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la feuille volante

Le paradis

La Feuille Volante n° 1252

 

Le paradis – Alberto Moravia - Flammarion.

Traduit de l'italien par Simone de Vergennes.

 

Ce sont 34 nouvelles, écrites à la première personne et qui mettent en scène des femmes. Il n'y a rien là d'anormal puisque Moravia n'a jamais caché qu'il les aimait, ce qui est plutôt une preuve de bon goût. Elle sont souvent jeunes, célibataires, mariées, mères de famille, amantes, belles, élégantes, sensuelles, minces, provocantes parfois, mais quand même quelque peu superficielles, oisives, bourgeoises. C'est sans doute ainsi que l'auteur les voyait à son époque, en Italie, simplement parce qu'un écrivain est aussi le reflet de son temps. Les choses ont bien changé et il n'y a pas lieu d'en prendre ombrage. C'est peut-être aussi, et plus subtilement une manière pour l'auteur de régler un compte avec elles, allez savoir, l'écriture a aussi cette fonction. En effet souvent les hommes qui les accompagnent ne partagent pas vraiment leur univers. Quand ils ont le qualificatif de « maris » ou de « compagnons », passé les premiers moments d’excitation, ils ne semblent que de passage, chargés de les faire vivre et surtout de disparaître au premier coup de vent, autrement dit des êtres incontournables mais surtout qu'on jette à la première occasion, au besoin par le biais de l'homicide. Qui plus est, ils ne sont que des « père absents » assez peu soucieux de leur progéniture. Quant à leurs enfants, ils ne valent guère mieux et sont pour elles une charge et parfois une gêne. Heureusement que d'autres hommes existent sous les traits d'amants. Au moins ceux-là ils ne s'imposent pas et savent souvent s’éclipser à temps, par élégance, ou par opportunisme...

C'est sans doute une conséquences de la manière dont il les évoque, mais elles semblent s'ennuyer fortement au point de cambrioler pour le plaisir ou « d'allumer » les automobilistes le long d'une route à la manière d'une prostituée...pour se dérober ensuite à leurs ardeurs ou d'envisager le suicide, mais sans jamais passer véritablement à l'acte. En tout elles font semblant, mais, juste retour des choses sans doute, elles sont souvent perdantes dans leurs entreprises. Ce qui ne manque pas d'être frustrant ! Bien entendu le fantasme et le sexe ne sont jamais très loin avec en prime l'obsession de leur corps. C'est une manière comme une autre de meubler leur ennui. Pour cela, il y a aussi l'écriture, comme pour cette femme qui, songeant fortement au sabordage de sa propre vie, refait le chemin à l'envers. Elle s'était jadis vainement essayée au journalisme, puis tout aussi vainement à la littérature ; Ces souvenirs semblent lui redonner goût à la vie, sans doute parce qu'elle est la plus forte et que, pour la mort, elle préfère attendre un peu ! Parfois une forme de folie s'insinue dans tout cela mais après tout, ce n'est peut-être qu'une autre manière de vivre, différente certes, moins dans les normes, mais qu'importe !

Alors, quid du paradis qui, à l'instar de l'enfer, serait sur terre et non dans une hypothétique vie après la mort ? A la lecture de ce recueil de nouvelles, j'ai l'impression qu'il n'existe pas et qui, si pour l'homme, la femme en serait l'incarnation, je ne peux pas ne pas me souvenir de cette remarque de Saint-Cyprien (et de la méditer) qui déclarait que « Les femmes sont des démons qui nous font entrer en enfer par la porte du paradis » .

Reste l'humour qui conclue souvent chacun de ces courts textes puisque, nous le savons bien, face à l'adversité, à la déconvenue et surtout à l'impuissance, à l'abandon, il ne nous reste que la possibilité de rire de tout

J'ai quand même et comme toujours apprécié le style fluide de Moravia et l'acuité de son regard sur les hommes et les femmes.

 

© Hervé GAUTIER – Juin 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]

 

 

 
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