la feuille volante

NOUS TROIS - Jean Echenoz

 

 

N°412 – Avril 2010

NOUS TROIS – Jean Echenoz – Éditions de Minuit .

 

Je poursuis, par une sorte d'intérêt que je ne m'explique pas très bien moi-même, la lecture de l'œuvre d'Echenoz. D'emblée le titre semble évoquer une relation vaudevillesque, pourquoi pas?


 

Cette histoire commence par un récit à la première personne, un peu anonyme quand même, et il y est question de technique. Puis ensuite on comprend, parce que le texte se décline sous la forme d'un récit, qu'entre en scène Louis Meyer, polytechnicien, astigmate, la cinquantaine...homme infidèle, solitaire et divorcé de Victoria Salvador, une femme avec qui il a eu pourtant une relation de lune de miel. Lui, c'est le type même du quidam. Il s'apprête à partir seul en vacance au bord de la mer chez une amie. Sur l'autoroute, l'incendie d'une voiture qu'il suit lui fait rencontrer une femme qu'il surnomme Mercedes, du nom de sa voiture, parce qu'elle lui parle peu et qu'il accompagne à Marseille[Il serait sans doute intéressant d'analyser ce mutisme qu'on retrouve dans d'autres romans, de même d'ailleurs que la relation qu'il a avec les femmes en général...]. Là un tremblement de terre intervient qui détruit une partie de le cité. Ensuite il est contacté par un collègue pour tester un vaisseau spatial destiné à prévoir les séismes. Le voilà donc soumis à un entrainement intensif qu'on imagine aisément et qui n'est vraiment plus de son âge. A cette occasion, il retrouve Mercedes d'une manière un peu surréaliste dans le cadre de ce ce projet un peu fou de fusée en orbite... Là cela devient de la science-fiction. Pourquoi pas?


 

C'est un peu comme si l'histoire n'était là que comme un prétexte, presque sans importance. En réalité, l'impression du début est fausse. La relation tripartite dont il s'agit ici s'établit plutôt entre le narrateur, le personnage principal et le lecteur, ce qui bouscule un peu les bases traditionnelles du roman. Pourquoi pas? A moins qu'il faille voir dans cette tierce personne, cette voix étrangère qui intervient à la fin, une sorte de dédoublement de la personnalité de ce Louis Meyer, une sorte de soliloque intérieur ou la volonté de l'auteur de s'insinuer dans le récit?

Faire intervenir le lecteur n'est peut-être pas une mauvaise initiative, explorer de nouvelles pistes sur le thème de la création littéraire aussi...Mais les narrateurs semblent se succéder presque à l'infini sans qu'on sache très bien ce qui justifie une telle démultiplication. La technique du flash-back est intéressante mais des personnages apparaissent pour disparaître définitivement ensuite et le lecteur est amené à se demander s'ils sont pas là par la seule force de l' imagination débordante de l'auteur, pour compléter un décor changeant... Est-ce pour brouiller les pistes, pour accentuer l'aspect labyrinthique d'un récit où pour mystifier ce lecteur à qui, pourtant, il semble donner quelque importance? Est-ce pour exprimer une sorte de désespérance, de mal de vivre, de solitude? Est-ce pour étonner dans un monde où rien n'est plus vraiment surprenant? Ce questionnement reste entier pour moi et je me demande si je ne suis pas passé complètement à côté de quelque chose.


 

De plus, la façon d'écrire me paraît un peu déconcertante, pourtant j'ai poursuivi jusqu'à la fin. Ce qui, au départ, me semblait une intéressante initiative, une tentative pleine de promesses finit par lasser quelque peu et m'a laissé pensif et même interloqué, plus vraiment passionné par l'expérience et au bord de l'ennui, ne poursuivant ma lecture que pour savoir si la fin de ce roman sera aussi échevelé que ses improbables développements.


 

Il semble qu'Echenoz se rattache au « nouveau roman ». Cette manière d'écrire est sans doute l'illustration de la remarque un peu déconcertante de Robbe-Grillet « Nos romans n'ont pour but ni de faire vivre des personnages ni de raconter des histoires ».

 

 © Hervé GAUTIER – Avril 2010

 

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