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la feuille volante

QUELQUES RÉFLEXIONS PERSONNELLES SUR Lorand GASPAR.

 

 

 

N° 241 – Juin 2002

 

QUELQUES RÉFLEXIONS PERSONNELLES SUR Lorand GASPAR.

 

 

C’est donc avec un écrivain d’exception que je célébrerai cette année le 23° anniversaire de cette « Feuille Volante », devenue, au fil des années et par le fait des choses, non plus une revue mais une simple note de lecture personnelle. Qu’importe ! Seuls comptent le plaisir de lire, d’apprendre, de rêver, les rencontres littéraires qu’il m’est donné de faire et je me dois, simplement parce que j’en ai décidé ainsi, d’en rendre compte ici, même si cela consiste à avitailler ma seule mémoire !

 

Je dois à ma vérité intime d’avouer ici, à ma grande honte, que Lorand Gaspar était pour moi un inconnu jusqu’à ce que mon regard croise quelques-uns de ses ouvrages sur les rayons d’une bibliothèque. Il se passe toujours de ces petits miracles qui me font ainsi découvrir ainsi des grandes voix de la littérature. Son nom ne me disant rien, j’ai eu l’intuition que « Carnets de Jérusalem » et « Journaux de voyages » n’allaient pas me laisser indifférent. J’ai toujours été un voyageur immobile et les livres ont été, de tout temps ma seule évasion. Mes origines charentaises ne se manifestent pas seulement dans le port des pantoufles du même nom ! Je suis casanier et je n’y peux rien !

 

Et pourtant, ce médecin né en Transylvanie orientale partira très tôt servir dans les hôpitaux français de Jérusalem et de Bethléem. Il deviendra amoureux de ce Proche -Orient et des peuples qui l’habitent, de leur histoire chaotique. Ce sera « carnets de Jérusalem » ! Que me reste-t-il, le livre refermé de la relation de cette mission humanitaire. Un mélange étonnant, fascinant même, de curiosité, de dépaysement face à la beauté de ces paysages évoqués avec des mots simples, la solitude, le désert, l’aventure humaine transitoire et merveilleuse surtout quand elle est animée par la passion ! Sous sa plume, c’est une leçon d’histoire, non pas celle donnée par un professeur du haut de sa chaire, mais celle d’un humaniste qui refait le parcours historique de cette « Terre Sainte » qui paradoxalement a toujours été le théâtre de conflits et, où, peut-être plus qu’ailleurs sans doute le sang des hommes n’a cessé de couler et coule encore de nos jours ! C’est un peu comme si cette terre d’Islam qui est aussi juive et chrétienne et où devrait régner la tolérance et la paix a été vouée de tout temps à la mort, au combat, à la haine et au refus de l’autre…

 

L’auteur se transforme en véritable guide, faisant découvrir à son lecteur attentif tout ce qu’un touriste nécessairement pressé ne voit pas, cherchant jusque dans l’étymologie les détail de la géographie. Il n’oublie pas non plus de parler des religions, de la faunes, de la flore, de l’architectures et des légendes… Et tout cela avec une poésie simple qui sourd des mots eux-mêmes et qui va si bien à ces régions où le temps ne compte pas, où les références du monde dit civilisé semblent se dissoudre dans ces paysages grandioses et arides. Ses mots sont les jalons d’un voyage initiatique, personnel et intérieur qui bouleverse le lecteur ! Moi qui n’ai jamais connu l’appel du désert, la beauté de ses paysages je dois avouer mon envoûtement « Il y a souvent sur ces pistes non tracées, dans cette navigation minérale à l’estime, un moment où de fil en aiguille les choses se compliquent, s’embrouillent. Une piste perdue non retrouvée, un puits pourri, un vent de sable tenace, les défaillances du véhicule quand on en est pourvu ; la moindre erreur, l’incident le plus anodin en apparence peut en entraîner d’autres. Sentiment d’être pris dans un enchaînement rigoureux, implacable. Le dépouillement, la désolation, la solitude découvrent la totalité de leur visage où le plus anodin de leur visage dont on ne percevait que la grandeur issue de notre imagination. L’immensité n’est plus de l’ordre de la beauté, elle n’est pas cette « grandeur » que l’on contemple. Tout devient terriblement concret, un réel auquel on ne peut plus se sentir extérieur et qui est l’élan même du mouvement, limité par d’autres, de notre vie »

 

Cette étrange alchimie de l’écriture qui sera toujours pour moi un mystère se double de photos en noir et blanc, malgré ou peut-être à cause de la lumière qui règne dans ces contrées, également signées de l’auteur. Elles sont à l’égal du texte, pleines de talent de simplicité, de spiritualité même ! L’auteur nous rappelle que la nature humaine est complexe. A à la fois ange et démon, l’homme est capable du pire comme du meilleur, capable de tuer comme de soigner ses semblables au péril de sa propre vie avec la même foi et la même énergie, capable à la fois de créer les choses les plus magnifiques et de perpétrer les plus cruels massacres. Celui qui était allé là-bas dans un but humanitaire devient un messager de paix, de tolérance, d’amour, comme si cette terre avait le pouvoir de transcender les hommes, de les rendre tout à la fois poètes, bons…

 

Dans « Journaux de voyages », il redevient cet arpenteur vigilant de la terre, gourmand de ses couleurs, de ses bruits, comme fasciné par le spectacle qu’elle lui donne, que ce soit en Afrique, en Asie ou ailleurs, simplement parce qu’il choisit sa destination, ses haltes qu’il décrit pour son lecteur en un long et délicat poème. Il use d’une langue aussi recherchée que les paysage qu’il traverse sans oublier de lui rappeler que malgré toute cette beauté qu’il y a la mort au bout du chemin parce que telle est la condition de l’homme.

 

Quel genre d’être est-il, lui qui choisit des contrées où le temps ne compte pas, ne s’écoule pas a même rythme, où le nom des villes invitent à eux seuls au voyage, au dépaysement : Boukhara, Khîva, Samarcande où le passé se mêle au présent, où la poésie doucement chaude et intemporelle revendique sa place parce qu’il ne peut sans doute en être autrement. Il donne un autre univers à offrir en partage, une autre planète qui est pourtant la nôtre mais qui ne peut intéresser le voyageur pressé. Pour lui, c’est une autre image de ce monde qu’il veut évoquer, plus vraie peut-être et authentique, celle qui reprend possession de la pulsation de la vie, des choses simples, des gestes économes, des paroles rares mais pourtant riches de sens.

 

La route de la soie est revisitée au pas lent des chameaux quand les avions survolent le monde à des vitesses supersoniques, que l’argent est roi que seule la réussite compte. C’est aussi l’Afrique avec son désert envoûtant ses habitants sur qui la civilisation, comme on dit semble n’avoir aucune prise…

 

Dans ce livre, l’homme reprend presque subrepticement sa place qu’il n’aurait, au vrai, jamais dû quitter, mais ainsi va le monde, le progrès comme on dit ! Dans ces contrées, l’auteur lui redonne sa vraie dimension, le replace dans des paysages qui vivent au rythme du soleil et des prières, lui font retrouver la respect de l’autre, de son environnement, de Dieu peu-être si on veut le voir ainsi

 

 

©Hervé GAUTIERhttp://monsite.orange.fr/lafeuillevolante.rvg 

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