la feuille volante

Il senso del dolore

N° 1513 – Novembre 2020

Il senso del dolore – L’inverno del commissario Ricciardi – Maurizio de Giovani -Einaudi editore.

(Le sens de la douleur- L’hiver du commissaire Ricciardi).

Nous sommes à Naples en mars 1931, sous le fascisme, et il fait froid. Il n’y a pas que le vent qui secoue la ville puisque Arnaldo Vezzi, le grand ténor mondialement connu, homme arrogant et ami du Duce qui apprécie son talent, a été assassiné dans sa loge du Real Teatro di San Carlo avant la représentation de “I Pagliacci”, la gorge tranchée par un morceau de miroir brisé. Le commissaire Luigi Alfredo Ricciardi est chargé de l’enquête. C’est un bon policier , célibataire, mais aussi un homme tourmenté qui, avec ses yeux verts, voit, depuis son enfance les victimes de violence dans leurs derniers moments de vie et ressent les affres de la mort entendant leurs derniers mots. C’est “il Fatto”, un don mais aussi une sorte de malédiction qui lui permet certes d’investiguer différemment des autres et qui fait de lui un enquêteur marginal, mal aimé de ses supérieurs bien souvent carriéristes, et redouté de ses subordonnés, et qui prend son travail à cœur au point qu’il s’intéresse aux victimes comme s’il les avaient connues personnellement. Pour lui une affaire ne peut qu’être résolue et les assassins arrêtés. Le commissaire ne goûte pas l’opéra, mais une enquête est une enquête et celle-ci présente beaucoup d’aspects contradictoires et de circonstances étranges qui sèment le doute. De plus cet assassinat embarrasse le régime ainsi que la hiérarchie policière désireuse de ne pas lui déplaire et ainsi souhaite trouver très vite l’assassin. Il est également amené à rencontrer des témoins dont la présence autour de la scène de crime l’intrigue, notamment Don Pierino, un prêtre mélomane. D’autre part, la victime avait certes un talent reconnu et une immense notoriété, mais était un homme désagréable, méchant, flagorneur, suffisant, méprisant, coureur de jupons, à l’égo tellement surdimensionné qu’il se prenait pour un dieu, autant de bonnes raisons données à ses contemporains pour l’éliminer. Pourtant Vezzi n’était qu’un homme et tous les hommes sont mortels. Après de nombreuses investigations, dont la rencontre avec Livia, l’épouse de Vezzi dont il était cependant séparé mais qui pourrait bien être une suspecte, le commissaire comprend qu’il doit rechercher dans deux directions : la faim et l’amour… Et Et il est toujours attentif aux sorts des plus pauvres.

C’est un personnage original crée par de Giovanni qui malgré sa noblesse s’est mis, grâce à “il Fatto” à la disposition de le justice pour le triomphe de la vérité, au détriment de sa propre carrière. Il aime la solitude mais ne peut se départir de la présence de Rosa, sa nounou, sa presque tante, sa mère de substitution, de son ami le brigadier Maione et du légiste Modo, antifasciste et amoureux des belles femmes et de la nourriture, de Bambinnella à qui rien n’échappe de ce qui se passe à Naples. Le commissaire est un solitaire amoureux en secret de sa jolie voisine Enrica, un rayon de soleil secret dans la grisaille de l’hiver ;

Le style de de Giovanni est agréable, plein de belles descriptions et un réel dépaysement dans l’espace et le temps mais aussi dans l’ambiance de cette ville à cette époque.

Ce roman de de Giovanni, publié en 2007 fait partie d’une longue série consacrée au commissaire Ricciardi. Je l’ai lu en italien pour la beauté de la langue et parce qu’il n’y a pas, à ma connaissance de traduction .

Il y a, à la fin de ce “giallo” (roman policier comme disent nos amis italiens) quelque chose qui me paraît intéressant et original et que, en tant qu’auteur, j’ai souvent pratiqué; c’est la rencontre entre de Giovanni et Ricciardi, une sorte de fiction dans la fiction qui est à la fois révélatrice et atypique et qui permet de mieux connaître ce commissaire vraiment intéressant mais aussi l’univers créatif de son auteur.

 
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