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la feuille volante

Vous avez dit Bizeau ?

N° 1511 – Novembre 2020

Vous avez dit Bizeau ?– Simonomis – Éditions les dossiers d’aquitaine

De nos jours s’ils ne sont adoubés par la chanson et la télévision, les poètes ont peu de chance d’accéder à la notoriété. Eugène Bizeau (1883-1989) est de ceux-là qui, bien qu’il eut un engagement de pacifiste, d’anarchiste et d’athée, vécut sa vie à la campagne loin de l’agitation des villes. Né à Veretz près de Tours, il dû travailler à treize ans après son certificat d’études comme ouvrier agricole, aide cantonnier, facteur, apiculteur, jardinier puis vigneron qui sera son vrai métier. Il consacra ses rares loisirs à la lecture, notamment aux poèmes de Gaston Couté, découvrant la chanson populaire et les journaux libertaires. Il s’essaiera à l’écriture et en 1910 « La Muse Rouge »l’accueillit parmi les poètes et les chansonniers révolutionnaires. Cela lui valut par la suite pas mal de tracasseries policières. La chanson sera son mode d’expression favori bien qu’il ne chantât pas lui-même. Ses textes ont été mis en musique et interprétés par des amis. A l’aube de la guerre de 1914 il a été réformé pour « faiblesse de constitution » ce qui ne l’empêchera pas de vivre jusqu’à pratiquement 106 ans et servira son idéal pacifiste. Il se maria en 1916 avec Anne, une institutrice qui partageait ses convictions et qu’il suivra jusqu’en Auvergne avant de revenir en Touraine. Deux enfants, Max et Claire, naîtront de cette union.

Intellectuel paysan, il ne sera pas inactif sur le plan de l’engagement, prenant notamment parti pour les anarchistes italiens Sacco et Venzetti, soutenant les ouvriers espagnols pendant la Guerre Civile (ses chansons étaient diffusées sur Radio Barcelone), et dénonçant les conséquences du second conflit mondial. Après la mort de son épouse, il resta seul, se consacrant à sa mémoire, à l’écriture, aux visiteurs… Il a bénéficié, bien tardivement quand même, de l’attention de la presse (Le Monde, Libération, le Canard enchaîné) et de France Culture et Cabu le croqua avec gourmandise. On lui consacra même un film (« Écoutez Bizeau » de Bernard Baissat et Robert Bercy – 1980). Ses poèmes (notamment « balbutiements »- »La muse au chapeau vert »- «Paternité »...) et ses chansons sont pratiquement introuvables, bien que la consultation du site de l’éditeur Christian Pirot révèle la diffusion de certains recueils (« Verrues sociales »- « Croquis de la rue »- Guerre à la guerre »). Il était certes un révolutionnaire mais il aussi un bon vivant, amateur du vin de Touraine et qui ne manquait pas d’humour. A l’administration fiscale qui interrogea ce jeune homme de 102 ans sur sa situation au regard du mariage ou de l’union libre, il répondit à sa manière «  A cent deux ans, Monsieur, pour me remarier/Il me faudrait avoir les qualités requises.../ Quant au concubinage, à grand tort décrié/Je n’ai plus assez d’encre dans mon vieil encrier/Pour enconcubiner villageoise ou marquise ! »

Il était anarchiste et libertaire mais pas pour autant adepte du vers libre, bien au contraire puisqu’il écrivait le plus souvent en alexandrins et sous la forme de sonnets classiques.

C’est « ce survivant provisoire » comme il se définissait lui-même que Simonomis (1940-2005) rencontra en 1985, tomba sous son charme et édita ce témoignage avec notice biobibliographie, photos, poèmes et réponses à son traditionnel questionnaire. Simonomis qui fut un poète inspiré, très engagé dans le domaine de la culture, consacra également tout une partie de son œuvre à l’écriture des autres. C’est ainsi qu’il parla de notamment de Gaston Couté... (« Gaston Couté : De la terre aux pavés »).

Je profite de cette période de confinement pour revisiter mes archives personnelles et, si possible, mettre en lumière des écrivains oubliés et faire échec à l’oubli, si c’est possible !

 
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