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la feuille volante

LE VIN DES MORTS

N°788 – Août 2014.

 

LE VIN DES MORTS - Romain Gary- Gallimard.

 

C'est un roman étonnant écrit par le jeune Roman Kacew, alors âgé de 20 ans qui deviendra plus tard Romain Gary. Nous sommes en 1934. Ce texte qui resta à l'état de manuscrit et qui portait pourtant tous les espoirs d'écrivain de son auteur, fut offert par le jeune homme à la journaliste suédoise Christel Söderlund avec qui il avait une liaison après qu'il eût maintes fois été refusé par les éditeurs. Le manuscrit fut ensuite mis en vente à l'Hôtel Drouot en 1992 et publié en 2014.

 

C'est un conte où il nous est dit qu'il y a une vie après la mort, une sorte de « monde à l'envers », « un autre côté du miroir » comme aurait pu le voir Lewis Caroll où la mort n'atténue pas les faiblesses humaines, bien au contraire. Contrairement au message religieux, ce monde de l'au-delà n'est pas meilleur que le nôtre, il en est le reflet exact. Tulipe, le héro de ce voyage sous terre qui commence dans un cimetière, y rencontre sous l'emprise de l'alcool des personnages disparus. Ce texte peut être interprété comme une critique de la société bourgeoise de l'entre-deux-guerres, de la guerre en générale, de l'autorité et de la crise des années trente. Des thèmes s'y entrecroisent sur la vie, la mort, l'enfance, les nombreuses turpitudes de l'homme, le sexe, le suicide qui sera bien plus tard le modus operandi choisi par l'auteur pour quitter ce monde. Le héro s'y déplace dans ce monde d'en bas, peuplé de morts-vivants, parfois accompagné d'un enfant, au gré de ses découvertes mais, dans la forme du moins, on est loin du cheminent de Dante aux enfers dans la Divine Comédie avec un cicérone. Tulipe marche dans un souterrain peuplé de squelettes et d'une faune à peu près analogue à celle du dessus, des sœurs maquerelles dans un bordel d'outre-tombe, des flics violents, des moines paillards, des soldats allemands grossiers et un Dieu ivre qui porte sur tout cela un regard absent. Quant à Tulipe qui cherche toujours la sortie, il y va de ses anecdotes égrillardes sur les clients qui habitent l'hôtel tenu par sa femme, sans doute puisées elle-mêmes dans le quotidien et les clients de la pension « Mermonts » dirigée par sa mère à Nice. Ici les dialogues sont orduriers, inspirés sans doute par Alfred Jarry et peut-être Edgard Poe pour l'atmosphère des « Histoires extraordinaires ».

 

On se souvient que Romain Gary avait obtenu le prix Goncourt en 1956 pour « Les racines du ciel ». Chose extraordinaire, qui est en fait un pied de nez au système, il l'obtint une deuxième fois, en 1975, avec « La vie devant soi », mais sous le nom d’Émile Ajar qui n'était que l'un des nombreux pseudonymes qui jalonnèrent son œuvre. Sous les dehors de diplomate et d'écrivain reconnu, Gary était un véritable anticonformiste.

 

Selon Philippe Brenot présente ce livre de jeunesse, « Le vin des morts », comme préfigurant et annonçant ce que sera l’œuvre future de Romain Gary. Mais si j'ai aimé, il y a très longtemps « Les racines du ciel » ou  « la promesse de l'aube », ici, même si la mémoire peut me faire défaut, j'ai eu du mal à entrer dans cet univers surréaliste et même un peu pestilentiel de danse macabre où je n'ai pas vraiment retrouvé ce que j'ai ensuite apprécié chez Romain Gary.

 

©Hervé GAUTIER – Août 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

 
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