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la feuille volante

Le Président - Un film d'Henri Verneuil

 

N°576– Mai 2012.

LE PRESIDENT Un film d'Henri Verneuil (1961).

(Arte – Dimanche 6 mai 2012 – 20h40).

 

La politique est une chose passionnante mais ceux qui la font, c'est à dire ceux qui en font leur métier, le sont, à mes yeux, beaucoup moins. Ainsi donc, au soir du 6 mai 2012, une fois les résultats de l'élection présidentielle connus, ai-je eu plaisir à regarder une nouvelle fois le fameux film d'Henri Verneuil « Le Président ». Cela tombait plutôt bien et collait à l'actualité. Je délaissai donc les cris de victoire et d'espoir des vainqueurs, et les déclarations de dépit des autres, abandonnant la situation et ses évolutions probables aux commentaires des journalistes, aux déclarations des hommes politiques des deux bords, aux appréciations des instituts de sondage; tout cela reviendrait bien assez tôt, dès le lendemain dans les médias, sous forme de florilèges ou de chroniques. Et puis j'aime bien le cinéma. Surtout que ce film, même s'il n'est pas de la première jeunesse, même s'il est en noir et blanc, a le mérite d'être le reflet de la condition d'hommes politiques, même si le constat date un peu et s'inscrit dans une hypothétique IV° République qui s'est caractérisée par des crises ministérielles à répétition et a fini par en crever.

Et puis, quand un film met en scène Jean Gabin, c'est plus fort que moi, il faut que je le regarde et que je le savoure tant cet acteur avait de talent. Il campait avec le même bonheur un prolétaire ou un aristocrate, un flic intègre ou un voyou de la pire espèce. Nous manquons actuellement terriblement de ces « Monstres sacrés » que chacun à plaisir à retrouver sur la pellicule bien des années après leur disparition. Et puis ce film brille aussi par les dialogues et aphorismes du regretté Michel Audiard qui savait si bien manier les mots. (« Dans un voyou il y a toujours un Préfet de Police qui sommeille » « Je suis un mélange de conservateur et d’anarchiste, dans des proportions qui restent à déterminer »)

L'histoire où, bien entendu « toute ressemblance avec des personnes existants ou ayant existé ne serait que pure coïncidence » s'ouvre sur la visite d'un homme politique anglais de premier plan qui vient à Paris pour une conférence internationale et fait à son vieil ami, le Président Émile Beaufort (Jean Gabin), qui passe dans sa propriété familiale une retraite paisible, une visite de courtoisie. Paisible, pas tout à fait puisque, compte tenu de son grand âge, il y a à sa porte une meute de journalistes qui attendent la nouvelle de sa mort et que la venue du médecin ou du curé remplissent d'espoir. Au moins ils auront quelque chose à imprimer dans leur journal. C'est que l'homme n'est pas le premier venu. Il a été, dans le cadre d'une hypothétique IV° République, un Président du Conseil qui, à l'époque, éclipsait même le locataire de l'Elysée. Il incarnait, fictivement bien sûr, cette génération d'hommes qui étaient entrés en politique comme on entre en religion, c'est à dire qu'ils s'étaient investis si personnellement dans leurs fonctions qu'ils s'étaient oubliés eux-même. Quand on lui demande le détail de sa vie sentimentale Beaufort répond qu'il est veuf après dix années d'un mariage heureux, qu'il n'a jamais qu'une maîtresse, la France, et pour le reste, il a fréquenté les maisons closes et les théâtres subventionnés (merci Michel Audiard). Nous avons effectivement eu dans l'histoire de nos républiques des hommes qui se sont effacés devant leur fonction au point de ne pas pratiquer l'enrichissement personnel, le népotisme ou les prévarications de tous ordres, mais ils sont rares. Ceux de maintenant fréquentent plus souvent les prétoires et parfois même les prisons que les couloirs de la Chambre, les bureaux des ministères ou les salons des palais nationaux. Le traditionnel antiparlementarisme français vient sans doute de là.

C'est que, un Président du Conseil, surtout quand il a été intègre, a toujours quelque chose à dire et compte bien laisser son nom dans l'histoire en révélant sur le tard les ficelles et les intrigues qui ont émaillé ses mandats. Alors il écrit ses mémoires. C'est bien ce que fait Beaufort. Il en profite pour jeter un regard désabusé sur l'espèce humaine en général, sur ses trahisons et ses compromissions et bien entendu sur la classe politique qu'il connaît bien. Son directeur de cabinet de l'époque, Philippe Chalamond (Bernard Blier), jeune homme plein d'avenir et d'ambition, trahit le secret qui entoure une prochaine dévaluation. C'était le temps où, quand elle était réussie, elle correspondait à une relance de l'économie, à condition qu'elle reste cachée jusqu'au dernier moment. Pour des raison d'enrichissement familiale et parce qu'il voit là une occasion de se lancer dans l'arène, il révèle cette mesure à son beau-père, banquier, ce qui lui permet de spéculer contre le franc, c'est à dire contre son pays. Beaufort ne peut enrayé cette décision mais exige que Chalamond atteste par écrit sa culpabilité. Cette simple lettre qui restera longtemps entre les mains de Beaufort bride Chalamond au point que le ministère de l'Intérieur charge la secrétaire particulière du Président de récupérer ce papier compromettant. Nous retrouvons Chalamond, à la Chambre quelques années plus tard. Il est question de la construction européenne que Beaufort avait défendue(déjà) et que Chalamond, alors chef de file des députés conservateurs, avait combattue. A l'époque, ils avaient refusé la confiance à Beaufort ce qui avait fait chuter son ministère. Cela a été l'occasion d'une envolée lyrique du Président comme on aimerait en entendre plus souvent au parlement et ailleurs, dénonçant l'affairisme des députés d'opposition. A l'un d'eux qui a fait du pacifisme son option politique, il reproche l'activité familiale de... fabriquant d'armes, à un autre, démocrate chrétien, il rappelle son métier d'avocat d'une banque israélite...

Plus tard, Chalamond qui est pressenti comme chef de gouvernement, vient rendre visite nuitamment à Beaufort, sollicitant son avis et lui proposant une collaboration occulte, faisant aussi amende honorable, son projet de gouvernement reprenant celui de Beaufort qu'il avait portant combattu quelques années plus tôt. Le vieux renard refuse de succomber à la vanité de revenir ainsi aux affaires et Chalamond qui en réalité venait rechercher sa confession compromettante, repart sans l'avoir obtenue et se voit contraint de renoncer au pouvoir.

J'ai revu ce film toujours d'actualité avec plaisir. On y parle des États-Unis d'Europe, du nécessaire abandon de la souveraineté nationale qu'implique le fédéralisme, de l'Europe de la fortune contre celle du travail. On y met une nouvelle fois en lumière la bassesse et la cupidité des hommes, leur appétit de pouvoir, l'hypocrisie qui gouverne cette espèce humaine décidément peu fréquentable.

 

©Hervé GAUTIER – Mai 2012.http://hervegautier.e-monsite.com

 

 

 

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