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la feuille volante

Blaise Cendras

  • Au cœur du monde

    N° 1448 Mars 2020.

     

    Au cœur du monde précédé de « Feuilles de route sud-Américaines – poèmes divers »– Blaise Cendrars – Gallimard.

     

    Ce recueil divisé en quatre parties inégales comporte des poèmes écrits entre 1924 et 1929 par Blaise Cendrars (1887-1961), de son vrai nom Frédéric Sauser, publiés plus tardivement.

    L’auteur est en lui-même un paradoxe, en opposition avec l’image traditionnelle du poète. C’est un aventurier, un bourlingueur qui ne peut demeurer longtemps à la même place et rester assis à une table en attendant l’inspiration ne correspond pas du tout à son caractère. Il est pourtant un grand écrivain, né pour voyager, qui cultive sa spontanéité et dont l’écriture sans fioriture ressemble a sa manière de vivre. Très jeune déjà, il a répondu à l’appel du voyage, de l’inconnu et bien avant d’écrire, il exerce sans le moindre diplôme de nombreux métiers qui lui font parcourir l’Europe, la Russie et l’Amérique du Nord, rencontrer un nombre impressionnant de personnages et devenir un découvreur de jeunes peintres alors inconnus à propos de qui il émet de pertinentes remarques. Dans ses bagages il y a toujours des poèmes. Quand il choisit l’écriture, il a à ce sujet des idées bien arrêtées et scandalise Apollinaire en lui déclarant que la poésie doit être libérée de toutes contraintes prosodiques, célébrer « la vie moderne » et créer un langage nouveau. D’ailleurs ce recueil se caractérise, entre autre, par une absence de ponctuation et on sait qu’Apollinaire, quand il publiera « Alcools » s’inspirera de ce détail en gommant lui-même ces signes. Une amitié autour de l’écriture puis une opposition naquirent entre ces deux poètes, qui eut au moins l’avantage d’enrichir la palette de chacun d’eux et de transformer la poésie. Grâce à eux on n’écrira plus comme avant ! La Grande Guerre va lui donner l’occasion, à lui qui est de nationalité suisse, de s’engager pour la France dans la Légion Étrangère, d‘y avoir une conduite héroïque, puis, amputé de l’avant-bras droit, d’être réformé et décoré. On ne retrouvera lors du deuxième conflit comme correspondant de guerre .

     

    Feuilles de route date de 1924. C’est son dernier recueil de poèmes. Ensuite il se consacrera au roman, au journalisme... Ce sont des textes emprunts d’une grande liberté d’écriture où il se moque des règles classiques pour ne privilégier que les images, les sons, les impressions, les remarques. Cela fonctionne comme un compte-rendu de voyage. Il quitte Paris, seul, par le train, arrive au Havre, destination le Brésil. Il évoque les escales, La Rochelle, le Portugal, Dakar, un point au milieu de l’océan donné par l’œil d’un sextant. Il dit simplement ce qu’il voit et entend à bord ou à l’escale, les « lettres-océan » qu’il reçoit, la beauté des femmes noires, les ciels, les poissons-volants, le passage de la ligne… Puis ce sera la terre, la piste, les découvertes. Et bien sûr il écrit parce qu’il n’y a rien de tel que le voyage pour solliciter les cinq sens et titiller la plume. Il est tout entier dans son parcours, en goûte les moindres instants, à propos de rien, d’un petit détail anodin.Il veut être un témoin qui vit intensément et explore à sa sa manière les thèmes éternels que sont l’amour, la liberté, la pitié devant la misère ...

    Avec « Poèmes divers » il évoque la guerre, la Grande, rend hommage à Apollinaire et il retrouve Paris dans « Au cœur du monde »mais toujours en solitaire et quelque peu désabusé à cause de ce conflit, des bombardements, des sirènes et de sa jeunesse enfuie…

     

    Dans ces temps de longs confinements où la lecture reprend ses droits, chez moi Cendrars est toujours le bienvenu.

     

     

    ©Hervé Gautier mhttp:// hervegautier.e-monsite.com

     

  • L'OR

    N°831 – Novembre 2014.

    L'OR Blaise Cendras- Folio.(Grasset 1925)

    Il est des romans dont le seul nom de l'auteur est une invitation à la lecture. Dans ma bibliothèque idéale Cendras reste un écrivain emblématique peut-être à cause de son parcours personnel, peut-être à cause de l'importance et la diversité de son œuvre ou des commentaires qu'elle a suscités.

    Il s'agit ici d'une biographie romancée, celle de Johann August Sutter (1803-1880) un Suisse parti de rien qui s’exila aux États-Unis en 1834 et fonda, après pas mal de déboires, en Californie alors mexicaine, un vaste domaine agricole. Son nom est associé à la « ruée vers l'or » qui ne fit cependant pas sa fortune. Il mourut en effet ruiné, bien qu'on trouva de l'or sur ses terres, incapable de s'adapter à cette nouvelle vie de prospecteur et aussi victime de spéculateurs, de voleurs et de procès.

    Sous la plume de Cendras cet aventurier perd un « t » dans son nom mais gagne le grade de général, s'établit effectivement en Californie où il a le même destin que son modèle. Il meurt fou à Washington.

    Écrit en quelques jours ce roman fut un succès et l'auteur abandonna son écriture poétique pour adopter ce nouveau style romanesque. La vie de cet authentique homme d'affaires et aventurier ne pouvait laisser Cendras indifférent, lui dont la vie s'est déroulée sous le signe de la découverte et de l'aventure.

    Le personnage de Baise Cendras m'a toujours fasciné mais j'avoue avoir été un peu déçu par le style. La phrase est simple mais dans mon souvenir elle était plus travaillée, moins spontanée. Après tout c'est peut-être le but recherché pour instillé un rythme à travers le texte. Pour autant ce bref roman est une nouvelle occasion de réfléchir sur la vie, la richesse, les choses acquises, la splendeur et la décadence d'un personnage, le passage sur terre de chacun d'entre nous, l'énergie qu'on déploie pour réussir puisque c'est paraît-il le but de l'existence et la trace que nous pouvons laisser après nous.

    ©Hervé GAUTIER – Novembre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

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