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la feuille volante

Eduardo Mendoza

  • LA GRANDE EMBROUILLE-

    N°756 – Juin 2014.

    LA GRANDE EMBROUILLE- Eduardo Mendoza – Le Seuil.

    Traduit de l'espagnol par François Maspero.

     

    Le narrateur n'est autre qu'un ancien détective privé, reconverti en coiffeur pour dames, mais aussi l'ancien compagnon de cellule du beau Romulo du temps où ils étaient ensemble pensionnaires d'un asile psychiatrique. Ce genre de cohabitation crée des liens et c’est sans doute pour cela que lorsque la belle-fille, surnommée « Bout-de-fromage », de son ancien compagnon vient le solliciter pour retrouver son beau-père disparu, il n'hésite pas, laisse tomber ciseaux et peignes et se met en devoir de rechercher cet ami qui n'est en fait qu'un petit malfrat sans la moindre envergure. Il le fait d'autant plus volontiers qu’on évoque alors un enlèvement et pourquoi pas un assassinat, ce qui ne serait pas impossible dans les bas-fonds de cette Barcelone frappée par la crise ! Et d'ailleurs ce n’est pas clientèle de sa petite entreprise qui monopolise beaucoup son énergie ; ce local devient donc son quartier général.

     

    Dans cette quête improbable et puisque toute bonne investigation passe par une surveillance constante, notre ex-détective, passablement désargenté va faire appel à une équipe un peu hétéroclite, une statue vivante des Ramblas, une famille chinoise, une fillette spécialiste des serrures, une accordéonistes de rues, un livreurs de pizzas, un mendiant africain, une famille chinoise...bref une bande de pieds-nickelés dont les aventures se révèlent sans grand intérêt d'autant que la recherche du beau Romulo s'éternise un peu pour déboucher sur un centre de yoga et aussi, et c'est plus inattendu, sur un hypothétique complot terroriste qu'il convient de faire échouer visant à assassiner Angela Merkel, la chancelière allemande  ! Je passe sur l'erreur sur la personne et tout le décor de l'attentat manqué et les allusions à la crise économique. Telle est la trame rocambolesque de ce polar picaresque, baroque, loufoque et plein de rebondissements mais qui ne m'a guère passionné. Je suis peut-être encore un fois passé à côté de quelque chose mais je n'ai que très modérément apprécié cette lecture.

     

    Pourtant, même si j'ai parfois un peu apprécié le style de Mendoza (La Feuille Volante n° 750-756), j'ai eu du mal à entrer dans ce roman qui, quoique désopilant et échevelé m'a laissé un goût bizarre, quelque chose qui ressemble à de la déception qui reste quand j'ai refermé ce livre.

     

     

     

    ©Hervé GAUTIER – Juin 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • LES AVENTURES MIRACULEUSES DE POMPONIUS FLATUS

    N°752 – Mai 2014.

    LES AVENTURES MIRACULEUSES DE POMPONIUS FLATUS – Eduardo Mendoza - Le Seuil.

    Traduit de l'espagnol par François Maspero.

     

    A la recherche d'une hypothétique source miraculeuse, Pomponius Flatus, patricien, philosophe-incrédule devant les dieux entreprend un voyage dans l'empire romain ce qui lui provoque de fréquents dérangements intestinaux. Nous sommes au premier siècle de notre ère et il narre ses tribulations voyageuses à un certain Fabius qui le conduisent à Nazareth où un certain Joseph, charpentier de son état, vient d'être condamné à mort pour avoir assassiné un riche propriétaire juif. Il rencontre son jeune fils, Jésus, convaincu de l'innocence de son père qui lui propose de le disculper. Voilà donc notre voyageur précipité un peu malgré lui dans une enquête d’autant plus difficile que ledit Joseph semble vouloir accepter son sort avec résignation et conserver le silence sur les circonstances de cette affaire même si cela doit lui coûter la vie.

