la feuille volante

Les choristes

N°1618 - Janvier 2022

 

Les choristes – Le journal de Clément Matthieu – Christophe Barratier.

 

Le lieu c’est un pensionnat perdu au fin fond de la campagne, pour élèves difficiles comme on en trouvait au sortir de la deuxième guerre, entre la maison de correction et l’internat, avec châtiments corporels, cachots, discipline quasi militaire instaurée par un directeur rétrograde et borné plus soucieux de son avancement que du bien-être de ses pensionnaires…

Un homme déjà âgé, Clément Mathieu, y débarque en qualité de simple surveillant, un pion comme on dit. Bien sûr, au début, pour l’éprouver, il ne coupe pas aux traditionnels chahuts et caricatures de sa personne de la part des élèves mais rapidement, parce qu’il a jadis donné des cours de musique et qu’il se met en tête de faire chanter les potaches dont il a la charge, et malgré la réticence de quelques uns, il transforme l’ambiance délétère au début en une atmosphère à la fois studieuse et festive qui fait évoluer petit à petit ce microcosme vers plus d’humanité. Il ne sera pas payé de retour, verra le directeur s’approprier ses mérites et sera renvoyé.

 

Je voudrais surtout revenir sur le film qui a été crée à partir de ce roman. Il est servi par de bons acteurs dont Gérard Jugnot est le principal. Il incarne fort bien la figure de ce pauvre pion célibataire qui a dû se faire pas mal d’illusions sur son avenir, désormais bien incertain et dont on voit très vite qu’il va être le souffre-douleurs du directeur comme des élèves. Il a raté sa vie, sentimentale comme professionnelle, il a obtenu ce poste dont sans doute personne ne voulait, mais il prend cependant son rôle très au sérieux. Il fait ce qu’il peut pour vivre et distribuer un peu de bonheur autour de lui, mais il est poursuivi par un destin implacable. Il ne sera reconnu ni pour son travail d’éducateur bénévole ni pour son talent de musicien, restera à jamais inconnu et mourra dans l’anonymat avec pour seule consolation la certitude d’avoir fait son devoir d’état. Il aura peut-être celle d’avoir fait naître une vocation, un de ses élèves dont il avait su reconnaître les dons musicaux et qu’il avait poussé dans la carrière de musicien deviendra chef d’orchestre. Il est resté célibataire parce qu’il n’avait croisé le regard d’aucune femme et celle qu’il a, un court moment, espérée dans ce rôle, s’éloignera presque naturellement de lui parce qu’il n’est rien dans cette société et que personne ne peut faire attention à lui.

C’est émouvant et on en oublierait presque la réalité. Le monde est plein de gens comme lui qui prennent leur travail et leur vie à cœur, le font avec conscience et espoir de faire avancer modestement les choses dans leur domaine, veulent rester eux-mêmes face à la flagornerie et à la volonté de réussir à tout prix de ses semblables qui ne reculent devant rien pour percer, même s’ils doivent pour cela écraser les autres... Gérard Jugnot incarne avec talent ce personnage malchanceux qui le restera toute sa vie sans qu’il y puisse rien. Il est reconnu depuis longtemps comme acteur comique et ses rôles l’ont longtemps cantonné dans ce registre. J’ai déjà fait cette remarque pour certains autres comédiens et quand il choisit le répertoire dramatique il est infiniment plus intéressant et talentueux.

 
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