la feuille volante

Fières d'être cheminotes

N° 1425 - Janvier 2020.

 

Fières d'être cheminotes. Michelle Guillot - Denise Thémines - Éditeur Ateliers Henry Douglet.

 

Je remercie des éditions "Ateliers Henry Douglet" de m'avoir fait découvrir ce livre.

Même si les choses changent de nos jours, être cheminot, à la moitié du siècle dernier, c'était principalement un monde d'hommes où les femmes étaient rares, souvent cantonnées dans les bureaux. Le train pour les "roulants" était une fierté, comme leur métier, et lorsque que, au hasard de leurs voyages, ils rencontraient un collègue inconnu, leurs conversations étaient bien entendu consacrées au rail. A l'époque, travailler aux "Chemins de fer" était une référence même si les mutations supposaient des déménagements, les machines à vapeur avaient une sorte d'aura de puissance mystérieuse, les voitures, même celles inconfortables de 3° Classe ou les "Michelines" des omnibus, étaient le symbole du voyage, du départ et et le train était un moyen de transport fort prisé et pratique. Le travail terminé, les agents se croisaient souvent dans les jardins où à "l'économat" qui leur étaient réservés. Ces images ont un écho particulier dans ma mémoire intime.

Michelle Guillot évoque sa vie personnelle et familiale, avec ses bons et ses mauvais moments, et surtout son parcours au sein de ce service public qui était la vitrine du pays puisque, fille d'un agent SNCF, il était naturel qu'elle embrassât elle aussi cette carrière. Elle y décrit ses craintes du début, ses efforts d'adaptation, les différentes phases de son avancement qui l'a promue à un poste d'encadrement, fonction bien souvent réservée aux hommes, une fierté, l'atmosphère de travail qui régnait au sein des services... Il y a beaucoup de détails techniques et de routine administrative, des listes de tâches, des précisions réglementaires, des organigrammes hiérarchiques, des évolutions vers la modernité et la communication, autant d'explications un peu rébarbatives pour le profane, mais qui ont valeur de témoignage puisque ce texte a reçu en 2018 un premier prix interne dans la catégorie "Mémoire". A cette époque, être cheminot signifiait appartenir à une grande famille que fédérait le magazine "La vie du rail" et qui pour elle correspondit à la découverte et aux plaisirs de l'écriture. Le style est spontané, précis, anecdotique, sans fioriture littéraire.

Le travail de Denise Thémines est un peu différent, plus court, mais distingué lui aussi par le même Prix, mais dans la catégorie "Récits". Si la plus grande partie de la carrière de Michelle Guillot s'est déroulée en province, celle de Denise Thémines a été parisienne et commence après mai 68. Si elle ressent la même appréhension compréhensible de départ, elle note l’originalité de ses collègues les plus folkloriques, profite des moments d'inaction pour lire, découvre petit à petit ce "monde parallèle", ses avantages sociaux, son côté machiste aussi. Le ton est donc un peu différent. Toutes les deux évoquent leur carrière et surtout leur attachement à cette entreprise à laquelle elles rendent un hommage reconnaissant, toutes les deux ont donné un nouveau sens à leur vie à travers l'écriture.

Il s'agit donc d'un recueil collectif qui donne la parole à deux femmes, par ailleurs distinguées par le même prix. Il paraît au moment où, hasard du calendrier peut-être, ce "régime spécial" est remis en cause au nom de la réforme des retraites, ce qui a provoqué grèves et paralysies dans le pays. Les conditions de travail ont changé, l'ambiance aussi et il a été souhaité que ce changement soit relaté à travers le vécu "autobiographique" des cheminots auquel différentes associations professionnelles sont attentives et qui a fait l'objet en 2018 du concours "SNCF 80 ans"qui couronna ces deux témoignages. Cela correspond également à l'état d'esprit de cet éditeur et de sa collection "Une vie, une voix".

©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsite.com

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire