perdre le sens du danger.

    Bien entendu, quand l'affaire tourne au fiasco, ce qui est inévitable, il convient de trouver des responsables. Alors, pour faire bonne mesure, mais surtout pour masquer les vraies responsabilités, on accuse de traîtrise, de désertion, de refus d'exécuter les ordres, ceux-là mêmes dont on souhaitait se servir. Et bien entendu, pour l'exemple, on en fusille quelques-uns, en évitant de prendre en compte les réalités du combat et parfois l'attitude héroïque des accusés, en laissant au hasard ou à la vengeance personnelle le soin de désigner ceux qui seront sacrifiés. On ne prend même pas le soin d'un vrai procès, dans cette mascarade où les décisions sont prises à l'avance. Dans cette affaire, il ne saurait être question de sanctionner les vrais coupables. Il ne peut s'agir que de sans grades qui ne peuvent se défendre et en aucune façon, d'officiers.

    Seul Kirk Douglas apporte une note d'humanité et de justice dans cette pantalonnade qui serait comique si elle n'était fatale.

    Mais , l'aveuglement de cette hiérarchie n'est pas seulement l'apanage de l'armée. Il y a certes la dénonciation des bassesses des intermédiaires, désireux, eux aussi, de faire porter la responsabilité des fautes sur les plus petits qu'eux, mais, il m'apparaît que ce film n'est pas seulement anti-militariste et que son auteur a voulu donner à voir une facette de la condition humaine. Après tout, dans toute son œuvre Kubrick a voulu déranger et mettre à mal toutes les idées reçues sur la société. Ce long métrage lui-même, bien que de 1957, n'a été connu en France qu'en 1972. Tout au long de ce film, le spectateur éprouve de la compassion pour les soldats, pour leurs souffrances, leur sacrifice, mais il y a pire. A la fin, la sentence prononcée, on les oblige à assister à l'exécution de leurs camarades et, pour ceux qui font partie du peloton, à y participer. La dernière scène du film me paraît révélatrice. On y voit ces soldats ivres qui viennent d'être témoins de l'assassinat légal de leurs compagnons d'infortune, verser des larmes en écoutant la triste complainte d'une chanteuse allemande. La guerre les a peut-être déshumanisés, mais je crois plutôt que Kubrick choisit de montrer ce que les hommes en général ont de méprisable.

    Ce film est bien nommé. La gloire, on peut l'habiller comme on veut, mais pour y accéder, ce ne sont pas des boulevards, des avenues, mais bien des sentiers, tortueux, cahoteux, boboueux.

    © Hervé GAUTIER - Novembre 2007.

    http://monsite.orange.fr/lafeuillevolante.rvg 

  • MATCH POINT - Un film de Woody Allen

     

     

     

     

     

     

     

     

    N°507 – Février 2011.

    MATCH POINT – Un film de Woody Allen – France 2 – Dimanche 20/02/2011 – 20H35.

     

    Woody Allen est assurément un fin observateur des choses de la vie, un illustrateur inspiré et génial des noirceurs de l'âme humaine mais aussi un maître du suspense .

     

    Qu'avons nous ici, oh, quelque chose de banal ! En Angleterre, de nos jours, un jeune professeur de tennis, Chris Wilton (Jonathan Rhys Meyer), issu d'un milieu modeste, passablement désargenté mais passionné d'opéra et de peinture, se fait embaucher dans un club huppé pour riches désœuvrés. Grâce à sa passion pour la musique, il se lie d'amitié avec Tom Hewet (Matthew Goode) qu'il a la charge d'entraîner. Le hasard fait bien les choses puisque, sans rien faire et sans presque le vouloir, il va conquérir la sœur de Tom, Chloé, et l'épouser. Puisque c'est un garçon bien sous tous rapports, qu'il est discret, cultivé, bien élevé, il va plaire à la famille, à sa belle-mère d'abord puis à son beau-père que les affaires et la spéculation ont enrichi. Il va le faire passer du statut de simple professeur de tennis à celui de collaborateur, favorisant son ascension sociale, son salaire, la vie devenue soudain plus facile. Il veut à la fois partager avec Chris son goût pour la musique et les arts et le faire sortir de la position subalterne dans laquelle la vie l'avait mise. Il va même jusqu'à lui offrir une formation dans une école de commerce ce qui fait de lui un cadre supérieur compétent et apprécié de ses collègues, gomme volontiers, au nom de la volatilité du marché, ses erreurs d'investissements, pardonne ses décisions hasardeuses... et les finance sans lui adresser le moindre reproche. Le voilà donc parfaitement intégré dans cette famille qui ne lui demande... qu'un héritier !

