la feuille volante

Vercoquin et le plancton

 

 

La Feuille Volante n° 1475– Juin 2020.

 

Vercoquin et le planctonBoris Vian – Éditions Pauvert.

 

D’emblée, dans un « prélude » l’auteur, sous la signature de Bison ravi, un de ces nombreux anagrammes, avertit son lecteur « Vercoquin n’est pas un roman réaliste, en ce sens que tout ce qu’on y raconte s’est réellement produit ». On peut ainsi se faire une idée de la créativité de Vian, un peu comme l’avertissement qu’il formule dans « L’écume des jours »

 

Roman écrit en 1943, c’est à dire au plus fort de la guerre et de l’Occupation et publié en 1946 sous la houlette de Raymond Queneau.

 

Voilà donc le Major (Jacques Lostalot) personnage authentique de 21 ans qui marqua fortement notre auteur, qui donne une surprise partie dans sa maison de Ville-d’Aville et qui charge Antioche Tambretambre – peut-être Vian lui-même- de l’intendance, boissons, musique (jazz et swing) pour cette soirée. Ce sont les mêmes personnages que dans « Trouble dans les Andins ». Le Major va y rencontrer Zizanie de Houspignol et évidemment en tomber follement amoureux et ce malgré la présence de son compagnon et prétendant Fromental de Vercoquin et lors d’une deuxième surprise partie il se fiance avec elle .

C’est un récit où Boris se moque du travail répétitif, tatillon et sans intérêt qu’il effectuait à l’AFNOR (Association française de normalisation) puis à l’ « Office Professionnelle des Industries et des Commerces de Papier et du Carton » rebaptisés ici CNU (Consortium national d’unification) où travaille le sous-ingénieur Léon-Charles Miqueut qui est aussi l’oncle et le tuteur de Zizanie. Cette critique acerbe a quelque chose de délicieux et vaut son pesant d’absurde et de ridicule et rappelle le travail que Vian y effectuait mais qui a eu l’avantage de lui laisser beaucoup de temps libre au point que c’est dans ces bureaux qu’il écrira « L’écume des jours » et « L’automne à Pékin ». Le Major demande à Antioche de faire pour lui auprès de son oncle la demande en mariage mais à la suite d’un quiproquo le Major est embauché à la CNU pour normaliser... les surprises-parties. Vercoquin ayant eu la même idée il fallu donc désigner, à la manière de Boris Vian, le vainqueur de cette joute dont l’enjeu est Zizanie. Cela non plus ne manque pas de sel .

C’est surtout l’ambiance festive des « zazous », le mode d’emploi pour la drague en « surpat » comme on disait alors et la volonté des jeunes gens de sortir de l’ambiance de cette guerre en profitant de toute nouvelle liberté qui, au cas particulier, se décline en liberté sexuelle. Mais cela met surtout en évidence ce que Boris aimait, l’alcool, les voitures, les femmes, la musique, c’est à dire les passions de quelqu’un qui voulait profiter de la vie qu’il savait brève pour lui puisqu’il disait qu’il n’atteindrait pas 40 ans !

On peut se perdre en conjectures sur les significations de ce roman et y voir par exemple l’opposition entre deux modes de vie surtout au sortir de la guerre, entre deux générations ou peut-être la remarque personnelle de Boris lui-même à l’ultime fin de ce roman... à propos du mariage !

J’ai retrouvé avec plaisir, malgré cette histoire un peu loufoque, les jeux de mots, les calembours et les dialogues et les situations surréalistes que j’apprécie tant chez Boris Vian.

 

 

 

 

©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsitee

 
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