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la feuille volante

A petites foulées

N°1659- Juillet 2022

 

A petites foulées – Javier Cercas – Actes sud.

Traduit de l’espagnol par Elizabeth Beyer et Aleksandar Grujičič.

 

Mario Rota est un jeune universitaire italien assez médiocre, divorcé, solitaire, un peu sauvage, en poste dans une université américaine. Sa vie tient beaucoup de la routine, des cours qu’il dispense sans grande conviction, de sages soirées entre collègues qui lui ressemblent et de vagues pensées érotiques pour une jeune femme dont il dirige la thèse. Rien de bien folichon donc. Il n’est pas vraiment chanceux avec les femmes, pas « donnaiollo » comme disent si joliment nos amis italiens et son seul exercice physique consiste en un jogging dominical, mais il s’est récemment foulé une cheville lors de cette séance. Pour banal et temporaire qu’il soit cet épisode et surtout la semaine qui va suivre, vont prendre une importance énorme dans sa vie. A l’université, il s’aperçoit que les choses changent pour lui, mais surtout que tout est contre lui, les femmes qui l’entourent se désintéressent de lui, on réduit ses heures de cours et donc son salaire, on lui affecte un bureau beaucoup moins confortable et un nouveau professeur plus prestigieux arrive qui lui fait de la concurrence sur tous les plans, bref on le pousse dehors parce qu’il est indifférent à tout et que sa médiocrité professionnelle va à l’encontre de la volonté d’améliorer le niveau du département de linguistique où il travaille, à commencer par celui des professeurs. Il s’enfonce petit à petit dans cette atmosphère où il se sent l’objet d’une persécution qui ressemble à une descente aux enfers.

Ce court roman, un de ses premiers livres, est bien antérieur aux « Soldats de Salamine » qui a fait la notoriété de son auteur. J’aime bien lire Javier Cerca depuis que je connais ses œuvres, parce que c’est bien écrit (bien traduit?)et même si celui-ci a eu sur moi son habituelle attraction, il m’a paru assez lent au début. L’épilogue est surprenant, quoique sans doute plus courant qu’on pourrait le penser concernant nos sociétés humaines. C’est certes une critique de l’université américaine mais aussi sans doute du monde du travail et de la société en général où la règle est d’affaiblir l’autre pour prendre sa place, le déstabiliser ou s’enrichir à ses dépends, une sorte d’évocation d’une forme de schizophrénie, mais j’y ai surtout vu une observation pertinente de l’espèce humaine dans tout ce qu’elle a de plus mesquin, de plus hypocrite. L’antihéros de Cercas a quelque chose de fragile, de simplement humain.

 
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