la feuille volante

Morte a firenze

La Feuille Volante n°1026– Mars 2016

MORTE A FIRENZE (Mort à Florence) – Marco Vichi – TEA.

Nous sommes à Florence en 1966 et il ne cesse de pleuvoir ! Un petit un garçon a disparu et seule une femme l'a aperçu de sa fenêtre. Elle est formelle, il ne peut s'agir que de Giacomo Pellissari , le fils de l'avocat et bien entendu le commissaire Franco Bordelli est chargé de l'enquête. En effet, son corps a été retrouvé par un chasseur dans les montagnes boisées environnantes, et l'enfant a été assassiné et violé. Tel est le départ de cette enquête menée par le commissaire Bordelli et c'est donc un « giallo »  comme disent nos amis italiens, un roman policier. Avec pas mal de bluff, un peu de chance quand même, une simple facture de téléphone ramassée près du cadavre, un unique indice qui pourrait bien être lié à cette affaire, mais il n'est sûr de rien, va conduire ses investigations. Ce sera son seul fil d’Ariane, d'ailleurs il n'a rien d'autre. Sa bonne étoile, mais aussi ses relations vont l'aider dans ses recherches et ses souvenirs du passé vont favoriser ses investigations. Il va explorer les « trattorie » qu'il connaît bien et les bas-fonds de la communauté homosexuelle, peut-être liée à cette affaire, faire suivre un probable suspect et aboutir jusqu'à une maison où aurait bien pu être commis ce crime. Au cours de cette enquête la nostalgie du fascisme reviendra et sera peut-être la clé de l'énigme mais le lecteur n'est pas au bout de ses surprises ! Malheureusement la pluie n'arrête pas de tomber et submerge la ville et dans la nuit du 4 novembre, jour de commémoration nationale en Italie, l'Arno sort de son lit et inonde la cité. Les descriptions du déluge et de ses ravages sont particulièrement réalistes. Pourtant, cet épisode climatique fait un peu oublier l'enquête du commissaire d’autant qu'en participant aux travaux de déblaiement celui-ci rencontre une jolie femme dont bien entendu il tombe amoureux. C'est qu'il n'est plus très jeune et cette femme lui redonne de l'espoir, ou ravive ses fantasmes !

 

Il me plaît bien ce commissaire Bordelli, sa manière très personnelle de mener son enquête, son goût pour « Il Maggiolino »(une coccinelles VW), son passé d'ancien combattant qui revient en obsédants analepses, son attirance pour les chats, sa timidité un peu gauche et sa perpétuelle habitude de tomber amoureux des belles femmes, souvent plus jeunes que lui qu'il croise, lointaines, distantes, inaccessibles mais qu'il voudrait bien mettre dans son lit même pour une passade, lui, ce vieillissant célibataire. Il a bien dû, dans ses jeunes années être un « donnaiolo » comme disent nos amis italiens, mais maintenant cela appartient au passé, même si, cette fois, il aura sa chance, retrouvera un temps sa jeunesse, ce qui l’aidera sans doute à solutionner cette affaire qui gravite entre vice, sexe et drogue. Il n'avait pas voulu croire aux paroles de la cartomancienne mais cette liaison amoureuse qu'il espérait durable va se retourner contre lui sans qu'il y puisse rien, le laissant dans le même état que la ville, bouleversé ! A l'occasion de ce roman, le lecteur apprend connaître un Bordelli professionnel, consciencieux mais malchanceux, dépassé par les événements et les forces qui se lient contre lui, désespéré au point de tout lâcher, terrassé à la fois par l'âge, la désespérance, le destin, la certitude d'être un étranger dans ce monde où il n'a pas sa place. Il ressemble un peu à Carlo, le personnage de « l'Inquilino » [la Feuille Volante n°1023], un roman précédent. Il reste un insatisfait définitif, un peu idéaliste, une sorte d'hypocondriaque, avec son éternelle cigarette à la bouche, sa nostalgie du passé, son appétence pour la bonne nourriture et pour la « grappa », ce qui n'est peut-être qu'une manière de combattre sa mélancolie, sa solitude face à la retraite qui s'annonce, la vieillesse qui commence à le tracasser et peut-être aussi l'angoisse de la mort. Malgré la présence de Rosa il est bien seul, avec ses fantasmes féminins, ses servitudes policières du quotidien, cette enquête qui piétine, le souvenir de ses parents morts, le regard déçu qu'il promène sur la communauté humaine et toujours cette pluie, cette boue et le danger qu’ils représentent pour la ville et ses habitants.

 

J'ai lu ce roman dans le texte et ce que je retiens aussi ce sont ses passages humoristiques, poétiques, cette balade dans Florence, cette merveilleuse ville dont le nom évoque à la fois la beauté de la fleur et celle des femmes mais qui, malheureusement, est, à cette époque ravagée, par les inondations. J'ai aimé aussi le côté désespérément humain de ce policier malheureux. Je poursuis mon exploration personnelle de l’œuvre de Marco Vichi et je continue à regretter que cet auteur ne soit pas encore traduit en français. Je pense pourtant qu’il en vaut la peine.

© Hervé GAUTIER – Mars 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]

 

 

 
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