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la feuille volante

La passagère du France

La Feuille Volante n° 1092

La passagère du France – Bernadette Pécassou-Camebrac – Flammarion.

 

Nous sommes en 1962, c'est à dire dans cette période qu'on a appelé « les trente glorieuses » où le nom même de la France était synonyme de rayonnement économique et culturel. Ce nom était tellement prestigieux qu'on l'avait donné à un transatlantique de luxe qui assurait la liaison entre notre pays et New-York. Sophie, une jeune journaliste, a été choisie par son journal pour rédiger un reportage à propos de cette traversée inaugurale d'autant plus qu'à bord il y a des vedettes célèbres comme Michèle Morgan ou Juliette Gréco. Au début du voyage, un incident dont Sophie est le témoin et qui aurait pu avoir des conséquences regrettables sur la vie d'un passager, menace l'emploi d'un commis du bord et on la prie de ne rien dire de ce qu'elle a vu. Elle prend donc un rôle central dans cette affaire d'autant plus qu'un photographe prétend avoir fait des photos de cet incident. Sophie qui espérait cette traversée idyllique se trouve torturée par des états d’âme face à son travail. Pour autant cet événement va être le centre de ce roman et j'ai eu un peu de mal à croire, toute fiction mise à part, à tous les rebondissements que l'auteure y rattache, notamment l'intervention auprès de Jackie Kennedy.

En marge de cette histoire, il y a cette opposition constante entre ce milieu aisé des passagers et celui, laborieux, du personnel de bord, cet officier mystérieux et solitaire, personnage complexe et paradoxale dont la figure fascine Sophie ainsi que tous ceux qui le croisent. Il servira de trait d'union entre ces deux mondes qui n'ont rien de commun entre eux. Son histoire, son parcours, sa personnalité font de lui, à mes yeux, le personnage central de ce roman où il n'apparaît pourtant que par moments. Béatrice, la consœur de Sophie est une femme hautaine et méprisante, il y a aussi ce journaliste, dit l'Académicien, qui se veut attirant mais ne l'est pas tant que cela et ce photographe qui se prend pour un séducteur. Il y a certes des femmes élégantes, du champagne et du caviar comme il sied à ce genre d'atmosphère de fête continuelle, de belles descriptions mais aussi des énumérations techniques de ce paquebot de luxe, des récits à propos de la prestigieuse « table du commandant » et de tout ce qu'on peut faire pour y être admis, le tout avec son cortège de bijoux et de mondanités. On n'échappe pas aux histoires d'amour, incontournables sur un navire de luxe et pour une traversée de prestige, on ne coupe pas non plus aux mondanités, smokings, robes longues et baisemains, aux futilités, à la volonté de séduction, au jeu des influences plus ou moins effectives, aux nombreux faire-valoir qui accompagnent cette société sophistiquée où chacun est conscient de sa valeur qu'il pense inévitable et incontournable. On ne compte pas non plus les excentricités, le sans-gêne, les fautes de goût et les mufleries de ces gens qui se croient tout permis parce qu'ils ont de l'argent et donc du pouvoir. C'est, dans ce microcosme, la vitrine de la nature humaine. Au cours de cette traversée, de lourds secrets sont dévoilés, des personnalités se révèlent, des destins se déchirent et des projets s’évanouissent.

J'ai pourtant été un peu déçu par ce roman pourtant bien écrit. Pour une fois j'avais accordé de l'attention à la couverture, une jolie femme accoudée à un bastingage et à ce titre plein de mystères... Cela valait son pesant de rêves et de fantasmes avec le prestige des uniformes, le luxe du décor, la frivolité des passagers, les toilettes des passagères, le merveilleux de cette traversée, l'avenir de ce paquebot de croisières fascinant qui pourtant ne durera que quelques années et se terminera par son démantèlement… mais cela n'a pas suffi à m'embarquer dans ce récit. Je poursuis ma découverte de l’œuvre de Bernadette Pécassou-Camebrac. J'apprécie son style fluide et agréable à lire, mais, même si « Le France » était une invitation au rêve et au voyage, ce qu'est aussi un roman, je suis resté un peu en retrait, par nostalgie sans doute ?

 

© Hervé GAUTIER – Novembre 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]

 
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