la feuille volante

LES COBAYES

 

N°815 – Octobre 2014.

 

LES COBAYES Tonino Benacquista – Nicolas BarralDargaud.

 

Qu'est ce qu'on ne ferait pas pour quelques milliers d'euros, surtout quand on est chômeur, un peu paumé ou bourré de complexes (Peut-on minimiser le pouvoir extraordinaire de l'argent sur le plan financier et personnel ?). Tester de nouveaux médicaments avant leur mise sur le marché reste une solution. Pour Daniel, Romain et Moïra qui n'ont aucune expérience dans ce domaine, cela tombe plutôt bien, puisque contre une somme rondelette ils viennent d'être choisis pour essayer le M2 C2 T, sorte d’anxiolytique de nouvelle génération, bref ils sont devenus des cobayes !

 

Comme dans tout médicament, il y a des effets secondaires et ceux auxquels ils vont devoir faire face sont assez inattendus. Cela changera leur vie, les révélera. Cette substance libère les pulsions enfouies dans l'inconscient de chacun et ces cobayes prennent goût à leur nouvelle vie, toutes leurs vieilles inhibitions disparaissent. L'amnésique va devenir hypermnésique, le timide se transforme en Don Juan, la molécule donne du talent à l'artiste et le succès fait le reste. Jusqu'à présent dans l'anonymat, ils prennent soudain conscience de la réalité du monde qui les entoure et ils profitent de leur « heure de gloire » puisque la recherche du bonheur individuel est une chose normale. Ce n'est bien entendu pas sans susciter des jalousies, la nature humaine y étant naturellement portée. Ce texte illustre la cupidité de l'homme que ne rachètent ni Coluche ni l'abbé Pierre. Quand il y a de l'argent à gagner, peu importe les dégâts collatéraux supportés par les victimes. Cette expérience, impersonnelle au début, fait naître une amitié solide et même une complicité entre ces trois personnes qui sans cela n'auraient eu aucune chance de se rencontrer. L'auteur glisse dans son texte des remarques sur les laboratoires, l'expérimentation et l'emploi des médicaments dans le tiers-monde. Je ne sais si elles reflètent effectivement la réalité mais elles ont l'apparence de la logique.

 

Nous sommes en pleine fiction : apparemment, ce médicament contribue à améliorer ce monde dominé par l’argent, l’égoïsme, la violence, en s'appuyant sur la culpabilité individuelle. Grâce à lui le financier inhumain devient un mécène, l'assassin confesse ses crimes... Tout cela est utopique ! Chaque médaille a son revers : ce médicament devenu un vulgaire stupéfiant risque de précipiter ceux qui en usent dans une dépendance dangereuse et en faire de véritables victimes. Il se trouvera toujours des gens pour profiter de cette manne. Il ne reste aux auteurs, véritables « apprentis sorciers », qu'à invoquer la protection divine dont nous savons tous qu'elle est illusoire. C'est le sens de l'épilogue qui, je l'avoue, m'a laissé un peu dubitatif.

Les idéologies qui ont aussi ce pouvoir de manipuler les gens, l'histoire est là pour nous montrer leurs méfaits.

 

Le dessin est expressif rehaussé de couleurs changeantes (dues à Philippe de la Fuente) en fonction des moments du récit. Je ne suis pas amateur de BD mais cette lecture, suscitée par ma participation à un jury de prix littéraire, m'a quand même intéressé.

 

©Hervé GAUTIER – Octobre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

 
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