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la feuille volante

Dubuffet, artiste et collectionneur d'art brut

La Feuille Volante n° 1473 – Juin 2020.

 

Dubuffet, artiste et collectionneur d’art brut – Céline Delavaux - Seuil jeunesse.

 

Je remercie Babelio et l’éditeur de m’avoir fait parvenir cet ouvrage.

 

Dans le domaine de l’art, il est généralement admis que le novice commence par imiter les maîtres, c’est à dire les anciens, et ensuite crée et développe son propre style. Pour Jean Dubuffet (1901-1985)c’est un peu différent. Certes, à l’âge de 18 ans il s’est inscrit à l’école des Beaux-Arts du Havre où il est né, mais il s’y est vite ennuyé comme il sera déçu par cet enseignement quand il s’installera à Paris. Il poursuivra même une carrière de négociant en vins dans l’entreprise de son père et dans celle qu’il créera, sans pour autant perdre de vue son idée personnelle sur la peinture qu’il juge trop éloignée de la vie quotidienne. Il attendra cependant 41 ans pour s’intéresser à tout ce qui l’histoire de l’art refuse de voir, les dessins d’enfants, « les arts premiers », l’art populaire...Ainsi choisit-il de peindre des scènes familières, le métro, les magasins, les promeneurs et le fait en empruntant aux gamins leur fraîcheur, leur spontanéité, leur simplicité, leurs maladresses, oubliant volontiers les règles classiques de la perspective et des proportions, privilégiant les couleurs vives. Il pose même les les bases de son art personnel dans un livre où il promeut « la matière » qu’il emploie dans sa peinture y incorporant de la ficelle, du sable, des graviers… prétendant que ces matériaux donnent vie aux personnages, ce qui est ressenti comme une sorte de provocation… et provoque une surveillance policière ! Ainsi le terme « Beaux-Arts » atteint-il avec lui une sorte de paradoxe qui se manifeste dans les portraits pour le moins surprenants et loin des canons classiques qu’il fait de ses amis. Il ne leur demande pas de poser mais les observe au cours de la journée et les peint de mémoire, privilégiant une mimique, une expression, inventant ainsi un genre nouveau, comme une sorte de caricature, pas forcément apprécié du plus grand nombre. Ainsi « le nu », expression classique en peinture, prend-il une dimension pour le moins originale sous son pinceau, Dubuffet représentant le corps « des dames » non d’une manière traditionnelle qu’on rencontre dans les musées mais comme une vue intérieure, « un paysage mental » dont la complexité se retrouve dans le mélange de matières hétéroclites plâtre, colle, craie… Ce cheminement créatif se poursuivra jusqu’à sa mort dans sa volonté de peindre ses souvenirs personnels donnant des tableaux assez abscons. Il expérimente aussi l’art du collage, récupérant et agglomérant sur ses toiles ce que le hasard met sur sa route, ces assemblages faisant surgir une histoire, un ailleurs. Son imagination n’a pas de limites et le tableau final se dessine-t-il de lui-même comme un véritable puzzle. L’observation de la nature, l’habitude qu’il a prise d’incorporer à sa peinture des matériaux naturels l’amènent à réaliser de grandes toiles inspirées par la réalité même du sol qu’il foule, créant l’illusion d’un relief lilliputien. Paris, sa vie trépidante, ses magasins, ses passants ne pouvaient échapper à sa créativité mais cette volonté de représenter le mouvement se métamorphose dans une sorte de magma abstrait.

Vers la cinquantaine, la fascination du désert opère une évolution dans sa peinture et l’étude des langues bédouines qu’il retranscrit phonétiquement sans les comprendre l’amène à créer une sorte de « jargon » où la grammaire et l’orthographe suivent le sort de sa peinture, une véritable recréation. Le hasard va faire évoluer son art et le faire devenir personnel privilégiant la représentation graphique des objets qu’il emploie, les dessinant d’un simple trait noir stylisé, leur attribuant seulement deux couleurs, créant ainsi meubles et immeubles, faisant de lui un sculpteur, un architecte. Il a aussi été un collectionneur d’ « art brut », cette facette cachée de la créativité, commune à des gens autodidactes, marginaux et souvent malades psychiatriques qui portent en eux une souffrance et l’exorcisent par la création d’un monde imaginaire. Cet art rejoint « l’art moderne » et Dubuffet en a été de promoteur. C’est un ouvrage passionnant et très pédagogique qui permet d’aborder cet artiste, sa volonté de marquer son temps et de faire évoluer la peinture.

©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsiteN° 1423 - Janvier 2020.

 

 
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