la feuille volante

Alcools

N° 1444 - Mars 2020.

 

Alcools – Apollinaire – Poésie Gallimard.

 

Lorsque en 1913, ce recueil est édité, Apollinaire (1880-1918) a déjà publié des romans, des contes, des critiques d’art sur la peinture, « Calligrammes » paraîtra en 1918 et les « poèmes à Lou » longtemps après sa mort. Il est composé de textes écrits auparavant et publiés dans des revues d’où il ressort différents thèmes d’ inspirations. On ne retient généralement d’ « Alcools » que « Le Pont Mirabeau » ou « La chanson du Mal-Aimé »(Cette édition comporte également « Le bestiaire » et »Vitam impendere amori »). Le titre, « alcools » (au pluriel) évoque le vin, l’eau de vie qui soûlent, (Vendemiaire- Zone), l’amour qui grise, mais aussi Baudelaire qui dans un de ces textes invite son lecteur à s’enivrer « de vin, de poésie ou de vertu, à votre guise » . Ce recueil est composé de nombreux poèmes où se mêlent le passé et le présent. C’est une poésie expérimentale où, à l’exemple de Blaise Cendras, il supprime toute ponctuation. On sent une inspiration classique, narrative tragique et même lyrique dans les références qu’il fait dans ses poèmes, mais l’architecture des textes va des vers libres au respect de la prosodie, de la métrique et de la rime mais aussi son écriture s’épanouit dans la plus grande liberté de création.

Cette énième relecture laisse apercevoir un homme qui est sensible à la beauté des femmes, qu’elles soient passantes (Annie- 1909), amantes (Le pont Mirabeau - Marie) ou prostituée (Marizibill), un homme qui cherche désespérément le grand amour à travers toutes celles qu’il rencontre, sans peut-être jamais le trouver(L’Adieu), et cette recherche révèle un être tourmenté quand il est éconduit par une femme(La chanson du mal-aimé), par la liaison quelque peu orageuse qu’il entretient avec Marie Laurencin, ou par son amour non partagé avec Annie Playden, lui à qui on prête pourtant de multiples conquêtes. Il en résulte pour lui une sorte de mal-être, d’enfermement (hôtels) et, dans le poème « les colchiques » il fait une allusion à la beauté des femmes mais aussi à leur nocivité, cette fleur secrétant également un poison et paradoxalement, il associe sa saison préférée, l’automne, à l’infidélité (Automne). Il finira par épouser Jacqueline (Amélia Kolbe- « La jolie rousse ») qui réalisera des publications posthumes de ses œuvres, le 2 mai 1918, quelques mois avant sa mort en novembre.

Le mystère qui plane sur le nom de son père et qui générera une crise d’identité exorcisée par l’écriture, ajoutera sans doute à cette souffrance. Cette quête se conjugue à une certaine obsession de la fuite du temps et de la mort (Cortège), à la résurrection (La maison des morts), mais aussi de nombreuses allusions au Christ, à la religion chrétienne, comme un recours (Zone). D’ailleurs ses états d’âme transparaissent et il en conçoit de la mélancolie et même de la souffrance (Automne malade - Automne) qu’il exorcise dans l’amour qu’il porte à la nature, au voyage, à la ville(Paris), à la vie... Pourtant, c’est avec « Vendémiaire » qui évoque aussi l’automne et les vendanges, qu’il renaît à la vie et entrevoit l’avenir . Il y a beaucoup de référence au Rhin à cause d’un voyage qu’il fit en Allemagne mais il choisit ce fleuve mythique pour ses secrets, ses mystères ses légendes (La Loreley- Nuit rhénane)

C’est donc un recueil qui explorent une mosaïque de thèmes d’inspiration qu’il traite d’une manière originale. C’est un truisme que de dire qu’Apollinaire a été un poète de transition qui révolutionna la poésie par son amour des mots, de leur musique et par la liberté de sa plume qui célébra notre si belle langue française. De lui se recommanderont les surréalistes qui lui doivent leur nom, un courant de la poésie italienne (« la poésie narrative »)son existence et la chanson française qui est un formidable vecteur de la poésie s’en est largement inspiré. Il n’est heureusement pas comme beaucoup aujourd’hui un poète oublié, « maudit », puisqu’il a influencé durablement la poésie française et que l’histoire, la littérature et la culture se souviennent de son passage sur terre.

©Hervé Gautier mhttp:// hervegautier.e-monsite.com

 

 

 
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