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la feuille volante

L'enfant-loup

N° 1487- Juillet 2020.

 

L’enfant loup – Jean-Frédéric VERNIER – Ateliers Henry Dougier .

 

Tout d’abord je remercie des éditions « Ateliers Henry Dougier » de m’avoir fait parvenir ce livre.

Au départ, j’ai lu ce roman comme un conte pour enfants. En effet toutes les références de ce genre de littérature y sont, le bois des «morts-vivants », la maison isolée, la sorcière, le loup blanc qui rôde, les fantômes, les monstres, un géant, le mystère qui plane autour de cette histoire… Mais cette impression de départ disparaît vite.

Le narrateur, Adrien, est un enfant de neuf ans qui, en compagnie de sa mère se réfugie dans une maison forestière isolée du Bourbonnais en plein hiver où tout le village proche semble le connaître. Autour d’eux plane l’absence du père, Guillaume, qu’il croit mort. Cet idée de mort est rappelée par les nombreux cadavres d’oiseaux rencontrés par le garçon et plus tard, sous l’égide de l’homme-loup, exécutés par lui, de ses tendances suicidaires, de ses tentatives de fuite, du possible et futur assassinat de sa mère. Le mystère est entretenu par cette vielle femme, Madame Clisson, aux étranges propos et pratiques et qu’il prend pour une sorcière, par des escapades nocturnes d‘Adrien et ses phobies puériles, les absences de sa mère, le grenier plein de secrets, les pratiques meurtrières de l’homme-loup. On dirait pourtant, au fil du récit, et à travers sa mère, que l’enfant, étrangement sérieux prend conscience des réalités, que son père n’est peut-être pas mort, les bribes de paroles qu’il saisit au vol et qu’il ne comprend pas, que sa naissance n’a pas vraiment été désirée, que ce qui se passe autour de lui est certes étrange mais surtout bien réel et surtout plein de questions.

A toute cette ambiance très énigmatique viennent s’ajouter dans la tête de l’enfant des images anciennes du père, des interrogations sur sa mère, des fantasmes, de la colère, des rêves et la présence obsédante mais quand même rassurante pour lui de l’homme-loup qui l’initie au meurtre d’animaux. Il y a entre eux une étrange relation qui pourrait répondre aux questions intimes d’Adrien. Dans l’inconscient collectif européen, le « loup-garou » est lié à la nuit, à la mort, à la transformation physique et mentale. Bizarrement il va même jusqu’à le confondre avec son père malgré les dissemblances. A cela se superpose les interrogations de l’enfant et la solitude qui est la sienne face aux adultes, face aux certitudes qui peu à peu germent ne lui. C’est l’enfance qui s’en va et avec elle l’image du père et surtout de la mère, Adrien devient adulte mais pas de la manière traditionnelle et douce, bien au contraire. De conte pour enfant, ce roman prend des accents dramatiques de transition, le passage violent d’un monde à un autre, souligné peut-être par par le changement de prénom quand change son interlocuteur, l’enfant devenant lui-même un loup à l’identité changeante, un adulte.

Tout au long de ce roman, il y a de fréquents rappels à la prière, à Dieu, comme une solution face au monde des grands, un appel désespéré dans Sa direction et la volonté de voir Sa manifestation partout. Le loup est l’incarnation du mal que seul une intervention divine ainsi sollicitée peut venir contrebalancer. La culpabilisation, le péché, l’aveu de l’inavouable, le pardon viennent compléter ce tableau. De même il y a une étrange mais révélatrice substitution pour Adrien dans cet apprentissage, c’est l’homme-loup qui fait fonction de père, la vieille qui prend la place de sa mère de plus en plus évanescente , lointaine et hypocrite, la violence appelant la violence.

C’est un roman, le premier de notre auteur, assez déconcertant, plein de rebondissements inattendus, une remise en cause des choses traditionnelles. Je l’analyse comme le difficile abandon de l’enfance pour Adrien, ses craintes face au monde des adultes qu’il ne comprend pas, une douloureuse transition dans un contexte de solitude, l’absence du père, la transparence de la mère, la brutale sortie du monde de l’enfance. Face à cela, Adrien devenu adulte a choisi d’oublier, de tourner la page, de fonder une famille, comme un exorcisme. Je lui souhaite beaucoup de courage et surtout beaucoup de chance parce qu’on reproduit souvent malgré soi l’exemple délétère de ses parents !

 

©Hervé Gautier mhttp:// hervegautier.e-monsite.com

 

 
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