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la feuille volante

LONGTEMPS JE ME SUIS COUCHE DE BONNE HEURE - Jean-Pierre GATTEGNO

 

 

N°315 – Octobre 2008

 

LONGTEMPS JE ME SUIS COUCHE DE BONNE HEURE – Jean-Pierre GATTEGNO [Acte Sud].

 

Cela n'a l'air de rien, mais cet ouvrage illustre à sa manière très personnelle l'attrait, l'intérêt que peut susciter la première phrase d'un livre. Le quidam la lit, puis, sans raison, sans savoir pourquoi, il est happé par ce peu de mots, puis poursuit avec la deuxième ... et se surprend à pousser sa lecture jusqu'à la fin sans que l'ennui s'insinue dans sa démarche, transformant le moment consacré à la lecture, que d'aucuns regardent comme un perte de temps, en un moment de pur plaisir.

Cette chronique s'est souvent fait l'écho de ces auteurs qui captent à ce point un individu que le hasard met en présence de leur livre, le transforment presque aussitôt en témoin passionné de leur voyage, lui prêtent cette merveilleuse ivresse des mots, bref en font un lecteur attentif, enthousiasmé par le récit et presque déçu d'arriver, sans s'en rendre compte, à la fin de ce roman qui lui a procuré tant d'agréments qu'il ne sait lui-même comment l'exprimer et se contente de dire que cela lui a plu. Cette grande économie de mots cache souvent une foule d'impressions à jamais inexprimées comme si c'était déflorer le livre que d'indiquer en quoi il a été à ce point attachant. C'est comme le fil d'un écheveau qu'on tire et qui se déroule en apportant à son curieux amateur un soudain intérêt.

Ainsi Jean-Pierre Gattegno prend-il pour titre de son roman la première phrase mythique d'un roman de Marcel Proust. C'est plutôt une bonne illustration, sauf qu'en ce qui me concerne, je n'ai jamais pu lire l'auteur de « Du Côté de chez Swann »!

 

Il y a l'histoire, celle d'un petit truand minable, Sébastien Ponchelet, que la prison met en présence d'un détenu cultivé et amateur d'art, voleur de tableau... et grand lecteur. Pendant sa liberté conditionnelle il travaille chez un éditeur parisien, mais son emploi de manutentionnaire rend sa vie terne. Pourtant, il va croiser dans le métro une femme à qui la lecture prête un regard pétillant et un manuscrit raturé et annoté qui va bouleverser sa vie et le faire pénétrer dans l'univers des livres. Cette femme, pourtant personnage furtif de ce récit, me semble avoir un vraie épaisseur avec sa beauté énigmatique, son indifférence feinte, sa compréhension de Sébastien. Je retiens une de ses phrases «  Voilà, je préfère l'amour des livres, même quand ils sont mauvais, il y a toujours quelque chose qui les sauve... ». Elle est le prétexte à l'évocation d'un autre monde qui jouxte celui de l'édition, de l'écriture, comme Sébastien peut l'être de la peinture également évoqué à travers une foule de tableaux... et avec son pendant, celui du faux.

Même s'il ne lit pas ce manuscrit comme un passionné, ces quelques mots vont être pour lui le point de départ d'une réflexion, d'un questionnement introspectif. Les annotations et les corrections apposées successivement en marge d'un manuscrit ou d'un livre sont l'illustration d'une sorte de partition silencieuse, une discussion secrète dans un improbable huis clos entre deux personnes qui ne se connaissent pas et qui ne se rencontrerons jamais.

 

Il y a aussi le style, direct et sans fioriture qui rend ce texte attachant.

 

Cela rejoint un peu la remarque de Jean-Marie Le Cléziot, Prix Nobel de littérature 2008 qui, nouvellement couronné, conseillait simplement au reste du monde de continuer à lire des romans. Celui-ci fait partie de ces ouvrages qui sont autant de moments jubilatoires dont il serait dommage de se priver.

 

 

© Hervé GAUTIER - Octobre 2008. http://hervegautier.e-monsite.com 

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