la feuille volante

Francesco Guccini

  • Un matrimonio, un funerale, per non parlare del gatto

    La Feuille Volante n° 1306

     

    Un matrimonio, un funerale, per non parlare del gatto – Francesco Guccini. Mondadori.

    (Un mariage, un enterrement, sans parler du chat)

     

    Dans ces courts nouvelles écrites à la première personne, l'auteur évoque son enfance paysanne des années 50 en Italie, puise dans ses souvenirs, explore sa mémoire et donne à voir à son lecteur, à travers les mots, des instantanés d'une vie révolue où, bien entendu tout était différent. Comme il se doit, il décrit un mariage, une noce précédée du joueur d'accordéon et du mélangeur de vin, où, jeune homme il avait été invité et où il fit aux mariés un cadeau original assez inattendu. Nous avons droit aussi aux souvenirs d'école, aux premiers émois amoureux entre garçons et filles, mais qui restaient dans la limite du raisonnable, se limitaient seulement à quelques baisers sages et surtout respectaient la virginité indispensable pour le futur mariage des jeunes filles. L’enterrement faisait aussi partie des rassemblements incontournables des gens du village, avec son rituel immuable de faire-part public qui faisait que personne ne pouvait ignorer l'événement. Les femmes entraient à l'église pour la messe mais les hommes restaient à l'extérieur, parlant du défunt, ce qu'il était et ce qu'il avait fait, une dernière fois, comme un hommage. L'auteur nous invite dans les petites boutiques qui faisaient la vie sociale et qui maintenant n'existent plus parce que la vie a changé. On y venait pour parler souvent autour d'un verre, parce que cela faisait aussi partie du jeu, on s'y vantait un peu d'exploits imaginaires, on s'y moquait gentiment du voisin qui était aussi un ancien camarade de classe…Il nous convie au marché d'antan où les transactions se faisaient à grand coups de mains, avec un sens du théâtre que chacun avait à cœur de respecter et où les chanteurs de rue, à la fois clowns, musiciens, comédiens et journalistes animaient la place de leurs voix et de leurs gestes, de leur présence. Il évoque aussi des étrangetés comme cette bergère italienne analphabète qui chantait naturellement, et sans jamais avoir appris la métrique, en vers octosyllabes, le mauvais œil qui sévissait dans les campagnes ou des histoires simples comme celle de ce migrant italien parti au États-Unis pour y trouver du travail et qui revient chez lui !

     

    Quant au chat qu'il ne faut surtout pas oublier, ce serait injuste. Il est un des animaux emblématiques des écrivains, les inspire, leur souffle sans même le savoir leurs plus belles créations. Il a une place particulière dans le bestiaire de chaque auteur. C'est un être mystérieux, bien supérieur aux humains me semble -t-il : c'est un animal tellement secret, tellement étrange qu'il en est attirant et qu'on lui prête volontiers des pouvoirs divins voire sataniques. Ses ronronnements ont quelque chose d'envoûtant. Il paraît qu'il a neuf vies, qu'il a sa propre façon de s'exprimer, qu'il est diabolique, et encore on ne nous dit pas tout ! Paradoxalement on le rejette par méfiance où au contraire on cherche à se concilier ses bonnes grâces, mais finalement sa liberté et son indépendance sont les plus fortes.

     

    Ce sont des récits courts, un peu comme des clichés qui auraient recueillis des visages sur un papier cru aux couleurs sépia, une façon de tisser autours d'eux la mémoire de quelqu'un qui, à un certain moment, a fait partie du monde des vivants mais n'est plus qu'un souvenir que les mots retiennent de tomber dans l'oubli.

     

    Il y a de la nostalgie, de la mélancolie dans tout cela, des regrets du temps qui passe, la certitude que nous ne sommes ici que de passage, que notre vie n'est finalement qu'une bien faible vibration dans le grand mouvement du monde, que nous n'y laissons somme toute aucune trace. Peut-être mais n'est ce pas la source d'inspiration de bien des créateurs ?

     

    Textes lus en italien et à haute voix (malgré quelques mots dialectaux parfois difficiles à comprendre) pour apprécier la musicalité de cette belle langue cousine.

     

    Francesco Guccini, né en 1940 est chanteur-compositeur, également écrivain et dessinateur de bandes dessinées.

     

    ©Hervé GAUTIER – Décembre 2018.http://hervegautier.e-monsite.com