    Traversant des contrées diverses, il promène sur celles-ci et ceux qui les habitent, sur leurs sociétés, leurs règles, leurs hypocrisies, leurs religions, un regard critique et se transforme ainsi en ethnologue, sociologue et pourquoi pas théologien puisqu'aussi bien il en profite pour donner son avis sur Dieu (et les dieux), sur la Bible, le Coran ou la Vulgate et même pour réécrire à sa manière un autre évangile apocryphe, un de plus ! Comme dans toute enquête policière il y a des meurtres, des mystères et des péripéties inattendues et celle-la ne fait pas exception. Pour l'aider dans ses investigations notre brave Pomponius n'hésite pas à s'adjoindre les services d'un légionnaire dont la force physique n'a d'égal que la naïveté. Il faut dire que, bien qu'en terre d'occupation, Pomponius, parce qu'il est citoyen romain et noble de surcroît, bénéficie de la protection des tribuns locaux ce qui lui confère une certaine liberté

     

    C'est une aimable fable historico-policière où l'auteur amène son lecteur à faire des rencontres un peu surréalistes qui prennent leur source dans son imagination débordante. Dans cette fiction carrément invraisemblable, les gens portent des noms qui ne sont pas le leur, des dieux descendent parmi les hommes, on assiste à un vaste entreprise de mystification collective avec, à la clé des songes dont l’interprétation se veut significative, des zones d'ombre et des affirmations difficiles à admettre, un peu comme tout ce que les religions nous assènent dans leur message !

     

    Le hasard m'a fait connaître les romans d'Eduardo Mendoza et j'avoue bien volontiers que pour une fois il a bien fait les choses [La Feuille volante n°750]. Ici, non seulement j'apprécie l'histoire, le dépaysement mais aussi l'érudition (mais parfois les dialogues en sont un peu trop farcis), l’humour, le suspense, le style jubilatoire... Mais quand même, j'ai été, au fur et à mesure de ma lecture, un peu lassé par les faits rapportés, et même un peu déçu à la fin.

     

    ©Hervé GAUTIER – Mai 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • BATAILLE DE CHATS

    N°750 – Mai 2014.

    BATAILLE DE CHATS – Eduardo Mendoza

    Traduit de l'espagnol par François Maspero

     

    Le roman s'ouvre sur une rupture amoureuse épistolaire, une lettre un peu lâche écrite dans un train qui conduit à Madrid Anthony Whitelands, un expert britannique en peinture espagnole qui ainsi rend sa liberté à Catherine, sa maîtresse depuis près de trois ans. Nous sommes en mars 1936, l'Espagne est républicaine, l'agitation sociale est à son comble, les grèves sont quotidiennes, l'ordre public est gravement menacé et la guerre civile couve. Il se rend donc à Madrid chez un aristocrate, le duc de la Igualada pour une estimation en vue d'une transaction qui doit restée secrète à cause des événements. L'aristocrate souhaite en effet se défaire de sa collection de tableaux pour financer sa fuite et celle de sa famille. C'est donc pour Whitelands, habitué à la tranquillité des musées, un voyage à hauts risques dans un pays au bord de l'implosion puisqu'il est interdit que des œuvres d'art quittent l'Espagne.

     

