Histoires d'amour
- Par hervegautier
- Le 15/05/2018
- Dans Alberto Moravia
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La Feuille Volante n° 1245
HISTOIRES D'AMOUR- Alberto Moravia – Flammarion.
Traduit de l'italien par René de Ceccatty.
C'est une série de quatorze nouvelles écrites de 1927 à 1951 par Alberto Moravia (1907- 1990).
Parler de cet écrivain italien majeur n'est pas chose facile et le regard qu'il porte sur l'espèce humaine est acéré en ce sens qu'il dissèque à travers les personnages de ses romans et nouvelles, et avec pertinence, les rapports qui existent entre les êtres à travers leurs relations amoureuses, sexuelles ou sociales. Il s'intéresse en effet à la société italienne de son temps, puritaine, fasciste, bourgeoise, sur laquelle il jette un regard critique et choisit d'étudier plus spécialement les couples homme-femme .
Les personnages que Moravia met en scène sont souvent oisifs, peut-être rentiers, en ce sens que le lecteur n'a pas l'impression qu'ils ont besoin de travailler pour vivre. Ainsi peuvent-ils jouir de la vie sans grandes contraintes et l'auteur nous livre leurs états d'âme, leurs réactions face notamment à la séduction amoureuse qui est une des caractéristiques des êtres humains entre eux, même si ces manœuvres ne visent qu'à un moment d’exaltation charnelle pour ensuite n'être qu'un souvenir, avec son lot de regrets, de remords et un sentiment d'inutilité, de gâchis (La mexicaine). S'agissant des relations qui gouvernent un couple, cela ne va pas sans manipulations, trahisons, mensonges et adultères et bien entendu les désillusions qui vont avec, parce qu’ainsi les grands sentiments et les serments qu'on voulait définitifs sont foulés au pied et quand tout cela est révélé, celui ou celle qui en est victime en ressent l'impression malsaine de s'être trompé avant même de l'avoir été, ses certitudes antérieures définitivement envolées et éclatées sous les évidences. Il en résulte bien sur une bonne dose de frustrations, d'insatisfactions et on ne ressort pas indemnes de ce genre d'épreuves qui pourrit toute une vie et la confiance qui doit régir les couples en sort forcément meurtrie. Si les liens perdurent, ils sont forcément artificiels et minés par le doute et si tout cela débouche sur une séparation, c'est le goût amer de l'échec qui domine et que peut difficilement exorciser avec une autre liaison. Bien sûr, tous ne succombent à la luxure, au nom de l'amitié ou d'un rigorisme bourgeois ou religieux désuets, comme Perrone qui résiste à la sensuelle Véronica (Le malentendu) mais quand même les manœuvres de séduction sont là pour attester de ce besoin de tout remettre en question, pour manifester que l'amour entre les êtres n'est que factuel, peut parfaitement être bousculé voire anéanti par intérêt ou par opportunité et que finalement tout cela est interchangeable, dépend autant du hasard que du profit personnel. Contrairement à ce qu'on voudrait croire, l'amour passe et s'use avec le temps, n'a rien de perpétuel, même si on parvient toujours à jouer une sorte de comédie un peu triste autour de ce thème. Les personnages de Moravia évoluent souvent dans des décors hors d'âge, des villas isolées, sont souvent mal dans leur peau, fantomatiques, mélancoliques, hypocondriaques, désespérés au point que leurs relations impossibles ensemble se terminent souvent par la mort ou l'assassinat (L'amant malheureux – Retour à la mer), seule issue possible à cette solitude insupportable mais inévitable (Malinverno). Je retrouve chez lui la certitude que j'ai toujours nourrie que la relation durable et heureuse entre un homme et une femme dans une vie commune est difficile voire impossible et ce nonobstant le désir charnel (Retour à la mer) , y compris féminin (L'officier anglais). Ses personnages semblent perdus dans ce monde avec la jalousie et le secret qui baignent une amitié utopique mais aussi dans un monde injuste qui justifie la violence (Aller vers le peuple).
A la lecture de ces nouvelles j'ai ressenti une sorte de malaise, quelque chose de malsain qui préside à la rapports artificiels et froids qu'ils ont entre eux et ce malgré l'évocation de la beauté de certaines femmes. Ils sont ici mais assurément souhaiteraient être ailleurs mais je choisi d'y voir une réalité parfaitement humaine. Il y a comme un deuxième mouvement dans ce recueil, celui qu évoque la guerre et la période troublée du fascisme.
Moravia était surtout connu pour ses romans mais pour autant, l'art de la nouvelle ne lui était pas étranger, il ne tenait pas pour ce genre pour mineur et j'ai, comme toujours, apprécié son style fluide, à la fois précis, poétique dans les descriptions, agréable à lire et sa subtile analyse psychologique des personnages.
© Hervé GAUTIER – Mai 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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