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la feuille volante

le livre des soeurs

N°1722 – Mars 2023

 

Le livres des sœurs– Amélie Nothomb – Albin Michel.

 

Les deux sœurs c’est Tristane et Leaticia, quatre ans et demi de différence entre elles. Leurs parents Nora et Florent vivent le parfait amour depuis leur rencontre mais n’éprouvent pas le besoin de le couronner par la naissance d’un enfant. Pourtant Tristane naît, plus par convenance que par réel désir des époux. Plus tard Laeticia voit le jour et leur deux filles éprouvent l’une pour l’autre un attachement très fort.

Nora qui exerce le métier de comptable a une sœur, Bobette, célibataire, qui passe le plus clair de son temps à fumer devant la télévision et à boire de la bière, quand elle ne fait pas des enfants... avec des hommes différents. Ces deux sœurs ne s’apprécient guère et pourtant Bobette nous est présentée comme une mère démissionnaire, quelqu’un de définitivement perdu, de suicidaire et elle transmet son attirance vers la mort à sa fille Cosette. On peut penser un moment que ce sont ces deux jeunes femmes qui vont faire l’objet de ce livre mais en réalité, Amélie Nothomb se penche plus volontiers sur le cas de Leatitia et de Tristane qui, même si elles sont inséparables, si elles sont liées par un amour fusionnel, abordent l’existence chacune à sa façon, d’une manière optimiste pour la première dont le prénom évoque la joie et d’une manière plus triste pour la seconde dont le sien suscite la morosité. Nora lui a un jour collé l’étiquette de « petite fille terne » qu’elle traînera toute sa vie comme une obsession qui sonne comme une interdiction d’être elle-même. Nora ira même jusqu’à la culpabiliser. Cette forme de rejet, cette faille, ce traumatisme issu de l’enfance qui font d’elle un être transparent est d’autant plus fort qu’il est crée par les parents qui son censés protéger leurs enfants sans la moindre différence et les préparer à leur future vie. A cause de cela, elle passera involontairement à côté du bonheur. Gaston Bachelard nous rappelle qu’on ne guérit jamais de son enfance. Pire peut-être, l’amour de Nora et de Florent, fait qu’ils négligent complètement leurs enfants. Même si cela peut paraître exceptionnel et presque irréel, on peut facilement admettre que la fondation d’une famille avec enfants n’efface en rien la volonté des parents qui bien souvent poursuivent leurs projets personnels sans penser à ceux qu’ils peuvent laisser en chemin. L’image traditionnelle de la mère protectrice reste un mythe de nos jours. Nora, laisse au début à Tristane la charge de s’occuper de sa sœur, ce qui est souvent le cas des aînées et les prépare à leurs futures maternités. Ce qui est plus contestable en revanche c’est qu’elle fasse une différence entre ses deux filles, à l’évidence elle favorise Leatitia et cantonne sciemment Tristane dans la tristesse, freinant son développement, même si Florent lui exprime ses félicitations. Les mères abusives et destructrices, cela existe, la littérature en est pleine, même si, face à cette faute maternelle, Tristane n’éprouve que de l’amour et de l’indulgence ! Un tel régime ne peut qu’être néfaste à cette fille aînée qui développe une atmosphère de solitude avec un pseudo dialogue avec sa cousine morte et une correspondance constante avec sa sœur.

Ce roman est présenté comme non autobiographique, C’est à tout le moins ce que j’ai entendu dans les différentes interviews. Je ne suis pas spécialiste de la vie de l’auteure mais cette affirmation, un peu trop répétée me paraît sonner faux. L’amour de la musique rock développé par Laetitia et celui de la littérature chez Tristane me paraissent bien correspondre à Amélie Nothomb. Un dédoublement de l’auteure en quelque sorte et chacune des deux sœurs cultive sa passion, poursuit son propre rêve. De toute manière nous savons bien que, nonobstant la fiction, il y a toujours un peu de l’écrivain dans ses personnages et il n’y a rien là d’extraordinaire et surtout d’inavouable. J’arrêterai cependant ici, s’agissant de ce roman, la portée de cette remarque. D’autre part, l’amour fou de Nora et de Florent me paraît un peu artificiel et même égoïste, l’épilogue semble le montrer, même si la différence faite entre deux enfants , elle, ne l’est pas. J’ai cependant bien aimé l’analyse qui est faite de la situation d’infériorité artificielle de Tristane

J’ai l’habitude de lire la 4° de couverture avant d’entamer ma lecture d’un roman. Ici c’est plus que laconique « Les mots ont le pouvoir qu’on leur donne ». On n’attend pas autre chose de la part d’un écrivain !

De cette auteure dont je n’ai pas toujours aimé les romans, je retiens le premier « Stupeur et tremblements » et le précédent « Premier sang ». Ce livre, le 31°, m’interpelle à titre personnel, il est bien écrit et , au-delà de l’amour fusionnel entre ces deux sœurs et même entre un homme et une femme, ce que je retiens c’est le personnage de la mère qui va à l’encontre de la traditionnelle image qu’on en donne. Elle me paraît juste précisément parce qu’elle est à l’opposé de ce qui est communément admis.

 

 
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