la feuille volante

Le jour de la chouette

N° 1559 - Juillet 2021

 

Le jour de la chouette – Leonardo Sciascia - Flammarion.

Traduit de l’italien par Juliette Bertrand.

 

Le roman commence par l’assassinat d’un homme, le matin de bonne heure, au pied de l’autobus pour Palerme. Deux coups de feu et bien que le bus soit plein, personne n’a rien vu ni rien entendu et tous disparaissent. Ceux que les carabiniers parviennent à interroger, le conducteur et le receveur, ne se souviennent de rien. Les rares informations que les carabiniers peuvent glaner ne servent à rien. C’est donc bien un roman policier avec un meurtre, des investigations, des arrestations, des supputations, mais ce qui ressort de tout cela c’est le silence, la complaisance, le mensonge, « l’omerta », le signe et le règne de la mafia où celui qui parle signe son arrêt de mort.

 

Pourtant cette mafia sicilienne, le capitaine des carabiniers chargé de enquête n’y croit pas, peut-être parce qu’il vient du nord du continent, mais cet épisode sicilien dans le cours de sa carrière le fait changer d’avis parce que, au cours des investigations qu’il mène avec conscience, ce qui agace un peu sa hiérarchie et les politiques, on lui ment beaucoup au point que la vérité en pâtit et que finalement il conclut que « La Sicile était quelque chose d’incroyable », un manière comme une autre d’avouer son impuissance face à quelque chose qui ne changera jamais.

 

Le style plein de concision, simple et agréable à lire transporte le lecteur dans cet univers mafieux, bien présent, même dans ce roman publié en 1961 et dont la publication fut une révolution. On se souviendra sans doute longtemps de l’assassinat du Général dalla Chiesa, des juges Borsallino et Falcone et de tous les policiers et gardes du corps et de simples quidams dont on a oublié les noms, de la fuite de politiciens, de Guilio Andreotti qu’on n’a jamais pu confondre, du scandale de la banque Ambroziano… Mais il convient de dire que malgré tout la mafia n’existe pas puisque personne ne veut en parler et observe sur cette question un silence éloquent. Elle avait été combattue par le fascisme qui ne parvint cependant pas l’éliminer et elle survécut à la chute de Mussolini jusqu’à nos jours.

 

L’auteur compare la mafia à une chouette peut-être parce qu’elle agit dans l’ombre, dans la nuit. D’ordinaire on la compare à une pieuvre impossible à attraper et dont les tentacules s’insinuent partout. Il est lui-même sicilien et, à ce titre, parvient à dessiner les contours de de cette organisation criminelle, à définir cet état d’esprit basé sur la haine des autorités, le refus de les aider, la complaisance de la population qui devient soudain amnésique et évidemment complice mais qui la craint surtout parce qu’elle tue quiconque se met en travers de son chemin, la connivence qu’elle a avec le pouvoir politique au sommet de l’État et même le pouvoir religieux.

 

 

 

 
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