la feuille volante

DANS LE TRAIN

N°779 – Août 2014.

 

DANS LE TRAIN - Christian OsterLes Éditions de Minuit.

 

Les gares ont toujours été un lieu de rencontre privilégié. Quoi de plus étonnant qu'un homme y croise une femme et c'est peut-être le début d'une aventure amoureuse. Naturellement l'homme lui propose de porter son bagage, un sac plein de livres. Comme c'est un habitué des lieux et que cette femme lui plaît, il tente sa chance et l'accompagne dans le train et descend à la même station qu'elle, lui porte son sac jusque sur le quai. En principe quelqu'un l'attend dans cette ville et par curiosité, par envie ou par amour, il décide de la suivre de loin, prend un chambre à l'hôtel des voyageurs tout proche parce qu'il pense qu'elle y est descendue. Tel est le point de départ de cette histoire où cet homme, Franck, qui donne l’impression au début de savoir ce qu'il veut, est entreprenant et même carrément dragueur, pire peut-être, séducteur, puis au fil des pages devient hésitant, timide, maladroit. C'est le genre d'hommes à suivre de loin les femmes dans la rue mais sans les aborder sans leur adresser la parole. Finalement il a peur des femmes et se révèle être le jouet de cette Anne qui fait de lui ce qu'elle veut. Il en souffre mais aime cette souffrance puisque c'est elle qui la lui inflige. Il ne réagit guère et ne cherche même pas à profiter d'une situation qu'il a pourtant cherchée et dans laquelle maintenant il ne joue plus aucun rôle, ou si peu. Il se dit qu'il l'aime mais cet amour est platonique, idéalisé, intellectualisé, irréel même. Il subit cette crainte des femmes et quand il veut faire montre d'audace, cette dernière tombe à plat simplement parce qu'il ne va pas au bout de sa volonté. Finalement il est pathétique d'hésitations, il réfléchit, il ratiocine même et son embarras est maladif face à Anne qui se joue de lui et joue avec ses scrupules. Il est tellement fasciné par elle qu'il lui eût écrit des poèmes s'il avait su le faire mais elle lui aurait sans doute montré beaucoup d'indifférence.

 

Petit à petit il devient son ange-gardien, sa mascotte, un remplaçant mais si elle fait l’amour avec un homme dans cet hôtel, ce n’est pas avec lui. On a du mal à cerner cette femme, est-elle une allumeuse, une intellectuelle frigide, une hypocrite, une jouisseuse qui recherche l'extase dans les bras de n'importe qui et qui joue avec ce pauvre Franck ? Peut-être, mais lui, amoureux transi, ne peut que lui obéir et quand son tour vient de bénéficier de ses faveurs, il est aux anges. Dès lors son imagination est sans borne. Il veut l'aider , se sentir responsable d'elle et choisit de voir dans chacun des gestes qu'elle fait, même plus anodin, une confirmation de cette impression qui peu à peu s'installe dans son esprit et devient une certitude. C'est le signe de quelqu’un qui a longtemps attendu le grand amour, qui se persuade qu’il l'a enfin trouvé et qui fera tout pour le garder.

 

Il m'apparaît comme un grand sentimental qui idéalise les femmes parce qu'il en a peur et qui est parfaitement capable de tomber amoureux de chacun d'elles ; il est de ceux qui font rimer amour avec toujours et qui veulent surtout y croire, de ceux qui n'oublient jamais le nom de leurs conquêtes féminines simplement parce qu’elles ne sont pas si nombreuses. Pourtant, même s'il est sympathique, ce Franck, j'ai à son sujet un sentiment bizarre. Je pense que tout cela est bel et bon mais n'est finalement qu'une passade de plus pour Anne et que lui sera rapidement déçu parce qu'elle et lui n'ont pas la même approche et que ce qui est une belle histoire durable pour lui ne sera qu'une toquade de plus pour elle. Mais après tout il est peut-être bien qu'on lui laisse ses illusions !

 

Le texte est écrit à la première personne ce qui donne un monologue assez impersonnel. L'écriture d'Oster est descriptive, accordant une grande place aux détails du quotidien, donne à voir des scènes assez statiques avec une technique un peu bizarre marquée par une absence de dialogues directs mais qui sont rendus d'une manière indirecte. C'est orignal, pas forcément désagréable à lire, peut-être un peu moins fluide qu'un échange classique de paroles même si ce n'est pas sans instiller une certaine froideur dans le texte. D'aucuns pourront même y voir la marque d'une pudeur. Quand les dialogues reprennent leur place, ils le font une manière un peu gauche comme si tout cela n'était qu'un jeu sur la phrase et sur la langue pour donner une impression de malaise, d'inquiétude.

 

J'ai pris ce livre au hasard sur les rayonnages d'une bibliothèque. Je ne regrette pas.

 

 

©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

 
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