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la feuille volante

LE PRIX A PAYER – un film d'Alexandra Leclère

 

N°593– Septembre 2012.

LE PRIX A PAYER – un film d'Alexandra Leclère [2007].

TF1 Dimanche 23 septembre 2012 – 20H50.

 

Je poursuis l'intérêt que je porte à l’œuvre cinématographique d'Alexandra Leclère. La Feuille Volante en a déjà été le témoin à propos des « Sœurs fâchées » (FV n° 554 de février 2012) et de « Maman » (FV n°577 de mai 2012) et j'avoue bien sincèrement que je suis très attentif à ce mode d'expression intimiste du cinéma.

 

Ici, Alexandra Leclère s'attaque aux problèmes de couple. C'est sans doute peu original mais cela fait parti de la vie et mérite bien qu'on y prête un peu d'attention. Jean-Pierre Ménard [Christian Clavier], homme d'affaires riche et ayant réussi, est marié à une femme, jolie mais dépensière, Odile, [Natahlie Bayle] mais il est malheureux en ménage : c'est qu'elle a décidé depuis quelques temps de faire chambre à part et donc de se refuser à lui. Sur le conseil de Richard, son chauffeur macho et frustré [Gérard Lanvin] à qui il avoue son infortune, il lui supprime sa carte de crédit et son chéquier afin de la ramener vers lui. Il lui exprime les termes d'un marché qui a l'avantage de l'économie de mots et de la simplicité « Pas de cul, pas de fric » ! Avec une telle formule, le terme « devoir conjugal » prend tout son sens. De son côté, Richard vit avec Caroline[Géraldine Pailhas] qui poursuit un rêve inaccessible auquel il est étranger. Voici pour le décor.

 

J'ai trouvé ce film un tantinet caricatural où d'un côté les femmes sont présentées comme des êtres libres qui s'adaptent à l'évolution de leur situation mais sont quand même dépendantes de l'argent de leur compagnon considéré comme un pourvoyeur d'euros, et de l'autre les hommes, pour qui l'argent qu'ils gagnent paie tout mais qui se sentent désemparés quand elles disparaissent. J'avoue que, malgré tout, j'ai du mal à entrer dans ce schéma un peu trop simpliste où les femmes sont maîtresses d'un jeu où l'argent est roi et achète les consciences et les postures,. Elles semblent assumer leur existence à travers lui, qu'elles se le procure à travers le travail ou les épisodes vaudevillesques. C'est plus fort que moi, je ne peux pas ne pas donner à la dernière réplique du film qu'Odile adresse à Jean-Pierre [« Tu comptes beaucoup pour moi »] une signification... comptable !

 

J'ai trouvé le jeu des acteurs tout à fait dans le ton du film et conforme à son côté grand-guignol. A mon avis, la distribution sauve même le scénario. Cela aurait pu être drôle surtout lorsque Caroline avoue que dans sa vie l'écriture tient un grande place et correspond à ses aspirations profondes et que Jean-Pierre lui rétorque que sa femme aussi a des dispositions dans ce domaine, mais uniquement pour rédiger les chèques ! Pourtant, et malgré les apparences, je ne suis pas bien sûr d'avoir assisté à une « comédie », puisque j'y ai vu une illustration supplémentaire de la difficile cohabitation entre hommes et femmes et des épreuves qui émaillent inévitablement une vie de couple. On peut certes rire de tout mais ce genre d'épreuves laissent quand même des traces. Même l'épisode de la passade ratée avec un inconnu (Patrick Chesnais) ne me semble pas crédible. Je ne suis pas sûr non plus qu'Odile, à ce point dégoûtée de son mari, puisse répondre simplement à un admirateur enamouré qui lui déclare qu'elle est « très belle », qu'elle est seulement... « très mariée »  et qu'elle choisisse de revenir dans le giron familial ! Compte tenu de l'ambiance délétère qui règne au sein de ce couple, la fidélité de Jean-Pierre qui est ainsi artificiellement maintenue, ne me semble pas de mise. On imagine facilement qu'au lieu de se livrer à ce petit larcin misérable, il puisse préférer des amours de contrebande... D'autre part je conçois mal qu'une jolie femme en pleine possession de sa féminité, fasse l'impasse sur une vie sexuelle que son charme et sa beauté incitent naturellement à la séduction. Qu'elle se refuse à son mari pour des raisons obscures ou futiles, passe encore, qu'au moins elle satisfasse un ou plusieurs amants, l'abstinence qui est ici suscitée me semble quelque peu irréaliste !

 

Jusque là je dois dire que j'avais apprécié le regard qu'Alexandra Leclère portait sur la société dont le cinéma peut être le miroir. Le thème choisi avait l'avantage de concerner le plus grand nombre d'entre nous qui n'ignorons pas que les relations entre les hommes et les femmes sont complexes, faites beaucoup plus de tensions, de haine et d'hypocrisie que d'amour et d'attachement. Ce qui est valable au début du mariage laisse rapidement la place à une atmosphère pesante où la passion se délite rapidement. Tous ceux qui ont contracté mariage l'ont fait par amour, pour faire comme tout le monde, par intérêt, par convenance, pour changer de vie ... mais on oublie un peu vite que, comme le spirituel, cela suppose une vocation. Après tout, on n'a pas trouvé mieux, depuis que le monde existe pour perpétuer la race et organiser les rapports entre les êtres. La morale, la philosophie, la religion, le droit ont tenté d'y mettre leur patte pour que cela ait des apparences correctes, présentables voire attirantes. Oui, mais, si on part du principe que l'amour existe, il rime rarement avec « toujours » et rapidement les choses prennent un autre visage moins avouable, fait de duplicités, de trahisons, d'infidélités... Le contrat de départ ne manque pas d'être écorné et presque naturellement c'est le divorce qui intervient, avec son lot de désillusions, de remords, de remises en question parfois impossible à surmonter, de vies brisées... On peut aussi admettre que les époux fassent perdurer artificiellement ce lien tout en vivant leur vie chacun de leur côté, en faisant prévaloir leur intérêt. Certes l'argent est roi et gouverne le monde, nous le savions déjà, mais de là à en faire l'enjeu de l'épanouissement sexuel d'un des conjoints, je trouve cela un peu fort. Ce problème de testostérone et de machisme me paraît un peu surfait. Je ne suis peut-être que très peu averti des choses de ce monde ou l'auteur a peut-être voulu être originale, mais il me semble que l'issue d'une telle situation intimement nuisible peut facilement être différente et déboucher sur une autre situation que celle proposée par le film. Cela aussi fait partie de cette règle du jeu et il n'est quand même pas rare que, dans le mariage, il y ait ce genre d'accident...

 

J'ai donc été un peu déçu par ce film mais j'y ai retrouvé des thèmes traités dans « les sœurs fâchées »... et j'attends le suivant.

 

 

©Hervé GAUTIER – Septembre 2012.http://hervegautier.e-monsite.com

 
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