la feuille volante

Tristesse et beauté

La Feuille Volante n° 1209

Tristesse et beauté – Yasunari Kawabata – Albin Michel.

Traduit du japonais par Amina Okada.

 

Oky est un écrivain célèbre, dans la maturité, qui prend seul le train pour Kyoto en cette fin d'année dans l'espoir incertain, après plus de vingt années de séparation, de retrouver Otoko qui fut il y a bien longtemps sa très jeune maîtresse. Il était à l'époque déjà marié et père de famille, mais l'enfant qu'il avait eu avec Otoko était mort-né et la jeune fille avait tenté de se suicider. Cet épisode avait donné un roman autobiographique à succès pour Oky et avait fait de lui un écrivain reconnu. Elle est maintenant une artiste peintre reconnue, demeurée célibataire et vit avec Keiko, son élève, une jeune fille d'une étonnante beauté et qui voue à son professeur une grande dévotion. Elle considère que Oki est le seul responsable de la destruction de la vie d'Otoko et envisage une vengeance d'autant plus étrange que personne ne lui a rien demandé, que la jalousie qui semble en être le moteur est quelque peu étonnante et que, à l'évidence, Otoko est encore amoureuse d'Oky. Cette punition est d'autant plus subtile qu'elle ressemble au style abstrait de Keiko qui donne à voir dans ses peintures autre chose que la réalité perçue par le commun des mortels.

 

Un quatrième personnage, Fumiko, l'épouse d'Oki, a mal vécu le succès littéraire de son mari puisque qu'il est inspiré par un adultère de ce dernier mais a pourtant profité de l'aisance financière qu'il lui a apportée lui a apporté, mais on sent bien qu'elle n'a pas oublié la trahison de son mari. Comment aurait-elle pu l'oublier d'ailleurs ? Quant au pardon toujours possible, cela n'a toujours été pour moi qu'un invitation à recommencer, une dangereuse position dans le contexte de l'espèce humaine, volontiers inconstante, et à la quelle nous appartenons tous.

 

Le livre refermé, j'ai un peu de mal a me forger un avis sur ce roman au dénuement prévisible, sans doute à cause de la pudeur avec laquelle chaque personnage est décrit et ce malgré l'indéniable dimension érotique de certains passages. C'est sans doute là un trait de la culture nippone qui m'est étranger. En tout cas, j'ai perçu quelque chose d'universel, une forme de vertige, comme ce qu'on ressent quand on prend conscience du temps qui passe, qu'on se remémore les choses importantes ou au contraire minuscules qui se sont produites dans notre vie et la façon dont nous les avons abordées. Alors reviennent avec une netteté étonnante notre naïveté, notre complicité inconsciente, notre incompréhension, notre précipitation dans le vécu de ces événements qui maintenant appartiennent au passé et qu'on regrette. C'est très humain mais m'est revenue cette impossibilité de remonter le temps dont nous subissons la course inexorable. La méditation sur la mort qui s'ensuit est incontournable, sur l'éphémère des choses humaines, sur la beauté comme sur l'amour.

 

Nous savons qu'un écrivain puise dans sa vie et ses souvenir l'essence même se son œuvre. Tout au long de ma lecture, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que l'ensemble de l’œuvre de Kawabata est baignée par les personnages féminins qui doivent sans doute leur présence à l'émotion que ressentit l'auteur, encore tout jeune garçon, quand, lors du passage d'un cirque ambulant, il croisa une danseuse d'un grande beauté. Plus tard, quand il était étudiant, il tomba sous le charme d'une jeune serveuse qu'il voulut épouser mais avec qui il rompit cependant. Je n'ai pas pu oublier non plus que Kawabata a choisi de se suicider.

 

J'ai abordé l'ouvre de Kawabata à propos Du roman « Les belles endormies » (La Feuille Volante n °1203) qui m'avait bien plu. Je ne suis pas aussi enthousiaste avec celui-ci.

© Hervé GAUTIER – Janvier 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]

 
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