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la feuille volante

UN CIRQUE PASSE – Patrick MODIANO

N°711 - Décembre 2013.

UN CIRQUE PASSE – Patrick MODIANO – Gallimard (1992)

Saint Augustin conseillait qu'on se méfiât de l'homme d'un seul livre. J'aime bien l'écriture et l’univers de Modiano mais c'est un peu le sentiment que j'ai à chaque fois que je lis un de ses romans. C'est un peu toujours le même thème qu'il aborde, le même sillon qu'il creuse, celui de son enfance un peu mystérieuse dont certains souvenirs reviennent à sa mémoire comme des flashs, l'absence de ses parents, une façon, à travers des personnages de roman, d'exorciser cette période pour lui mouvementée et de nous rappeler qu'un livre est aussi un univers douloureux.

Ce roman n'échappe pas à cette remarque avec en plus une atmosphère de mystère qui se tisse au fur et à mesure des pages et des chapitres, mystère autour de cette femme, Gisèle, qui veut faire passer le narrateur, Lucien (ou Jean), pour son frère alors qu'il ne l'est pas, ces valises un peu trop lourdes, ces hommes qui se disent être des amis ou des associés de son père parti en Suisse retrouver une femme plus jeune que lui et qui sans doute ne reviendra jamais, ces téléphones qui sonnent dans le vide ou des correspondants qui ne livrent que des informations brèves, cet interrogatoire de police... Dans ce roman, il y a des personnages qui passent, un peu comme des fantômes, qui font une apparition puis disparaissent sans qu'on sache très bien qui ils sont, ce qu'ils font ni où ils vont. Cette question elle aussi énigmatique qui revient à l'intention du narrateur « Pourriez-vous me rendre un service ? » qui laisse celui-ci perplexe, des café un peu glauques, des rendez-vous bizarres et des équipées dans un Paris étrangement désert. Quand il voit Gisèle disparaître, le narrateur a le sentiment qu'elle ne réapparaîtra peut-être pas et que ce projet commun de voyage en Italie ne verra jamais le jour. Toute cette atmosphère lui rappelle sa vie d'avant, quand ses parents étaient encore là, un jeune homme pas encore majeur mais qui fait tout pour qu'on le croit tel et qui tisse lui-même, autour de sa personne, par mimétisme ou par habitude, un halo de secrets où parfois il ne se reconnaît pas. « J'étais ce voyageur qui monte dans un train en marche et se retrouve en compagnie de quatre inconnus. Et il se demande s'il ne s’est pas trompé de train ». Tout cela contribue à faire régner dans ce texte une « tristesse diffuse » qui fait un peu oublier ce voyage à Rome qui permettrait à Lucien en compagnie de Gisèle de non seulement de quitter la France, d'échapper à ses obligations militaires mais surtout de tourner la page d'une vie qu'il veut désormais passer avec elle, même si elle a quitté son mari trois ans auparavant et que finalement il ne sait rien d'elle.

Et le cirque dans tout cela ? Le mari de Gisèle travaillait au Cirque d'Hiver où elle même était écuyère. Mais qui est-elle vraiment ? Pourquoi a-t-elle changé de nom et tu son séjour en prison ? Elle finira par s'effacer de sa vie comme un cirque qui ne fait dans une ville qu'un bref passage.

©Hervé GAUTIER – Décembre 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

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