     

    Quand il rencontre Tom, ce dernier est fiancé à Nola, une américaine belle et sensuelle mais une actrice ratée qui peine à s'imposer dans son métier. Comme Chris, elle vient d'un milieu modeste mais elle s'est toujours promis de tout faire pour y échapper. Ses fiançailles arrivent à point nommé pour satisfaire son ambition. Elle en fait sans doute un peu trop et sa future belle-famille, surtout sa future belle-mère, la rejette au point que Tom finit par convoler avec une autre. Le temps passe et Nola revient à Londres où elle vivote et rencontre à nouveau Chris. Ce qui n'avait été qu'une passade du temps de ses fiançailles avec Tom devient une liaison torride. Chris trompe sa femme, apprend à vivre dans le mensonge et, bien entendu, Chloé ne se rend compte de rien et lui qui ne peut, malgré ses efforts, avoir un enfant avec sa femme met Nola enceinte. Certes, la situation devient compliquée mais cela se rencontre souvent dans les couples illégitimes. Face à cela Chris tergiverse, ment aussi facilement à Nola qu'il mentait à Chloé, cherche à gagner du temps, propose de l'argent pour avorter, cherche à se dérober devant ses nouvelles responsabilités... Mais rien n'y fait, Nola entent garder son enfant et même profiter de cette situation pour parvenir enfin à sortir de sa condition modeste. Pour lui, son laborieux et méticuleux travail d'acquisition de la notabilité va s'effondrer tout d'un coup s'il choisit la vie avec sa maîtresse. Au lieu de quitter sa femme qui a enfin réussi à avoir un enfant de lui et de renoncer du même coup à sa situation confortable, à sa vie dorée, à sa sécurité, il tue Nola (et son enfant), camoufle ce crime en assassinant la voisine et en faisant croire à un cambriolage qui a mal tourné. Le quartier se prête d'ailleurs à la délinquance habituelle autour de la drogue. Cet homme riche, établi, devient donc un vulgaire assassin !

     

    Là où Woody Allen est remarquable, c'est qu'il se fait le témoin de cette situation, mais pas dans un scénario moralisateur où la justice triomphe, le meurtrier est condamné et l'ordre public est sauf ! Dans ce cas de figure notre esprit de midinette ou notre vieux fond judéo-chrétien en sortiraient satisfaits. Mais pas du tout ! Avec l'aide du hasard (ou de la chance !) l'impunité de Chris va être établie. A l'image du début, où la caméra montre une balle de tennis qui heurte le filet et tombe d'un côté ou de l'autre, donnant ou refusant le point, répond celle de la fin où Chris, ayant dérobé l'alliance de la vielle dame qu'il vient de tuer, lance le bijou dans la Tamise. Il heurte une rambarde mais tombe sur le quai. Non seulement cela ne servira pas de preuve contre lui, comme on pourrait le penser, mais au contraire se révélera favorable dans l'enquête qui le met en cause dans le meurtre de Nola. La chance, toujours elle, fait intervenir des événements similaires quelques jours après et l'alliance trouvée dans les poches de l'assassin disculpe définitivement Chris qu'un policier, plus inspiré que les autres, était persuadé de pouvoir faire condamner.

     

    Alors, satire sociale : certainement ! Mais ce qui me paraît bien vu dans ce film c'est que, le temps passant, Chris va complètement occulter ses fautes, s'en accommoder et vivre sans aucune difficulté avec. La petite fable de la fin, où il est fictivement en présence du fantôme des deux femmes qu'il a assassinées quelques temps plus tôt en est la preuve. A Nola, il dit que c'est mieux ainsi, qu'il ne pouvait pas faire autrement et qu'elle devait disparaître. A la vieille voisine qui se plaint de n'être pour rien dans ce différend, il déclare qu'elle n'est qu'un dommage collatéral et que pour lui tout est rentré dans l'ordre. Ce drame est une illustration brillante de « l'amour et du hasard » mais aussi d'un des nombreux travers de l'homme qui n'est ni aussi bon ni aussi généreux que des générations de philosophes ont bien voulu nous l'affirmer. On finit toujours par vivre, même confortablement, avec une faute, si grave soit-elle. On la cache, on la justifie, on s'en accommode, quitte à chercher des responsabilités chez la victime elle-même. Plus le temps passe plus on accumule les bonnes raisons qui nous ont fait agir ainsi. On imagine très bien que Chris vivra longtemps en oubliant tout simplement ses crimes puisque la chance l'a favorisé.

     

    C'est aussi un clin d'œil à ce que cette famille attendait de Chris : être le géniteur d'une descendance en opposant opportunément cette parole de Sophocle « Échapper à la naissance est sans doute la plus grande des chances » à l'image de l'enfant tant désiré, enfin né.

     

    Ce n'est peut-être pas ce qu'on pouvait attendre mais c'est malheureusement ce qui se produit souvent dans la vraie vie et l'hypocrisie, l'amnésie, la bienséance et le culte du paraître font le reste. Quant aux malheureux qui ont été les victimes, on peut peut toujours dire d'eux « qu'ils se sont trouvés là, au mauvais endroit au mauvais moment ».

     

     

    ©Hervé GAUTIER – Février 2011.http://hervegautier.e-monsite.com