la feuille volante

SE RESOUDRE AUX ADIEUX – Philippe Besson

 

N°613– Décembre 2012.

SE RESOUDRE AUX ADIEUX – Philippe Besson - Juillard

Il y a quelque chose de pathétique dans cette série de lettres que Louise adresse à Clément, l'homme qu'elle aime et qui l'a quittée. Elle les lui envoie cependant et sait que, bien qu'elle note son adresse au dos de l'enveloppe, il ne les lira pas, pire peut-être, reconnaissant son écriture, il les détruira avant de les ouvrir. Ce sont autant de bouteilles jetées à la mer puisqu'elle a choisi de mettre entre ce Clément et elle l'espace d'un océan, une étendue d'eau, celle de Cuba, de New-York ou de Venise. Elle ne peut en effet se résoudre à oublier cet homme et évoque les lieux d'où elle écrit ses missives, de Venise, de New-York et, évidemment de Paris, égrenant pour lui les bons et les mauvais moments.

C'est donc un roman sur le chagrin amoureux d’une femme abandonnée qui a choisi de s'isoler du monde dans un endroit où personne ne pourra la localiser bien que, paradoxe, elle précise son adresse pour Clément. Seule Jeanne, son amie sait où elle est mais elle a promis le silence. Elle les égrène avec des chansons de Barbara ou d'Aznavour, comme un fil d'Ariane. Elle sait pourtant que ses mots sont sans espoir et que Clément restera avec Claire, celle avec qui il forme un couple officiel sinon légitime. «  Tu dois te demander ce que je cherche en t'écrivant . Rien  La réponse est rien. ». Il y a quand même des ressentiments dans ces lettres, pire, elles ne sont faites que de cela, entre humiliation de l'adultère, de la trahison et rancune de l'échec, entre fantasmes et faux espoirs.

Pourtant il y a cet acte d’écriture qui, comme le note pertinemment l'auteur peut parfaitement cacher les choses [« L'écriture est un travestissement si on le désire »] Elle demande du courage cependant. J'ai déjà dit dans cette chronique, et spécialement à propos de cet auteur, le rôle apaisant de l'écriture. On sent que Louise est meurtrie par l'abandon de Clément, d'autant qu'il s'accompagne de sa part d'hypocrisies et de lâchetés ordinaires. Je trouve personnellement des vertus à l'écriture, même si je ne sais pas l'expliquer et je n'y vois pas, comme pour les médicaments, de contre-indications ou de l’accoutumance, mais ce n’est pas là un défaut, au contraire. C'est pourtant le seul moyen qu'elle a trouvé pour exorciser cette absence mais son soliloque tourne court. On imagine Clément déchirant les enveloppes avant que de les lire, indifférent aux états d'âme amoureux de son expéditrice. Cette écriture reste cependant celle « du souvenir du bonheur ». De même le voyage, le dépaysement avec leur lot d’aventures, de hasards, de découvertes, de passades peut-être restent un ersatz et la compagnie de Clément pendant ce périple est une fiction entretenue artificiellement. Même si les foucades sont possibles, Louise ne cherche plus à séduire et poursuit inlassablement ses souvenirs qui ressemblent de plus en plus à des remords. Je ne suis pas sûr que ce dépaysement aide à la guérison, bien que Louise semble ressentir un mieux-être et entame une sorte de convalescence au fur et à mesure qu'elle se rapproche de Paris et de ses racines françaises. Bien qu'elle s’interroge «  Guérit-on jamais des hommes qui nous quittent ? », elle sait que lorsqu'elle rentrera chez elle, elle ne trouvera pas de traces de Clément ni dans sa boite aux lettres ni sur son répondeur. Elle espère encore mais cette tranquillité est trompeuse, artificielle.

Louise reconnaît une chose qui n’est pas facile à admettre : Elle est inapte au bonheur. Face au désarroi de l'abandon, elle fait prévaloir la vie sur la mort, fait confiance au travail, au temps qui passe et qui sans doute efface tout, aux toquades possibles qu'elle considère comme une victoire facile, éphémère et parfois refusée. Savoir qu'elle peut encore plaire est une futilité, certes, mais une consolation qui se matérialise à la fin, dans une nouvelle vie.

Dans d'autres chroniques consacrées à Philippe Besson j'ai eu l'occasion de vanter ses qualités de conteur. Sans les minimiser cette fois, je n'ai pas trouvé dans ce roman le souffle ordinaire que je goûte dans ses autres ouvrages. Seul son style, comme toujours, m'a plu mais la présentation sous forme de lettres unilatérales m'a paru un peu fastidieuse.

©Hervé GAUTIER – Décembre 2012.http://hervegautier.e-monsite.com

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Commentaires

  • Eve-Yeshe
    j'aime beaucoup cet auteur et ce livre m'a beaucoup plu. j'apprécie cette sensibilité, la façon dont les sentiments sont décrits, son style... là il a vraiment su penser comme une femme, vraiment touchée au coeur
    • hervegautier
      • hervegautierLe 08/06/2014
      Je consulte mon site (je le fais rarement). Je vois toutes vos appréciations sur Philippe Besson. J'ai découvert cet auteur un peu par hasard mais je ne le regrette pas.

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