la feuille volante

QUAND LES BROCHETS FONT COURIR LES CARPES – Jean-Louis DEBRE - Editions FAYARD NOIR

 

N°305 – Juillet 2008

 

QUAND LES BROCHETS FONT COURIR LES CARPES – Jean-Louis DEBRE - Editions FAYARD NOIR.

 

D'ordinaire je prise peu les écrits des hommes politiques, mais la perspective de lire un roman policier autant que la citation de Talleyrand à laquelle cet ouvrage emprunte son titre était quand même une incitation à la lecture. Et puis ce n'était pas de grandes idées généreuses brassées à longueur de pages, dans le seul but d'appâter l'électeur... avec la ferme intention de ne jamais les mettre en pratique!

 

Il s'agit d'une fiction, quand même largement inspirée par la vie politique immédiate où les personnalités politiques de gauche se retrouvent, au nom de l'ouverture et de la rupture, dans un gouvernement de droite, à des postes ministériels. D'emblée le narrateur se présente, écrivain égaré dans l'éducation nationale, sans doute pour des raisons alimentaires, on sent bien qu'il n'a pas grand chose à y faire et s'en échappera à la première occasion. Il croise donc, dans les jardins du Palais-Royal, une femme énigmatique et envoûtante qui, dans le grand chamboulement politique qui suit les élections présidentielles, devient Secrétaire d'État, malgré son passé gauchisant, lui offre ses services et, à la suite de circonstances qui ne se rencontrent que dans les romans, devient son chef de Cabinet, son confident, son mentor... J'aime leurs relations en demi-teinte, à la fois quasi amoureuses et empreintes de respect mais aussi hostiles et mystérieuses parfois.

 

Tout pourrait aller pour le mieux pour cette jeune femme si elle n'était soudain rattrapée par son passé. Jeune militante gauchiste, elle a rêvé de détruire cette société bourgeoise que, ministre, elle souhaite maintenant consolider pour affermir sa position et satisfaire ses ambitions. Mais ses anciens amis veillent sur cet avancement et comptent bien profiter d'une situation unique, usant sans vergogne du chantage, de la délation, de l'intimidation, des manipulations, de la trahison, de l'infiltration, pour faire avancer leurs idées. Et tant pis si, accessoirement, il y a enrichissement personnel, magouille et trafics en tous genres...

 

Dès lors, ce chef de cabinet, dont le rôle était au départ d'écrire des discours, devient une pièce maîtresse de ce puzzle où « sa » ministre se débat, entre ses anciennes convictions, sa volonté d'avenir et les turpitudes ambiantes. Il pénètre sans s'en apercevoir dans un univers qui lui était inconnu, bien loin de celui du modeste enseignant qu'il était jusqu'alors. C'est que, trop candide, trop honnête ou trop respectueux de la vérité, il cherche à protéger « sa »  ministre, mène sa propre enquête, se révèle un fin limier mais aussi et peut-être surtout, une victime. Mais voilà, les menaces se précisent et la déstabilisent, des morts suspectes viennent compliquer une situation délétère où elle semble se noyer. Finalement, les choses et les protagonistes de cette intrigue reprendront leur vraie place, mais lui, de plus en plus étranger à tout cela sent la situation lui échapper, tandis qu'à l'extérieur les choses suivent leurs cours normal. Non décidément ce monde n'est pas fait pour lui!

 

L'occasion est trop belle pour l'auteur de se livrer à une critique sans complaisance du microcosme qu'il connaît bien, surtout l' Assemblée Nationale évidemment, les petites et les grosses ficelles du métier de d'homme politique faites d'alliances, d'influences et de retournements, de palinodies parfois, d'esquisser des silhouettes et des personnages, de distiller des aphorismes bien sentis, mais aussi, et peut-être surtout, de dénoncer les petits travers, les illusions et compromissions propres à la condition humaine. L'auteur se pose en spectateur privilégié de l'ambiance actuelle, exceptionnelle et paradoxale dans l'histoire politique de notre pays, mais aussi de cette volonté éternelle qu'à l'homme de prendre le pouvoir pour assurer sa promotion personnelle, même si pour cela il doit trahir ses convictions... Et on sent bien qu'il est à son affaire!

 

C'est un roman passionnant qui se lit facilement, bien documenté, surtout en matière d'investigations policières et plein d'annotations culturelles où se lit tout l'amour que l'auteur porte à Paris. On sent aussi tout le plaisir que l'auteur prend à l'écriture. Il tient son lecteur en haleine jusqu'à la dernière ligne!

 

 

© Hervé GAUTIER – juillet 2008.http://monsite.orange.fr/lafeuillevolante.rvg 

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