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la feuille volante

UNE FORME DE VIE

N°911– Mai 2015

 

UNE FORME DE VIE- Amélie Nothomb – Albin Michel.

 

Au départ de ce roman, une improbable lettre d'un lecteur à laquelle l'auteur choisit de répondre (c'est rare mais ça arrive). Elle a été écrite par un soldat de 2° classe américain lors de la deuxième guerre d'Irak qui lui demande de le comprendre. On pourrait s'attendre à de longues litanies sur ce conflit, sur les combats, mais pas du tout, il l'entretient sur… son obésité ! Surtout qu'il la cultive, malgré une certaine forme de culpabilité, comme une rébellion contre l'armée et qu'à titre personnel il la vit comme une sorte de dédoublement de sa personne. Ainsi commence un échange de correspondance qui nourrira (sans mauvais jeu de mots) la créativité de l'auteure et son intérêt pour cet homme.

 

C'est un roman sur les relations épistolaires qui peuvent exister entre un écrivain et ses lecteurs et c'est vrai que pour un tel exercice il faut au moins être deux, à condition bien sûr que l'auteure accepte de s'y prêter, ce qui, à mon sens, reste une hypothèse d'école. Pour faire plus vrai, elle se met elle-même en scène et invente ce militaire, Melvin Marpple qui, bien sûr a pris l'initiative de ces missives. Au départ on sent le désespoir dans les mots du soldat puis rapidement Amélie Nothomb lui propose de faire du Body-Art, de devenir un artiste de sa propre graisse, c'est à dire de faire de son défaut un avantage. Cette idée transforme sa vie, lui donne un sens. Cet état d'obèse devient une protestation contre l’intervention américaine en Irak, une sorte « d'art engagé ». Puis cette entreprise s'emballe, il faut à Melvin, comme à tout artiste, une notoriété ; un galeriste belge accepte, à la demande d'Amélie, d’assurer la publicité de cet acte créatif et la supercherie est révélée, malgré elle.

 

Suivent des aventures un peu rocambolesques où le lecteur tombe un peu des nues mais qui mettent en valeur l’imagination créatrice de l’auteure ainsi que l'atteste l'épilogue. Il y a beaucoup de développements sur l'écriture, sur la souffrance qui peut la motiver pour un auteur, le rapport entre l'écrivain et son lecteur, les avantages de leur rencontre éventuelle …J'ai surtout senti dans ce roman une occasion pour l'auteure de parler d'elle, de se présenter comme quelqu'un d'affable, d'attentif à l'autre, ce qu'elle est peut-être, même si dans cette affaire elle est un peu naïve (ne le sommes-nous pas tous parfois ?). Elle admet cependant avoir été bernée et pour finir se croit investie de pouvoirs miraculeux. En revanche, la supercherie révélée, la personnalité de Melvin devient émouvante. Elle montre un être désemparé, seul et abandonné de tous, perdu dans une société qui ne veut plus de lui, mais qui a cependant la force de sortir de cette condition ne serait-ce que pendant un moment. Sa vie d'errance s'est transformée en une addiction pour l'ordinateur et la nourriture au point qu'elle est devenue aussi insupportable que celle qu'il avait auparavant. Je trouve que la démarche de Melvin, qui est un mensonge, est finalement salvatrice pour lui. Il a l'intelligence de mettre Amélie Nothom à contribution à cause d'un de ses personnages, c'est à dire quelqu’un de fictif qui, par ce truchement prendrait vie. Ainsi a-t-il, peut-être un peu malgré lui habité ce personnage du militaire qu'il n'a pas pu être, la réaction positive de l'auteur l'ayant en quelque sorte adoubé, lui redonnant une dignité, « une forme de vie ».

 

Ce que je retiens aussi c'est le plaisir qu'on peut avoir (c'est mon cas) de recevoir et d'écrire une lettre rédigée à la main sur du papier avec de l'encre, qu'on glisse dans une enveloppe et qu'on poste même si actuellement internet permet à la fois la rapidité et l'efficacité de l'échange, au point que cet exercice d'écriture à la main est ravalé au rang d'une antiquité !

 

Cela peut sembler être un texte à deux voix mais en réalité le lecteur en est le témoin privilégié, presque de confident. Pourtant je n'ai pas vraiment accroché, un peu comme dans tous les romans d'Amélie Nothomb, que je lis davantage pour ne pas ignorer le phénomène littéraire qu'elle représente et m'en faire une idée que par réel intérêt. Comme toujours j'ai trouvé cela bien écrit, cela m'a procuré une lecture agréable et surtout rapide.

 

©Hervé GAUTIER – Mai 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

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