la feuille volante

Quelques mots sur James Joyce (1882-1941)

 

N°602– Décembre 2012.

Quelques mots sur James Joyce (1882-1941).

 

James Joyce est l'un des écrivains les plus emblématiques du XX° siècle,à la fois romancier, nouvelliste et poète et j'avoue bien volontiers que dans ma bibliothèque idéale, il tient une place de choix.

 

Il est l'aîné d'une famille catholique de douze enfants dont deux mourront en bas âge. Sa mère, née Mary Jane Murray est une jeune femme douce qui ne vit que pour son foyer et ses enfants. Son père, collecteur d'impôts, s'adonne régulièrement à la boisson ce qui fera rapidement péricliter les biens familiaux.

Dès 1888, il entre chez les jésuites qui reconnaissent en lui un élève très doué. Il en sort pourtant quatre ans plus tard, son père ne pouvant plus payer ses études. Il l'inscrit chez les frères de la doctrine chrétienne mais le Belveder Collège de Dublin tenu par les jésuites accueille gratuitement James et son frère Stanislaus. Il semblerait que ce « cadeau » fait par le directeur de l'école ait eu pour but de faire entrer James dans l'ordre des jésuites mais il refuse. Cependant il commet une composition favorable à Byron qui est jugée hérétique. Il entre donc en conflit avec son école et aussi avec le catholicisme en devenant agnostique. En 1991, Charles Parnell, homme politique irlandais, figure du nationalisme, qui convaincu d'adultère, meurt abandonné de tous et James en fait le symbole du héros trahi par la multitude. Ce thème reviendra souvent dans son œuvre. Cette tragédie fera de lui un écrivain antinationaliste, anticlérical et antiféministe.

En 1898, il entre à l'University College de Dublin pour y étudier les lettres et les langues et à partir de cette date s'implique dans la lecture, l'écriture et la participation active dans les activités littéraires de cette université. En 1903 le voilà à Paris pour étudier la médecine mais où il dilapide le peu d'argent qu'il possède en beuveries. Après la mort de sa mère, il gagne petitement sa vie en écrivant, en enseignant et même en chantant. Il se fait même pion, comme Stephen dans Ulysse. A l'âge de 22 ans, il commence la rédaction d'un long roman, tombe amoureux de Nora Barnacle alors femme de chambre et part avec elle pour Trieste où l'école Berlitz lui offre un poste d'enseignant mais à la suite d'un malentendu se retrouve à Pula dans l'actuelle Croatie. Il n'y reste qu'une année et s'installe à Trieste où il enseigne l'anglais pendant 10 ans. Giorgo , son fils né en 1905 et c'est à cette période qu'il commence à souffrir de problèmes oculaires graves qui finiront par le rendre presque aveugle.

En 1906, il part pour Rome où il a obtenu un poste d'employé de banque mais ni l'emploi ni la ville ne lui plaisent et il retourne à Trieste en 1907, date de naissance de sa fille Lucia qui deviendra schizophrène. Il publie son premier livre de poèmes, Chamber Music. En 1909 le voici à Dublin où il publie Gens de Dublin, un recueil de nouvelles qui est une photographie ironique et parfois cruelle des habitants de sa ville natale. Suivent des allers et retours entre Trieste et Dublin où il est un temps représentant pour les propriétaires de cinémas, il repart pour l'Italie où il donne des conférences et rédige des articles pour les journaux. En 1915, il doit quitter Trieste où il avait envisagé de se faire importateur de tweed et s'installe à Zurich où il enseigne. Sa notoriété littéraire grandit ce qui lui permet de recevoir des dons en argent et de rencontrer un mécène en la personne de l'éditrice féministe anglaise Harriet Shaw Weaver qui le soutiendra jusqu'à sa mort ce qui lui permettra de soigner sa cécité grandissante et la schizophrénie de sa fille. En 1920, il s’installe à Paris où il restera pendant 20 ans, y rencontrant des écrivains français de renom comme Marcel Proust ou Valéry Larbaud. C'est ici qu'un an plus tard il termine Ulysse qui est considéré comme son chef-d’œuvre, Ce roman qui établit sa notoriété. En 1939, il quitte Paris à cause de l'occupation allemande. Il meurt à Zurich en janvier 1941.

 

Son œuvre est le reflet de sa vie personnelle, ainsi le personnage de sa propre mère se retrouve sous les traits de Mme Dédalus dans « Ulysse ». Quand la famille s'installe à Bray près de Dublin et qu'il tombe amoureux de sa voisine, la jeune Eillen, ce détail se retrouve dans « Portrait de l'artiste en jeune homme » (Dédalus ). Léopold Bloom et Buck Mulligam, tous deux personnages d'Ulysse sont directement inspirés d'hommes que Joyce a croisés dans sa vie. Son œuvre s'inscrit dans la ville de Dublin qu'il voit davantage comme une citée idéale, mystique et allégorique bien qu'il ait passé la plus grande partie de son existence nomade à l'étranger. Cette ville où pourtant il est né et qu'il et en scène dans « Ulysse », il la renie et la fuit pour se réfugier transitoirement ailleurs sans pouvoir s'y poser durablement, à part peut-être à Paris, ville ô combien symbolique d'une vie de « la belle époque ». Sa vie est un véritable labyrinthe et ce n'est pas un hasard s'il choisit le nom de « Dédalus », Dédale, architecte de la prison du Minotaure.

Sa propre existence est un voyage, une véritable prison dont il ne pourra se libérer que par l’ivresse, par l'écriture et dont la seule issue sera la mort (Il évoque ce thème dans la dernière nouvelle des « gens de Dubin » et dans « Finnegans Wake »), à la fois redoutée et désirée. Dans « Finnegans Wake », le dernier ouvrage de Joyce (il n'a plus que quelques mois à vivre, sa santé est de plus en plus fragile et il est presque aveugle et sa fille est devenue folle), la mort est présente comme dans une sorte de rêve oùToute son existence sera un exil et il sera lui-même un déraciné, un éternel réfugié toujours en partance. Quand la guerre éclate dans un pays, il le quitte pour la neutralité de la Suisse et lorsque l'Irlande combat l'Angleterre, il s'exile. C'est pourtant lui que la littérature reconnaît comme le plus emblématique des écrivains irlandais. Il aura en revanche l'attribut de cette errance : l'indépendance et la liberté, celle de refaire le monde et d'abolir le temps, celle aussi de triturer la phrase, les mots et l'histoire même en y instillant du rêve, en imprimant au texte sa marque, originale et parfois inattendue au point de détruire le langage en le réinventant. L'effet produit est à la fois poétique et inquiétant.

 

Il a été cet écrivain aux yeux qui, avec le temps se sont des plus en plus éteints, comme si le regard qu'il jetait sur l'expérieur lui échappait, un idéaliste détaché de ce monde où pourtant il survit difficilement, un esprit brillant, un intellectuel polyglotte, un des écrivains les plus commentés. Ses romans sont des labyrinthes pleins d'allusions littéraires et mythologiques ce qui rend la lecture parfois difficile et qu'il faut parfois faire au deuxième degré. Chez Joyce, il ne faut pas craindre les symboles, les allégories et la lecture entre les lignes.

 

©Hervé GAUTIER – Décembre 2012.http://hervegautier.e-monsite.com

 
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