la feuille volante

La mort d'Ivan Illitch

 

La Feuille Volante n° 1372 Août 2019.

 

La mort d'Ivan Illitch Léon Tolstoï - Le livre de poche.

 

Les trois textes réunis dans ce recueils "La mort d'Ivan Illitch - Maître et serviteur- Trois morts" ont été publiés à des dates différentes, dans de revues différentes et ont été accueillis favorablement par les cercles littéraires et par le public.

 

Dès lors qu'il prend conscience de sa vie, la mort devient pour l'homme une source de préoccupations et de questions que les religions ne résolvent qu'autant qu'on y croit. Elle est l'image de notre peur et notre impuissance face à elle et se vouloir immortel, même dans un éventuel autre monde est à la fois une absurdité et un leurre savamment entretenus. Cette immortalité peut même parfois être supposée ou simplement espérée en ce monde, au nom même de la vie, alors qu'en tant qu'humain nous sommes tous assujettis à cette même condition de mortels. c'est un peu ce que pense Illitch au début, peut-être pour se assurer. Le temps qui passe, le vieillissement, la souffrance et la douleur en font partie, sont, surtout à son époque, les prémices du trépas et c'est un éternel questionnement de savoir s'il faut révéler au malade son état ou l'entretenir dans l'illusion et le mensonge de la guérison. On cache la réalité de sa santé à l'épouse de Dmitrievich et Ivan Illich supplie qu'on lui dise la vérité sur son état qu'il sent bien aller en se dégradant et il perçoit la camarde qui rôde. Cet Illich, semble-t-il inspiré par un personnage réel, après avoir connu une vie matrimoniale assez quelconque mais une réussite professionnelle brillante, se débat dans les affres de l'agonie, sent qu'elle va l'emporter, porte sur sa vie un dernier regard. La mort est un passage vers le néant, le même que celui qui existait avant notre naissance, la simple fin de notre parcours terrestre et ce magistrat semble l'accepter sans la moindre peur, comme une délivrance. Ce thème est particulièrement présent dans l’œuvre de Tolstoï (1828-1910) et il a sûrement exprimé dans le personnage d'Ivan Illictch ses propres cruelles obsessions puisque, nous le savons, l'écriture a aussi une fonction cathartique, mais je ne peux pas ne pas penser qu'un écrivain ne veuille pas, après sa disparition, laisser une trace grâce à ses œuvres qui lui survivront. Notre auteur a connu cette réalité très tôt dans sa vie, dans sa famille, puisque, à son époque, la médecine était balbutiante. La mort c'est aussi l'heure du bilan, l'exacte forme du "jugement dernier" où, face à soi-même et sans complaisance on se met en scène dans cette "parabole des talents" de l’Évangile. Qu'a été notre vie, à quoi ou à qui a-t-elle servi, qu'en avons-nous fait? c'est sans doute le sens de ce dialogue entre le magistrat et"la voix de l'âme". Cette nouvelle est un peu longue et un peu ennuyeuse, notamment dans tout ce qui concerne la vie professionnelle et matrimoniale du personnage. En revanche son appréhension de la mort est intéressante.

 

Avec "Maître et serviteur" nous avons le récit d'un voyage mouvementé au cours de l'hiver russe ainsi qu'une étude de caractères, Vassili est un riche négociant, orgueilleux et fourbe qui exploite et méprise Nikita, son valet qui lui a un caractère enjoué et résigné et ne songe qu'à servir son maître. Vassili fera quand même dans ses derniers moments preuve d'une humanité assez inattendue de sa part et qui ressemble un peu à une rédemption. Il est question des relations maître-serviteur, de la valeur de l'argent et seulement à la fin de la mort des deux hommes avec pour Nikita une sorte de consolation, une délivrance avec l'espoir d'un monde meilleur. Les évocations et les descriptions sont émouvantes et on sent bien de la part de l’auteur la volonté de mettre en exergue les qualités des paysans russes. De ces trois nouvelles c'est de loin celle qui a ma préférence.

 

Avec "Trois morts" c'est le début de la carrière littéraire de Tolstoï et ce thème de la mort sera repris plus tard avec "La mort d'Ivan IIlitch". aussi et peut-être seulement la fin de l'homme qui est traitée. En réalité ce sont trois morts bizarres qui sont évoquées ici, celle d'une femme, d'un paysan et d'un arbre. La dame refuse sa maladie et s'entête à faire un long voyage vers l'Italie en quête de la guérison. Elle ment devant la mort comme elle l'a fait toute sa vie. Elle est chrétienne mais il semble que le christianisme ne l'aide pas au moment fatal. Cette mort est mise en perspective avec celle d'un paysan qui lui accepte son sort et meurt en paix. Il donne même ses bottes en échange d'une pierre tombale qu'il n'aura pas et qui sera remplacée par une simple croix. Celle de l'arbre qui est abattu pour confectionner cette croix, une fin naturelle, un peu comme celle des humains! C'est le lien que personnellement je vois avec les deux autres.

 

©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com

 
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