    Comme rien n'est simple, il va être rattrapé par ses vieux démons d'une part en la personne de Paquita, la fille du duc avec qui il a quelques affinités et surtout un tableau inconnu de Velázquez appartenant à ce même duc, qu’il juge authentique et d'une inestimable valeur. On ne s'étonnera donc pas trop que notre ami souhaite différer quelque peu son retour en Anglettre. A la suite d'une mésaventure, il contacte l'ambassade d'Angleterre et, dans le même temps se retrouve invité à collaborer avec la sécurité espagnole. Bref, tout cela devient bien confus et même carrément glauque pour cet Anglais un peu naïf et pas mal porté sur la bouteille, d'autant plus que, lui qui n'a jamais fait de politique constate que tout cela finalement le dépasse, lui qui n'était venu ici que dans un but artistique. Il se trouve en effet compromis avec les phalangistes et pour cela poursuivi par la police républicaine. Il découvre comment les tribuns galvanisent la foule de leurs sympathisants et les amène à combattre grâce à des discours, des chants et des saluts emblématiques, le tout dans une ambiance délétère où tous les protagonistes ne rêvent que d'en découdre. Cette période troublée débouchera sur une guerre civile sanglante. Le contexte international explosif, l'achat d'armes, l'espionnage et les rumeurs de coup d'état militaire, la politique étrangère de la Grande-Bretagne et l'équilibre de cette région, les problèmes diplomatiques, les troubles quotidiens et violents entre fascistes et républicains bousculent ce pauvre homme de plus en plus perdu dans cet imbroglio auquel il n'était évidemment pas préparé. C'est un peu comme s'il se trouvait au centre d'un maelstrom sans trop pouvoir comprendre ce qui lui arrive, et de plus le voilà affublé d'une petite prostituée espagnole qui espère gagner l'Angleterre avec lui. Pour des raisons qu'il ne peut encore comprendre Paquita, cette femme énigmatique et dont il est de plus en plus amoureux, lui demande de déclarer à son père que le Velázquez est un faux alors qu'il n'en est rien.

     

    Pour lui, la découverte de ce tableau inconnu de Velázquez (un nu qui n'est guère dans le style de l'époque) serait un tournant favorable dans sa carrière d'expert et d’universitaire mais, à cause de ce fait nouveau le conservateur de la « National Gallery » entre en scène. Ce tableau a pourtant, pour la république et ses opposants politiques une toute autre signification mais l'intérêt personnel et immédiat d'Anthony se trouve contrecarré par cette aventure un peu rocambolesque et qui met surtout en perspective une lutte pour le pouvoir et les magouilles qui permettent de l'obtenir. Sa seule planche de salut serait sans doute de quitter le pays mais les événements autant que l'attirance qu'il éprouve pour Paquita l'en empêchent.

     

    C'est donc à un roman historico-policier palpitant où se mêlent violence, mensonge et amour auquel le lecteur est invité. L'Histoire et ses personnages réels se mêlent à cette cette fiction qui se déroule avec un sens consommé du suspense. On y croise le résumé des événements politiques qui ont bouleversé l'Espagne mais aussi une érudition artistique de grande qualité et une présentation explicative très fine de certains tableaux. J'observe également que l’auteur se livre au cours du récit à une analyse pertinente des faits historiques qui ont précédé la guerre civile et livre également une opinion assez juste des protagonistes principaux de ce conflit et du contexte espagnol. Reste Anthony qui se révèle un séducteur un peu malgré lui et un témoin étonné de toutes ces situations. Il est carrément perdu et même dépassé dans cette lutte d'influences au point qu'il craint pour sa vie d'autant plus qu'autour de lui c'est un jeu de massacre qui accompagne ses aventures avec morts et blessé. A ce sujet, je veux dire que la fiction autorise évidement toutes les mises en scène, que les périodes troublées comme celle que l'auteur a choisie, favorisent les rencontres les plus insolites voire les plus inattendues mais j'ai eu quand même un peu de mal à admettre que ce pauvre Anthony ait pu aussi facilement approcher les principaux protagonistes d'un drame qui va ensanglanter toute l'Espagne.

     

    Finalement, le lecteur connaîtra la vérité sur ce tableau qui est le prétexte à cette affaire et Anthony un peu étourdi aura sans doute un peu de mal à se remettre de cette aventure.

     

    Et les chats dans tout cela ? On n'a guère vu dans ce roman trace de nos compagnons félins qui, bien souvent sont les acteurs un peu involontaires des roman à suspenses. C'est que, sans qu'on sache très bien pourquoi, les habitants de Madrid sont surnommés les « gatos », les chats ; Cette bataille de chats est donc en réalité une bataille de Madrilènes puisque ce roman se déroule dans la capitale de l'Espagne.

     

     

    ©Hervé GAUTIER – Mai 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com