la feuille volante

Philippe Soupault

N°1453 – Avril 2020

 

Philippe Soupault – Henri-Jaques Dupuy - Seghers

 

Philippe Soupault (1899-1990) est issu d’un milieu grand bourgeois parisien qu’il décida très tôt de fuir. Son père qu’il perdit très jeune était médecin des hôpitaux et le constructeur automobile Louis Renault devint son oncle par alliance qu’il vilipenda plus tard. C’est la guerre de 14-18 qui fit naître en lui la vocation de poète et notamment la découverte des textes de Rimbaud et de Lautréamont. Toute sa vie il ne cessera d’écrire sous l’empire de la spontanéité, refusant la rime et le rythme imposés par la prosodie mais cultivant l’assonance, la dissonance des mots, les allitérations, les répétitions, l’exploration de l’insolite ... C’est à cette période aussi qu’il fit les rencontres décisives d’Apollinaire déjà célèbre, mais aussi de Tristan Tzara et d’Aragon et d’André Breton. Avec ce dernier dont il se séparera par la suite pour des raisons politiques et d’évolution intellectuelle, il participera au mouvement provocateur et destructeur « Dada » puis au surréalisme. Ensemble, ils collaboreront à l’élaboration des « Champs magnétiques », une expérience menée dans le domaine de l’écriture automatique alliant la spontanéité de Rimbaud et de Lautréamont à l’exploration du rêve sans négliger pour autant le contexte paradoxale de la nuit, à la fois support créateur du songe et de l’insomnie angoissante. Cette œuvre majeure a permis la compréhension du mystère poétique surréaliste. Qu’on ne s’y trompe pas, cette ambiance destructrice dadaïste qui fait suite à la guerre s’apparente à la mort et cela influença forcément Soupault. Il finira par prendre ses distances avec le mouvement « dada »qui a contribué à remettre en question la notion d’esthétisme en vigueur à cette époque, une sorte de concept de « l’art pour l’art » qu’il refusait. Il sera même sanctionné par ses amis surréalistes avec qui il prit ses distances, pour insoumission à une ambiance interne autoritariste du mouvement. Cette posture à la fois littéraire et anti-littéraire, qu’on peut juger quelque peu ambiguë à cette époque, s’explique sans doute par sa soif de vivre, de voyager, d’être libre et sans doute aussi de répondre à ses ambitions littéraires incompatibles à ses yeux avec les vaines querelles de terrasses de café à la mode. Ainsi devint-il journaliste et grand reporter pour éviter l’étouffement parisien, ce qui le conduisit en Europe, puis plus tard en Amérique du Nord, en Afrique, en Amérique latine et en Russie avec des fonctions très officielles, même si ces voyages ont pu prendre la forme d’une évasion et même d’une fuite, il rencontra beaucoup de gens, devint ainsi adepte de la vitesse et des romans qu’il se mit à écrire et dont l’un d’eux (« Les frères Durandeau »-1924) frôla même le prix Goncourt, un éclectisme intellectuel qui fait de lui un homme complexe et d’une grande culture mais qui n’adhéra jamais à aucun parti politique, fuyant les honneurs officiels. Sa démarche poétique n’était cependant pas exempte d’un certain regard pertinent posé sur les relations internationales, surtout quand la liberté était menacée. Dans le domaine du roman, il étouffa quelque peu le poète pour laisser la place à l’autobiographe, au contempteur d’une certaine société intellectuelle de poètes et de grands bourgeois mais ça met en quelque sorte en évidence une certaine impuissance à vivre et peut-être même à écrire. Il se passionna très tôt pour le cinéma à travers les films de « Charlot » et contribua par ses chroniques à reconnaître à cette nouvelle manifestation artistique une dimension poétique. Il écrivit même un scénario en 1934 et participa au mouvement théâtral en adaptant des écrits d’Edgard Poe ou d’Andersen ou en étant lui-même l’auteur du livret d’un oratorio. La radio fut aussi une de ses passions, créant et animant notamment « Radio-Tunis » jusqu’à son arrestation et son incarcération en 1942 par les troupes de Vichy. Il ne cessa de s’intéresser à la musique, notamment le jazz, à la chanson, à la peinture à travers une collection personnelle de toiles de Chirico, de Picasso, de Chagall… et surtout d’Henri Rousseau à qui il consacra une étude comme il le fit également pour Apollinaire, Baudelaire et ...Eugène Labiche.

 

Son séjour à l’hôpital pendant la première guerre lui fit connaître Lautreamont et ses « Chants de Maldoror » qui furent pour lui une révélation qui influença non seulement son écriture mais aussi toute sa vie puisqu’il ne cessa vraiment jamais, même dans les actes les plus anodins du quotidien, d’être surréaliste.

 

©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsite.com

 
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