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la feuille volante

La sorcière et le capitaine

N° 1564 - Juillet 2021

 

La sorcière et le capitaine – Leonardo Sciascia – Fayard.

Traduit de l’italien par Jean-Marie Laclavetine.

 

Le prétexte de ce roman est un court passage du célèbre et unique roman d’Alessandro Manzoni, « Les fiancés » (1825) dans lequel il dépeint la réalité sociale du Milanais sous l’autorité espagnole de 1628 à 1830. Dans cet ouvrage il est noté que le célèbre et estimé médecin de cette cité, Ludovico Settala, avait été, au XVII° siècle, pris à partie par la population qui l’accusait d’avoir répandu la peste dans la ville. Il avait en outre contribué à faire torturer et brûler une pauvre femme laide, Caterinetta Medici, accusée de sorcellerie sous prétexte que son maître, le pieux sénateur Melzi, souffrait d’étranges douleurs stomacales. Le sénateur fit donc appel au docteur Settala qui se révéla incapable de le guérir mais son illustre malade finit quand même par se rétablir. Cet épisode est également relaté dan « la storia di Milano » de Pietro Verri. De plus le capitaine Vacallo, retour de campagne et logé temporairement chez le sénateur, eut des rapports intimes avec cette servante dont il était amoureux.

L’atmosphère fanatico-religieuse de cette époque et les théories qu’elle inspirait alors, sa connotation avec la justice, l’exercice de la magie, les envoûtements, l’Inquisition, l’exorcisme, les sorts jetés, l’emprise du clergé doublée de confusions de personnes, les doutes sur leur existence effective, le tout ajouté à une passion du capitaine pour Caterinetta qui souhaitait l’épouser, il n’en fallait pas plus pour conclure à l’emprise du diable et à l’accusation de sorcellerie de la servante qui exerçait sur les hommes une véritable emprise.

La justice s’en mêla donc puisque, à l’époque, le poison était un arme facile pour se débarrasser de quelqu’un d’encombrant, mais, bizarrement, soit par calcul pour échapper au bûcher soit par honnêteté, la servante avoua tout ce qu’on lui reprochait, c’est à dire d’être une sorcière, d’avoir pactisé avec le diable et d’avoir eu avec lui des relations coupables et surtout d’avoir voulu séduire le sénateur, ce qui, d’évidence va l’envoyer au supplice. Pourtant, elle prend soin d’apporter des précisions, d’invoquer la Madone et autres saints, avec ex-voto, messes et prières, de faire appel à ses souvenirs d’enfant peuplés de récits terrifiants, à la mémoire collective nourrie par les supplices imposés par l’Inquisition. Évidemment tout cela ne pouvait que satisfaire la curiosité des juges et provoquer leur verdict. Elle fut donc soumise à la « question » dont la torture n’était pas forcément reconnue comme un moyen de découvrir la vérité, de sorte que les juges voulaient surtout créer un monstre qui ressemblât le plus possible à ce à qu’ils voulaient, même si cela ne correspondait en rien à la réalité. Bizarrement Caterinetta, prise dans une sorte de maelstrom où les superstitions le disputent au mensonge, ne pouvait qu’y consentir !

 

Sciascia qui est un écrivain célèbre et connu, s’approprie un événement qui semble appartenir à la littérature de l’époque en même temps qu’à la petite histoire de la ville de Milan. C’est là un choix respectable pour un écrivain n’est pas obligé d’être constamment dans la fiction. S’il choisit de s’inspirer d’un évènement réel, il s’enferme lui-même dans les faits qu’il ne peut modifier (en cela les références produites attestent qu’il s’agit effectivement d’un fait avéré). Ainsi, il abandonne son thème favori, (pourquoi pas ?), la mafia, mais ne peut s’empêcher d’y faire allusion dans en évoquant des faits contemporains. Cela donne un roman un peu confus, un texte peu clair peuplé de trop nombreux personnages parfois furtifs, des faits contradictoires rapportés... Le titre fait mention d’un capitaine alors qu’ils sont trois qui interviennent dans la tranche de vie de cette femme, de sorte qu’on ne sait plus vraiment de quel officier il s’agit . J'ai été un peu déçu.

 
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